Bridge Road

Les premiers lampadaires s'allumèrent, ce qui fit dire à André : "La nuit va tomber." Il prononça cette banalité avec désarroi, tel le tendre personnage d'Alphonse Allais dans sa nouvelle Un garçon sensible, où il lui faisait s'écrier : "Voilà la nuit qui tombe, pourvu qu'elle ne se casse rien."

Élodie. elle retenait ses armes; Elle se taisait, elle était à l'intérieur de son silence. elle délia ses jambes et se mit debout. Élodie. Elle fit couler de l'eau. Je l'entendis pleurer; Elle m'apparut plus épuisée que jamais. Élodie. Elle s'assit de nouveau sur le fauteuil, serrant ses jambes contre son buste... Élodie. Elle ferma les yeux. Élodie. Je répétais à nouveau son prénom. Encore et encore. Élodie. Elle finirait bien par m'entendre.

Les silences, c'est important, pas les pauses, c'est bien les silences. Un silence, c'est une phrase qu'on interrompt. Une pause, c'est un temps... une phrase qui s'absente...

Je ne suis pas quelqu'un de seul. Je suis solitaire. C'est pas pareil. Et tout ce que l'on a donné, on ne peut pas le reprendre. Et surtout on ne peut pas le donner à d'autres. On l'a ôté de soi. C'est là, c'est à ce moment-là qu'on est seul... être solitaire c'est autre chose. C'est tout garder pour soi? Ne rien donner aux autres. Pourquoi ? Parce qu'on trouve que les autres ne le méritent pas ! Non ce n'est même pas une question qu'ils ne le méritent pas... C'est que l'on trouve que c'est pas très intéressant de donner aux autres. Qu'on n'a pas envie de le partager ! J'ai mes voix. J'ai mon whisky J'ai ma nuit? J(ai enregistré la nuit C'est beau luit. Il y a des lumières partout, de petites lumières comme des yeux J'ai enregistré Bridge Road. La neige quand elle tombe.

La chevelure du Christ est crépue, la nuit a enfanté Jésus. Le fils de Dieu était noir, le saviez-vous ? Noir comme le charbon. Ils ont attaché mon père, roué de coups ma mère. Ils ont attaché mon père. Ont roué de coups ma mère. Ma mère. Ont roué de coupas ma mère. Ma mère est morte dans les bras de mon père.

Seigneur, n'auras-tu donc jamais assez des pleurs et des cris de ton peuple ?