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EAN : 9782080419774
96 pages
Flammarion (23/08/2023)
4.25/5   24 notes
Résumé :
En septembre 1879, la Jeanette, commandée par le capitaine américain De Long, est prise dans les glaces, vers le détroit de Béring. Trois ans plus tard, des Esquimaux retrouvent des débris de son épave sur la côte sud-ouest du Groenland : un courant traverserait donc l'océan Arctique de part en part...
Nansen (1861-1930) en est persuadé quand il lance l'idée de tenter une dérive transpolaire, à bord d'un bateau suffisamment solide pour se laisser prendre dans... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Ça vous dirait un petit rafraîchissement par cette chaleur ? Alors, allez-y, prenez, servez-vous, re-servez-vous même, car c'est réellement une très grande oeuvre que nous a léguée Fridtjof Nansen. Cet homme est peu connu, peu célébré en France — la faute au chauvinisme national, probablement —, et c'est bien dommage. le nom de Charcot froufroute à nos oreilles de temps en temps, celui de Nansen, jamais.

Pourtant, à l'examen de ce qu'ils ont accompli l'un et l'autre, voilà qui est fort étonnant : Fridtjof Nansen, c'est d'abord un scientifique, c'est d'abord quelqu'un qui était soucieux de faire avancer les savoirs de l'humanité avant de rechercher une quelconque gloriole personnelle.

C'est très net et cela transparaît à chaque page de son récit. Toujours il nous donne des éléments climatiques précis, des observations pertinentes, des hypothèses, des relevés concernant les espèces animales rencontrées et leur comportement.

Ce qu'il convient d'avoir en tête, lorsqu'on s'attelle à la lecture de Vers le pôle, c'est que, dans l'ensemble, lorsqu'en 1893, Nansen se lance dans son expédition en Arctique, ce vaste ensemble polaire est encore grandement une terra incognita. Preuve en est la faiblesse de ses cartes, qui, selon leurs auteurs, se contredisent, sont imprécises, mais surtout incomplètes. Nombre d'îles n'y figurent pas et le contour exact des continents est encore largement aléatoire en raison de la présence quasi permanente (à l'époque, c'est un peu différent de nos jours) de la banquise et des glaciers. La vérité, c'est qu'on ne sait toujours pas, en ce temps-là, si sous le pôle nord il y a ou non une terre.

Mais c'est un scientifique, Nansen, et c'est en scientifique qu'il envisage la question. Un événement a priori anodin va l'y aider : en 1881, un bateau, la Jeannette, disparaît en mer, au nord du détroit de Béring, quelque part au large de la Sibérie ; l'équipage et le bateau sont perdus, corps et biens. Or, en 1884, des Esquimaux du Groenland découvrent des restes de l'épave de la Jeannette.

Comment est-ce possible ? se demande Nansen. Si la Jeannette a sombré au nord de la Sibérie orientale et qu'elle ressurgit trois ans plus tard au large du Groenland, c'est d'une part que la banquise n'est pas fixe comme on le supposait alors, et d'autre part, c'est qu'il existe un courant qui relie l'extrême orient et l'Atlantique nord en passant vraisemblablement par le pôle. Tiens, tiens, tiens… c'est intéressant tout ça, se dit Nansen, j'ai envie d'aller voir cela de plus près.

Mais comment faire ? Chacun sait qu'un bateau saisi par les glaces se fait automatiquement broyer par elles tôt ou tard, d'où les naufrages à répétition de ceux qui s'y sont laisser prendre... Mais, je vous l'ai répété un certain nombre de fois : Nansen est un scientifique. Ses connaissances en biologie sont impressionnantes, mais ses connaissances en physique ne sont pas mal non plus.

Ainsi, il imagine un bateau tout spécialement conçu pour se faire prendre dans les glaces sans en pâtir. Pour cela, il faudra que la forme de sa coque et sa résistance intrinsèque lui permettent d'être poussé en hauteur sitôt que les glaces l'enchâsseront. Chose dite, chose faite, Nansen réalise les plans d'une goélette toute spéciale, qui se nommera le Fram, ce qui, en Norvégien, signifie « en avant ». (Lequel Fram sera amené à accomplir d'autres exploits par la suite, rien moins que de conduire l'incontournable Amundsen à la conquête du pôle sud en 1911, mais n'anticipons pas, chaque chose en son temps.)

