Encore un très bon Livre d'or. J'aurais vraiment dû m'y intéresser dans ma jeunesse.
Celui-ci raconte le couple
Henry Kuttner –
Catherine L. Moore qui ont écrit de nombreux récits ensemble sous de nombreux pseudonymes, dont le plus connu est peut-être Lewis
Padgett. Séparément, les deux auteurs sont, disons, de réputation moyenne.
Alain Dorémieux dit de
C.L. Moore qu'elle est « un écrivain-né » mais « qu'il lui manquait le sens du dynamisme et que « le registre de son imagination était restreint », et d'
Henry Kuttner qu'il « avait de l'imagination en pagaille ainsi qu'un savoir-faire de conteur mais n'était pas un véritable écrivain ». Je n'ai pas lu
Kuttner mais j'ai essayé
Jirel de Joiry de Moore et je trouve les qualifications de
Dorémieux assez justes (sa novella
Aucune femme au monde est assez lourde stylistiquement aussi, mais sa conclusion est excellente).
Mais des deux émerge un véritable auteur pourvu des qualités et dépourvu des défauts. La part de l'un et l'autre dans les récits varie. Parfois l'un finit le travail de l'autre, parfois il ajoute quelques petites touches seulement.
La série de textes est présenté ici dans l'ordre chronologique d'écriture, ce qui permet de voir l'évolution de leur style. Les premiers du livre – comme le thriller temporel "Un bon placement" ou le rigolo "Gallegher Bis" qui crée des machines incroyables sous l'effet de l'alcool et ne se souvient plus à quoi elles servent au matin (j'adore son robot majordome qui passe son temps à se regarder dans la glace) – sont dominés par l'humour et la désinvolture. Puis ils deviennent plus sombres dans la mesure où les héros perdent plus souvent qu'ils ne gagnent : "Problème de logement" qui décrit la curiosité d'un couple de propriétaire envers une étrange « maison de poupées », "Ce qu'il vous faut" qui montre un journaliste cherchant le secret d'un curieux magasin offrant aux clients ce dont ils ont besoin sans le savoir. On a ensuite une série de nouvelles qui m'ont rappelé la série Au-delà du réel ou The Twilight zone : un développement typiquement fantastique et assez angoissant trouve une explication « scientifique » directement acceptée comme vraie. le « Juke-box » amoureux, les envahisseurs de "Ne vous retournez" pas et même savoir si votre chef est un « Androïde ».
Un texte est présenté comme étant de
Catherine L. Moore seule, et le style ne ment pas. Il s'agit de "L'heure des enfants". Ma réception s'accorde avec celle que j'ai eue de Joiry : trop « écrit » selon moi, lyrique et famélique en action. Et pourtant, je dois admettre que la conclusion m'a charmé. J'ai retrouvé dans la distance perceptible entre nous et ses « êtres supérieurs » quelque chose de
Blaise Pascal quand il décrit l'inaccessibilité de Dieu comparé même à un infini mathématique.
Comme à chaque Livre d'Or lu, je me sens maintenant accroché par l'idée d'aller visiter la bibliographie du couple plus avant.
Et bien sûr par celle de lire d'autres Livres d'or.