Hanne rentre chez elle après avoir fait les courses. Chez le boulanger, machinalement, elle a pris un exemplaire du journal gratuit du dimanche. Cela peut servir pour nettoyer les vitres ou emballer des verres. Mais, lorsque le toutes-boîtes tombe et s'ouvre, Hanne est abasourdie. Cette femme sur la photo,elle la reconnaît : « Olga, 24 ans, n'a plus été vue depuis le 17 novembre. » « Ainsi donc, elle s'appelait Olga. Ça ne lui allait pas du tout (…) Hanne l'appelait Blandine. » « Hanne n'imaginait pas que sa disparition pût avoir une cause violente et une fin funeste (…) Parce que Olga-Blandine était une fée. » Chaque fois qu'elle l'a croisée, Hanne a vu son existence transformée. Il est impossible que personne ne sache rien d'elle, qu'elle n'ait aucune existence tangible.
Ce roman vraiment déconcertant se présente comme un mince volume qui s'ouvre sur un prologue et se termine par un épilogue. Entre les deux, les chapitres, comme dans une pièce de théâtre, sont nommés « actes » et séparés par des « intermèdes ».
Deux histoires en parallèle : celles de Hanne et d'Olga. Cette dernière se raconte à la première personne, tandis que les intermèdes consacrés à Hanne sont pris en charge par un narrateur extérieur. Ils sont très brefs et exposent les moments où elles se sont croisées, des moments où, même sans une parole, la simple présence de cet être étrange, qui ressemble à un oiseau, « le nez aussi aigu qu'un bec. Des lèvres très minces, blêmes, un visage taillé à la serpe. Une tête perchée au sommet d'un cou sans fin, une curieuse façon de la bouger par à-coups », la réconforte, transforme sa vie.
Sans la connaître, Hanne l'a nommée « Blandine ». « Ça lui vient comme ça, comme surgi du néant, c'est qu'elle est si blanche, blonde et pâle et puis douce et un peu immatérielle. »
En terminant ce livre, le lecteur (du moins moi) est surpris, désorienté. D'où vient le titre, alors que je n'ai trouvé aucune trace d'insouciance, même fragile, dans cette vie affreuse, contée d'un ton neutre, sans aucun pathos.
L'intrigue est centrée sur Olga, c'est évident. Mais cette Olga, qui est-elle ? On ne la verra jamais, puisque, lorsque le récit commence, elle a disparu. C'est par le plus grand des hasards que Hanne découvre l'avis de recherche. C'est par le plus grand des hasards aussi que son chemin a croisé celui de « Blandine ».
Pourquoi Hanne décide-t-elle soudain de lui donner une existence concrète, « même si ce n'était que l'histoire qu'elle lui avait inventée pour lui donner vie » ? Cela ressemble à ce que fait Olga qui, elle aussi, invente un personnage qu'elle fait apparaître quand elle est triste et seule. Plus d'une fois, elle précise qu'elle vivait « dans une réalité parallèle dans laquelle des monstres se tapissaient sous les lits, des ongles s'arrêtaient de pousser, des âmes se laissaient aspirer par des murs pelés », qu'elle oppose à la « vraie vie ».
Lorsque Hanne entame l'écriture de son récit, c'est dans le but de le lire à son enfant à naître. « Et peut-être qu'à son tour, il transmettrait l'histoire à sa descendance ».
Quel intérêt de se soucier de cet héritage à propos d'une parfaite inconnue, dont on ne connaît même pas le véritable prénom ? A moins qu'il ne s'agisse pas d'une inconnue et que ce soit sa propre vie que Hanne couche sur le papier, en prenant de la distance, en la faisant supporter par un être imaginaire, car sans cela, elle serait trop intolérable.
En réfléchissant, on décèle pas mal de points communs entre Hanne et Olga (il y a deux enfants dont chacune s'occupe, il y a un voyage à la mer, qui va laver le passé et permettre d'envisager un futur, et bien d'autres encore.) Et puis, Hanne endosse la personnalité d'Olga puisqu'elle dit « je ».
