dans le ciel buée blanche au levant buée
rose au couchant Vénus marque le plus haut
la bouche d’ombre a mangé saint jean et moi
chassé par le noir de la chapelle grecque
je suis seul sur la passerelle de planches
j’attends la fin et l’autre commencement
le Blanc est gris un fantôme ourlé d’écume
grand silence partout puis un grillon gratte
sa crécelle pas de pensée la présence
du présent tout à coup un roulis d’averse
dans la proche montagne un torrent d’air
qui n’est plus qu’un souffle en arrivant ici
trois étoiles pointent je leur prête des noms
elles sont en fait le timon du chariot
une lueur grandit derrière l’église
mon visage attend son flot avec ferveur
ô qu’il baigne dans mes yeux la vie passante
et que cette lune soit la renversante
qui fera venir le corps au bout du nom
mille étoiles à présent et le bleu noircit
on dirait que le plus profond fait surface
et met sur elle ce qu’il gardait dessous
la lune est cachée derrière une coupole
la corniche en fait rejaillir la lumière
comme fait une pierre sous un jet d’eau
l’aplat des planches est un velours de chaleur
je m’allonge dessus la nuque posée
sur un morceau de marbre et vient le sommeil
quand la pleine lune perce mes paupières
elle est au milieu du ciel et c’est un point
une roue d’or un œil au sommet du Blanc
mais qui lune ou roc fait jaillir l’aura blanche
AUBRAC
neige et brouillard l'enfance a perdu sa route
un bout de ciel mouillé bouche la fenêtre
le temps est un trou toujours qui va devant
piège ouvert trop tôt pour le dernier moment
plus bas l'hiver se couche dans la lumière
il n'en reste en l'air qu'un peu de buée blanche
des souvenirs tombent d'on ne sait quel arbre
dont la mémoire brise toutes les branches
Le poème
sème dans le langage la même folie
comment aurais-pu le penser ailleurs
il veut que sa clarté soit assez sauvage
pour déchirer le cœur et la peau des yeux.
(Le passant de l'Athos)
PUEBLA
la cathédrale est fermée sa cour aussi
Dieu fait grève enfin pour la première fois
l'histoire aligne façades fatiguées
pavés de pierre noire et murs couturés
le durable est une sauce au chocolat
la forme va sur le temps c'est une arche
faite en perpétuel présent
elle ne sais pas qui vit qui meurt
(Floraison)
Jean Frémon La Blancheur de la baleine éditions P.O.L où Jean Frémon tente de dire de quoi et comment est composé son nouveau livre "La Blancheur de la baleine" à l'occasion de sa parution aux éditions P.O.L et où il est notamment question de Michel Leiris, David Hockney, Emmanuel Hocquard, Bernard Noël, Alain Veinstein, Etel Adnan, Louise Bourgeois, Jannis Kounelis, Jacques Dupin, Claude Esteban, Samuel Beckett, Marcel Cohen, Jean- Claude Hemery, Jean- Louis Schefer, David Sylvester, Edmond Jabès à Paris le 2 février 2023
"Ce sont des écrivains, des peintres, des sculpteurs.
Aventuriers de l'impossible. Ce sont des bribes de leurs vies. Tous des chercheurs davantage que des trouveurs. J'ai eu le privilège de les côtoyer. Ce qu'ils poursuivent est ce qui toujours se dérobe. La grâce est une fieffée baleine blanche."
+ Lire la suite