Et Nansen, outre le fait d'être un bon scientifique, est aussi un sportif accompli : il a déjà victorieusement traversé le Groenland chaussé de skis et muni de traîneaux légers. Il connaît bien les sévices du froid, des efforts et des privations qui attendent tous les explorateurs polaires. Voilà pourquoi il prévoit mille choses à bord de son navire pour lui permettre, avec un équipage trié sur le volet, d'endurer une dérive de plusieurs années, cernés par les conditions les plus hostiles de la planète.

Il est convaincu qu'en se laissant emprisonner par la banquise le plus loin possible vers l'est, au nord de la Sibérie, il ressortira tôt ou tard entre l'archipel du Spitzberg et le Groenland. Y parviendra-t-il ? Échouera-t-il ? C'est ce que je vous veux laisser le plaisir de découvrir par vous-mêmes à la lecture de ce fantastique récit.

Oui, j'ai bien écrit fantastique, car Nansen a également bien d'autres cordes à son arc que celle d'explorateur : c'est un conteur de talent, un penseur, qui arrive à tutoyer l'esthétique, la mystique et la philosophie dans les longues heures de la nuit polaire. Il sait nous émerveiller à la contemplation de ces paysages ô combien rudes mais sublimes. Il sait méditer tout haut sur le sens de la vie.

Précisons encore que Nansen, plus tard, occupera des fonctions de diplomate et qu'il oeuvrera en faveur des réfugiés de par le monde, ce qui lui vaudra rien moins que le prix Nobel de la paix. Bref, à mon avis, un grand, un très grand bonhomme que ce Fridtjof Nansen, dont on comprend aisément pourquoi il exerça une véritable fascination sur le jeune Roald Amundsen, qui voulut poursuivre et enrichir l'héritage norvégien en matière de connaissance et d'exploration polaire.

Un must du récit d'aventure polaire, assurément, mais, bien entendu, cet avis chaud pour un temps froid, apparaîtra probablement bientôt aussi incongru que le fait de parler de banquise pour le pôle nord, avec sa couche de glace chaque jour plus fine, chaque jour plus fragile, plus inapte à supporter le poids d'un ours blanc, autant dire, d'elle comme de la critique, qu'elles ne représentent pas grand-chose et c'est bien dommage (concernant la banquise, bien sûr ; la critique, vous pensez bien qu'on s'en fiche).
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Rarement un livre m'aura autant secoué.

1891, constatant que les restes de la Jeanette échouée dans les glaces sibériennes sont retrouvés trois ans plus tard proches du Groenland, Nansen imagine d'utiliser cette dérive des glaces comme moyen de transport pour explorer le bassin polaire. Reste à construire un bateau suffisamment robuste pour supporter l'écrasement des glaces et recruter l'équipage, 13 pères de famille ignorant le nombre d'années qu'ils passeraient prisonniers de la banquise.
Et c'est qu'ils s'amusent bien, mais après le deuxième hivernage, Nansen décide avec un compagnon de quitter la sécurité du bateau pour tenter d'atteindre le pôle quitte à rentrer à pied et en kayak au pays.

Déceptions et coups durs vont s'enchaîner. le froid, la faim, la crasse, les blessures, les attaques des ours et des morses, les déprédations des renards, la fatigue et la montre qu'on oublie un soir de remonter leur interdisant dramatiquement de calculer leur position, un troisième hivernage dans un minuscule abri et ce qui est extraordinaire chez ces véritables Vikings norvégiens c'est qu'ils gardent le moral et restent plein de ressources et convaincu de retrouver leurs proches.

A côté de cet exploit, les trois mois de Mike Horn au pôle avec matériel high tec, téléphone satellite et gps me semblent presque fades.
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Sacrée épopée Nordique!
Il me semble, après la lecture de ce livre, avoir vraiment partagé cette grande expédition avec Fridtjof Nansen à travers l'Océan Arctique.

Le froid, l'humidité, les ours, les morses, les avancées pénibles à travers une glace chaotique...que de conditions extrêmes que peu d'hommes auraient réussi à vaincre.

Il faut, sans doute avoir un peu de sang viking pour être capable de vivre et traverser une banquise pendant trois années et donc trois hivers aux nuits interminables.

