C'est un décor bien connu : le désert, une station-service vide et une petite ville isolée, avec sa banque et son hôtel pour les voyageurs de passage. La faune qui l'habite, elle aussi, est bien connue : le shérif véreux, la bande de voyous, le petit indic minable, la femme fatale et, bien-sûr, l'antihéros à défaut de mieux. Grande absente : la morale. Elle n'aura pas traversé le grand fleuve ni les grandes plaines pour parvenir jusqu'à l'ouest américain, jusqu'à cette localité à quelques miles de la frontière mexicaine. Récit d'action à la profonde noirceur,
Les désarmés est une bande-dessinée où l'espoir est un mirage et où l'argent, décidément tout-puissant, a remplacé jusqu'à l'amour.
Baby Jack a eu une idée. Pour cacher à sa mère l'échec de son projet personnel de vie d'homme autonome, le jeune homme a décidé de braquer une banque. Hélas pour lui, sa mère n'est pas l'une de ces femmes dévouées à leur enfant, bien au contraire. Femme alcoolique dont les formes affolent les hommes du secteur, Angie fait partie d'un autre projet de braquage, plus ambitieux, qui inclut, outre la bande du voyou local Farnum, le shérif Blocker. Un subtil engrenage se met alors en marche, qui fait s'entrechoquer les ambitions et les espoirs de chacun des personnages. le déroulé de l'action fait aussi apparaître un certain isolement chez chacun d'eux, tandis que les notions de groupe et de solidarité vacillent. Ainsi chez les truands, une vive lutte pour la succession de Farnum oppose Finch, son ancien lieutenant, à Kendrick, son nouveau protégé. Blocker, le supposé garant des lois, profite de sa situation pour s'enrichir, mais sa situation ne le protège pas complètement. Quant à Angie, Baby Jack et son jeune frère Tim, on comprend que les liens du sang dérivent franchement par rapport à une certaine normalité, bien que cela, étrangement, tende vers un certain équilibre. À la relation très distendue et orageuse entre Tim et Angie répond ainsi une relation immoralement proche entre Baby Jack et Angie.
Récit sobre et efficace, rythmé tant par les rebondissements narratifs que par les flash-backs,
Les désarmés est également très sombre, ne laissant, pour ainsi dire, aucune échappatoire aux personnages principaux ou secondaires. le titre résonne comme un paradoxe pour un jeu de massacre, illustré par les nombreuses fusillades, scènes de torture ou de meurtre. Mais sans doute le titre est-il justifié, car tous ces personnages, et principalement Baby Jack et Tim, sont fondamentalement désarmés face aux péripéties qui leur arrivent. Ils n'ont à leur opposer que de dérisoires espoirs : celui d'une vie de famille retrouvée, celui de trouver vivants et réels les illusions d'un ouest mythique véhiculés par les comics ou les films. Cependant, Baby Jack et Tim ne vivent pas positivement le mythe américain ; mais, brisés et digérés par lui, ils en font définitivement partie.