Arrivé du Sénégal en France en 1928,
Léopold Sedar Senghor, va y menr un parcours exemplaire : étudiant brillant, puis agrégé de grammaire et enseignant, il sera successivement prisonnier de guerre, résistant, avant d'entrer en politique. Il sera ainsi en 1960 le premier Président du Sénégal. puis académicien en 1983, avant de s'éteindre auprès de sa femme normande en 2001.
Comment ne pas admirer un tel homme, que la droiture et les valeurs ont porté partout aux plus hautes distinctions ? Et en même temps, comment ne pas être déboussolé face à un parcours de vie aussi riche ?
Valéry Giscard d'Estaing lui-même , semble-t-il, confronté au puzzle senghorien, présenta un patchwork lors de son discours d'entrée à l'académie française,
C'est l'admiration qui m'invita à la lecture de son
Oeuvre poétique, et ce fut l'étourdissement qui présida à ma lecture. En effet, ce livre de poésie retraçant chronologiquement la somme de ses écrits, il s'ouvre par des
poèmes de "l'étudiant noir", autant dire que l'on y trouve mêlés à la fois une poésie scolaire, classique, fortement influencée par le symbolisme de son époque, des élans contestataires anti-esclavagistes, puis anti-colonialistes, et une revendication confiante, presque sage, de ce qu'on a appelé la négritude, que
Senghor image avec force par une peau noire, différente, dans laquelle coule un sang rouge et palpitant, commun à tout homme.
Ensuite suivent d'autres textes, ceux de la maturité, où l'incantation, puisant ses racines dans la tradition culturelle africaine, s'en extrait pourtant dans le grand dessein d'une poésie plus universelle. Son projet poétique, contrairement à la première partie, se structure et s'éclaire. Il s'adresse clairement à la fois à "son peuple" et au peuple de France, dans une construction symphonique où la musicalité est construite savamment.
Personnellement, j'ai toutefois été surpris, et en partie décu par cette lecture : d'abord parce les
poèmes de
Senghor sont très élaborés, dans une langue française précise et exigeante. Ensuite parce que, comme l'ont commenté de nombreux critiques depuis, j'ai eu le sentiment que la poésie de
Senghor, bien qu'ancrée dans les traditions africaines -et c'est ce que j'y recherchais-, est avant tout celle d'un grand intellectuel francophone. En résulte un côté désincarné, littéraire, coupé de la fange terrienne et de la chair humaine. Les références sénégalaises, faisant appel à une culture que je n'avais pas, ralentissent la lecture.
Pour autant, cette poésie symboliste est ciselée, remarquable de force et de vision, quoiqu'à mon goût trop peu intuitive.