L'équipe de Nansen a mené son projet entre 1893 et 1896, et s'il fut un exploit, c'est sans doute grâce à un état d'esprit exemplaire; le but de l'expédition étant de traverser l'Océan glacial Arctique en immobilisant un navire scientifique (le Fram) sur la banquise (eh oui! la banquise bouge d'Est en Ouest).

L'ensemble de l'équipage sait, dans cet environnement naturel hostile, que s'il y a un manquement dans son organisation, cela peut être fatal pour tout le monde.

-40° à -50°, une banquise qui hurle, qui s'érige telle un titan ou qui se disloque en quelques minutes, Voilà cette Nature Boréale qui est Reine. L'Homme n'a qu'à se faire petit face à ces forces presque surnaturelles. L'Homme doit se montrer patient, très patient pour amadouer ces lieux extrêmes.

C'est de l'habileté (au fusil entre autres), de l'intelligence, de la force physique et un moral d'acier qui doivent briller dans les yeux de ces Norvégiens pilotés par ce personnage hors normes qu'est Fridtjof Nansen (prix Nobel 1922).

Certes, l'équipée a dû être séparée pendant la traversée, Nansen souhaitant atteindre le Pôle Nord, alors qu'il était au 86ème degré de latitude Nord.

Avec son compatriote Johansen, il a échoué. Mais, l'expédition n'était pas fini. Il fallait retourner, à traîneau, puis à pied et en kayak vers la civilisation.

Il faut lire cette magnifique aventure humaine qui se passe entre Paradis et Enfer.
Un bon coup de coeur pour ce début d'année 2015.
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Spoilers.

Texte abrégé en 90 pages de la version originale de 400 pages. Les différentes étapes de cette fantastique expédition sont racontées par Nansen : préparation huit ans avant le départ en 1893, construction du bateau, vivres, chiens de traîneau, la traversée en bateau, le départ avec son compagnon Johansen avec les kayaks, l'hivernage sur la terre François-Joseph, puis trois ans plus tard, la rencontre avec M. Jackson qui marque la fin de l'aventure, le retour triomphal...

J'ai beaucoup aimé la description des épreuves parfois très concrètes et prosaïques que les explorateurs affrontent : glace qui se fend sous le pied, cordes des kayaks qui cèdent, nourriture qui pourrit, le sol de la hutte d'hivernage criblé de pierres pointues, la conservation de la nourriture, la chasse des animaux (morses, guillemots, ours...), le froid pendant la nuit...

La scène la plus marquante pour moi est celle où Nansen se jette à l'eau pour rattraper les kayaks qui partent à la dérive. Impressionnant !

Malheureusement cette version abrégée ne m'a pas permis de me plonger à fond dans cette aventure, à cause d'ellipses importantes. J'ai été également déçue de ne pas lire le travail scientifique (relevés, etc.) effectué par Nansen et son équipage. On lit beaucoup sur la monotonie et l'extrême difficulté de leur quotidien, avec parfois des contradictions (menu identique pendant des semaines : ils se réjouissent et se régalent VS ils n'en peuvent plus) qu'il est intéressant de relever.

Aussi, j'ai été frappée par le rapport homme-animal. Dès qu'un animal sauvage apparaît, le premier réflexe de Nansen est de dégainer le fusil pour l'abattre (nécessité de survie, pour la viande, la graisse et la peau). Rarement on a son regard de scientifique qui observe la faune locale, c'est vraiment criant. Il y a une scène où il est pris de pitié par le grand morse blessé par leur arme qui gémit et se vide de son sang, vision qui hantera longtemps Nansen. de la même manière, le sort des chiens de traîneau est particulièrement choquant. En manque de nourriture, les chiens les plus faibles sont sacrifiés les uns après les autres pour nourrir leurs compagnons (qui pour certains, dans un premier, refusent d'y toucher)... sordide. A la fin de la traversée du Nord vers le Sud, il ne reste que deux chiens. Ils ne montent pas à bord des kayaks : ils sont abattus. Tous ces actes ne sont pas accomplis de gaieté de coeur, mais cela m'a beaucoup interpellée.
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Le récit composé par Fridtjof Ninsen sur son expédition polaire est une agréable surprise. Lorsque l'on sait qu'il a passé trois ans sur le cercle polaire, que se soit sur son bateau avec son équipage, ou seul à pied avec son compagnons Johansen, on peut craindre que le récit ne soit pas palpitant. Mais l'auteur a conscience de cette problématique, et il a composé un livre à partir de son journal somme toute assez réussi. Ce n'est pas surprenant que ce livre ait rencontré un grand succès lors de sa parution.

