GUY DE MAUPASSANT - Vieux objets (Nouvelles)
Une lettre, objet précieux comme une bourse une aumônière ou un coffret porteur de quelques pensées oubliées ou souhaits non avoués, d'un moment ou d'une tranche de vie, d'un rapprochement avec son destinataire. Une lettre une adresse un appel une confession.
"Naître vivre et mourir dans la même maison !" un vers de
Sainte-Beuve repris par Adélaïde dans la lettre qu'elle écrit à son amie d'enfance, Colette. Les deux sont à l'automne de leur vie, l'âge qui a accumulé des souvenirs, essuyé des larmes vécu des bonheurs et qui a gardé comme compagnons fidèles la maison, les vieux objets et... la solitude.
La lettre est un sourire nostalgique adressé à un passé et une jeunesse pleine d'enthousiasme et sans expérience, à l'âge où l'on attrape des bleus et aussi à l'âge mûr qui a appris à leur parler et à les soigner, il en reste quelques cicatrices.
"Le bonheur c'est l'attente heureuse,... c'est l'illusion sans fin", écrit Adélaïde.
Le temps vécu, elle le retourne dans le sablier de sa mémoire qui parle tout bas aux objets de la maisons, témoins muets de vies et raconteurs silencieux de leurs histoires. Objets restés depuis longtemps sur une étagère avec quelques épaisseurs de poussière, d'autres se retrouvent oubliés au grenier, il y en d'autres encore, tellement vieux que l'on se demande s'ils ont déjà eu une histoire, personnes des vivants ne s'en souvient.
Une vie passée dont les pétales sont maintenant un peu froissés mais le souffle est toujours là et enveloppe de tendresse et garde précieusement dans le creux de l'âme ce qui a fait
une vie.
"Toi, ma chère Colette, tu ne dois guère comprendre tout cela, et tu vas sourire de mes niaiseries... Tu es une Parisienne, et vous autres Parisien, vous ne connaissez point cette vie en dedans, ces rabâchages de son propre coeur. Vous vivez en dehors, avec toutes vos pensées au vent. Vivant seule je ne puis te parler que de moi."
A la lecture de cette courte nouvelle
De Maupassant, images des toiles de Chardin se mirent à défiler silencieusement devant mes yeux, une cruche, un verre, des pots, des bocaux, quelques fleurs coupées, objets d'un âge vénérable auxquels un créateur à l'oeil sensible a su redonner vie et sensualité, une respiration rappelant un passé ... "attente heureuse,... illusion sans fin...".
Juste quelques pages et une incroyable densité d'émotions, les plus simples les plus profondes. L'écriture s'attache à un style direct franc, ce
lui de la lettre à une amie, quelques phrases, l'essence d'un vie.