Heureusement, le texte est bref, car il est particulièrement angoissant. J'avoue que, plus qu'être prise par lui, je m'y suis sentie engluée. Il m'a mise mal à l'aise, m'a empêchée de respirer. Je l'ai trouvé très âpre, très fort, étrange et perturbant. Je ne regrette pas de l'avoir lu et suis reconnaissante à Vinciane de me l'avoir proposé, même si ce n'est pas le genre de lecture qu'on fait par pur plaisir. Après tout, la littérature n'a pas pour unique but de nous amuser ou de nous délasser. Elle sert aussi à nous secouer, à nous sortir de notre zone de confort, à nous faire regarder en face une réalité qu'on n'avait peut-être pas envie de voir.
Je le recommanderais donc, car il suscite beaucoup d'émotion, de réflexion et de questions importantes.
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Alors que Hanne avait pris chez le boulanger le journal gratuit du dimanche, elle y vit un avis de disparition le 17 novembre avec la photo d'Olga, 24 ans. Depuis cette disparition l'a hanté. Elle se disait qu'il était triste qu'une personne disparaisse sans laisser de trace et s'imaginait l'histoire d'Olga qu'elle coucha sur papier. Elle s'imaginait avoir croisé Olga et que l‘une et l'autre se dardaient un regard insistant sans jamais avoir l'occasion de se parler. Elle se mis dans la peau de la disparue en narratrice en utilisant le « Je », comme si c'était Olga qui racontait sa propre histoire. Elle décrit d'où était issue Olga selon elle, une famille pauvre habitant un village ou les gens ne se parlaient pas, une fille qui ne connaissait pas son père, une fille qui n'a jamais vraiment considérée sa mère en tant que telle, tant celle-ci la délaissait. Elle vécut auprès de sa grand-mère. Puis arriva les étapes successives, l'écolage et la vie en pension, ensuite la vie en squat avec des drogués et enfin une recherche d'autonomie et de bonheur. C'était une fille en manque d'affection et le destin ne l'a pas véritablement gâté.
J'ai trouvé cette histoire sordide. Peut-être Olga avait-elle envie de quitter sa vie ? Peut-être moi-même n'étais-je pas en mesure d'absorbé un contexte si négatif imaginé ?
Je remercie Babelio et les éditions Academia pour ce livre reçu à l'occasion d'une opération masse critique.
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Un livre attrapé sans trop y croire…et tout à fait impossible de le lâcher !
Quelques jours après la fin de sa lecture, je reste sous le charme/choc de sa lecture. Il ne peut laisser indifférent, c'est certain !
Le point de départ ? Une annonce de disparition dans un journal gratuit du dimanche. Hanne en est persuadé : elle la connaît cette inconnue. Elle l'a déjà croisée et à plusieurs reprises. Mais une chose l'intrigue : cette jeune femme a disparu il y a deux mois ! Personne ne s'en est donc inquiété ?
Et le récit passe en « je »… Qui est « je » ? Cette histoire dure et intrigante est-elle réelle ? À qui est-ce arrivé ?
Olga – Hanne…Hanne – Olga
Une alternance pas anodine et un vrai trouble pour le lecteur.
Un récit maîtrisé et une construction très intéressante qui nous emmène dans cette vie peu banale !
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Et si un jour elle devait la croiser à nouveau, elle lui parlerait, cette fois. Hanne lui raconterait son histoire telle qu'elle se l'était imaginée, Olga raconterait son histoire telle qu'elle l'avait vécue.
A ma naissance, le corps de mon grand-père venait de mourir, longtemps après son esprit. Ma grand-mère était toujours là, comme un fantôme, enfermée dans un mutisme obtus et obstiné depuis qu'elle avait décidé que jamais, jamais elle ne torcherait le cul de son mari.
Ce que je n'ai jamais dit à personne, c'est que je crois que mon père, c'est le père de ma mère. Je ne me risquerai pas à écrire ici "mon grand-père", c'est dégoutant et ça comporterait une contradiction dans les termes.
Peut-être qu'à vouloir m'envoler sans ailes, je me suis brûlé les semelles.