Le livre commence avec les préparatifs de l'expédition. L'auteur de prend pas le temps de préciser qu'il n'en est pas à son premier voyage polaire, puisqu'il a déjà traversé à pied le Groenland ! On voit en tout cas que rien n'est laissé au hasard, et l'auteur se plaît à présenter ses compagnons.

L'idée est de concevoir un navire capable de résister aux pressions de la glace, et de laisser le bateau dériver, entraîné par la banquise. le bateau a une coque spéciale, qui fait que la glace glisse sous la coque, plutôt que d'exercer une pression latérale.

Et ça marche ! Ça marche tant d'un point de vue technique (que ce soit le bateau, l'organisation matérielle, la température à bord du bateau, la production d'électricité…) que d'un point de vue humain : le groupe montre une capacité à vivre en vase clôt sans problème ! Une sorte de confinement volontaire, auquel manifestement tout le monde s'adapte.

Après deux hivers polaires, Nansen décide de partir à pied pour rejoindre le pôle, avec son compagnon Johansen. Les deux sont équipés de traîneaux tirés par des chiens, et réussissent à monter jusqu'à la latitude de 86°, latitude jamais atteinte à l'époque. Les conditions très difficiles (surtout l'état de la banquise qui ne leur permet pas d'avancer à bonne allure) les forcent à revenir, non pas vers le bateau qui avait continué à dériver, mais vers l'archipel François-Joseph.

Ils atteignent les premières îles de l'archipel, mais malheureusement trop tard pour progresser encore, et ils se préparent à un troisième hivernage, dans une cabane construite avec les moyens du bord, c'est à dire pas grand-chose : des pierres, des peaux de phoque et d'ours.

Ils mangent ce qu'ils chassent, essentiellement les mammifères de la région, qui leur fournissent également la graisse pour les lampes et le chauffage.

Il finiront par rejoindre, à l'autre bout de l'archipel, une expédition anglaise qui les ramènera en Norvège.

Récit incroyable de force d'âme, de conviction, de leadership. Et comme nous le disions au début, récit agréable. Quelques passages un peu long, où comme Nansen le dit lui-même, il ne se passe pas grand-chose, en particulier à la fin. Mais l'ensemble est bien rendu, et restera un récit « historique ».

J'ai simplement regretté que Nansen, protestant, qui fait référence à Noël et à Pâques (il connaissait les dates de Pâques alors que celles-ci varient tous les ans) n'a aucune référence à une quelconque divinité. Pas un mot sur Dieu, pas une prière, rien… Un viking pur et dur qui n'a besoin de personne pour son projet ! Les jours de fêtes tels que Noël et Pâques sont mentionnés pour faire référence au repas de fête qui les accompagnent !
Lien : https://blog.peuterey-editio..
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Nous abandonnons notre vieux floe, maintenant tout disloqué, pour aller ancrer un peu plus en arrière. Le soir, un assaut très violent s'étant produit autour des débris de ce glaçon, nous nous félicitons d'avoir quitté son voisinage.
Les pressions, affectant une étendue importante de la banquise, sont dans une étroite relation avec le phénomène des marées. Deux fois par jour la banquise subit une détente, puis une compression. La compression se produit de quatre à six heures du matin, et à pareille heure le soir ; dans l'intervalle la détente donne naissance à des plaques d'eau libre. L'attaque terrible qui vient de se produire a été probablement déterminée par la marée de syzygie. La lune a commencé le 9 et précisément ce jour-là, vers midi, a eu lieu la première convulsion. Depuis, chaque jour, l'agitation de la glace commence à une heure de plus en plus tardive ; aujourd'hui elle survient à huit heures.
Les pressions se produisent particulièrement aux époques de syzygie et se montrent plus violentes à la nouvelle lune qu'à la pleine lune. Durant les périodes intermédiaires, elles sont faibles ou nulles. Ce phénomène ne se manifesta pas pendant toute la durée de notre dérive ; il fut particulièrement terrible le premier automne, dans le voisinage de la nappe libre, située au nord de la côté sibérienne, et la dernière année aux approches de l'Atlantique. Pendant notre traversée du bassin polaire, il fut moins fréquent et plus irrégulier. Dans cette région, les pressions sont principalement dues à l'action du vent sur les banquises. Lorsque les énormes masses de glace de cette zone, entraînées par la dérive, rencontrent d'autres champs chassés par une brise ayant une direction différente de celle qui pousse les premières, les collisions, comme on le comprend, doivent être terribles.
Cette lutte des glaces les unes contre les autres est à coup sûr un spectacle extraordinaire. On se sent en présence de forces titanesques. Au début d'une grande pression, il semble que tout le globe doive être ébranlé par ces chocs. C'est d'abord comme un roulement de tremblement de terre très lointain, puis le bruit se rapproche et éclate en même temps sur différents points.
Les échos du grand désert neigeux, jusque-là silencieux, répètent ce mugissement en fracas de tonnerre… ; les géants de la nature se préparent au combat. Partout la glace craque, se brise et s'empile en toross, et soudain vous vous trouvez au milieu de cette lutte effroyable. Tout grince et mugit, la glace frémit sous vos pas…, de tous côtés d'effroyables convulsions.
À travers une demi-obscurité, vous voyez les blocs monter en hautes crêtes et approcher en vagues menaçantes. Dans les collisions, des quartiers épais de 4 à 5 mètres sont projetés en l'air, montent les uns au-dessus des autres ou tombent pulvérisés… Maintenant, de tous côtés vous êtes enveloppé par des masses de glace mouvante prêtes à débouler sur vous. Pour échapper à leur étreinte mortelle, vous vous disposez à fuir, mais juste devant vous le glace cède ; un trou noir s'ouvre béant et l'eau affluant par l'ouverture s'épanche à flots. Voulez-vous vous sauver dans une autre direction ? À travers l'obscurité, vous distinguez une nouvelles crête de blocs en marche sur vous. Vous cherchez un autre passage, toute issue est fermée. Un fracas de tonnerre roule sans discontinuer, pareil au grondement de quelque puissante cascade traversée par le fracas d'une canonnade. Ce mugissement formidable approche de plus en plus ; le floe sur lequel vous vous êtes réfugié, serré et heurté comme à coups de bélier, s'effrite, l'eau afflue de tous côtés. Pour vous sauver vous n'avez d'autres ressources que d'escalader une de ces arêtes de glaces mouvantes afin d'atteindre une autre région de la banquise… Maintenant, peu à peu, le calme se fait, le bruit diminue et lentement s'éteint dans un grand silence de mort.
Les mois succèdent aux mois, les années aux années, jamais cette lutte effroyable ne prend fin. Partout la banquise est découpée de crevasses et hérissée d'arêtes produites par ces bouleversements. Si, d'un seul coup d'œil, on pouvait embrasser l'immensité de ce désert blanc, il apparaîtrait quadrillé par un réseau de crêtes (toross). […] À première vue, ces crêtes semblaient affecter le plus complet désordre, un examen plus attentif de la banquise montrait cependant leur tendance à prendre certaines directions, notamment une orientation perpendiculaire à la ligne des pressions qui leur avaient donné naissance. Les explorateurs ont souvent évalué à 18 mètres la hauteur des toross et des hummocks. Ces chiffres sont exagérés. Pendant notre dérive et notre voyage à travers la banquise de l'extrême nord, l'hummock le plus élevé que j'aie vu ne dépassait pas, à vue d'œil, 10 mètres. — Je n'avais malheureusement pas les moyens de le mesurer. Les hummocks les plus saillants dont j'ai déterminé les dimensions atteignaient une hauteur de 6 m à 7,50 m ; ceux-là étaient nombreux. Les entassements de glace de mer ayant une hauteur de 8,50 m sont très rares.

Chapitre 2 : Le premier hivernage.
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Il n'existe rien de plus merveilleusement beau que cette nuit Arctique. C'est le pays des rêves, coloré des teintes les plus délicates qu'on puisse imaginer : c'est la couleur irréelle! Les nuances se fondent les unes dans les autres dans une merveilleuse harmonie.

Toute la beauté de la vie n'est-elle pas haute, délicate et pure comme cette nuit? Le ciel est une immense coupole bleue au zénith, passant vers l'horizon au vert, puis au lilas et au violet.

Sur les champs de glace apparaissent de froides ombres bleu foncé, et, çà et là, les hautes arêtes de la banquise s'allument de lueurs roses, derniers reflets du jour mourant. En haut brillent les étoiles, éternels symboles de la paix.
p74
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Dans la soirée, je me promène sur la banquise. Il n'existe rien de plus merveilleusement beau que cette nuit arctique. C'est le pays des rêves, colorés des teintes les plus délicates qu'on puisse imaginer : c'est la couleur irréelle ! Les nuances se fondent les unes dans les autres dans une merveilleuse harmonie. Toute la beauté de la vie n'est-elle pas haute, délicate et pure comme cette nuit ? Le ciel est une immense coupole bleue au zénith, passant vers l'horizon au vert, puis au lilas et au violet. Sur les champs de glace apparaissent de froides ombres bleu foncé, et, çà et là, les hautes arêtes de la banquise s'allument de lueurs roses, derniers reflets du jour mourant. En haut brillent les étoiles, éternels symboles de la paix.
Au sud se lève une grande lueur rougeâtre, cerclée de nuages d'or jaune, flottant sur fond bleu. En même temps, l'aurore boréale étend sa draperie changeante, tantôt argentée, tantôt jaune, verte ou rouge. À chaque moment, sa forme varie ; un instant, le météore s'étale, un autre il se contracte, puis se déchire en cercles d'argent hérissés de rayons flamboyants, et, finalement, s'éteint subitement comme une mystérieuse apparition. Un instant après, des langues de feu flambent au zénith, et, de l'horizon, monte une raie brillante qui vient se confondre dans la clarté lunaire. Pendant des heures, le phénomène lumineux s'irradie en clartés étranges au-dessus du grand désert glacé, laissant une impression de vague et d'inexistence, qui vous fait un instant douter de la réalité. Et le silence est profond, impressionnant comme la symphonie de l'espace. Non, jamais je ne pourrai croire que ce monde puisse finir dans la désolation et dans le néant. Pourquoi alors, toute cette beauté, s'il n'existe plus aucune créature pour en jouir ?
Je commence maintenant à deviner ce secret : voici la terre promise qui unit la beauté et la mort. Mais dans quel but ? Ah ! quelle est la destinée finale de toutes ces sphères ? Lisez la réponse, si vous le pouvez, dans ce ciel bleu constellé d'étoiles.

Chapitre 2 : Le premier hivernage.
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Cette banquise de glace vive est comme une vie sans amour ; rien ne l'adoucit. L'amour, c'est la neige de la vie. Il ferme les blessures reçues dans le combat de l'existence et resplendit plus pure que la neige. Qu'est-ce qu'une vie sans amour ? Elle est pareille à ce champ de glace, une chose froide et rugueuse errant à la dérive des vents, sans rien pour couvrir les gouffres qui la déchirent, pour amortir le choc des collisions et pour arrondir les angles saillants de ses blocs brisés. Oui, une telle vie est semblable à cette glace flottante nue et pleine d'aspérités.

À plusieurs reprises, les blocs empilés sur bâbord menacent de culbuter sur le pont par-dessus le bastingage. Cette glace, peu épaisse, ne peut causer grand dommage, mais sa force d'impulsion est énorme. Sans une minute d'arrêt, elle arrive en vagues qui, de prime abord, apparaissent irrésistibles, puis lentement, mais sûrement, elle vient mourrir contre la solide coque du Fram.
[…] Entre quatre et cinq heures du matin, une violente pression a soulevé légèrement le Fram. L'assaut des glaces semble devoir se renouveler. Demain, en effet, nous aurons une marée de pleine lune. Dans la matinée, la banquise s'ouvre tout contre le navire, puis se referme. Vers onze heures du matin, une attaque assez forte se produit ; après cela un temps d'arrêt, puis, nouvelles pressions dans l'après-midi, particulièrement violentes entre quatre heures et quatre heures et demie.
25 octobre. — La nuit dernière, la banquise a éprouvé une convulsion. Réveillé en sursaut, j'ai senti le Fram soulevé, secoué et remué en tous sens ; en même temps, j'ai entendu la glace s'écraser contre la coque. Après avoir écouté un instant, je me suis rendormi, en pensant qu'il faisait bon être à bord du Fram. Ce serait véritablement terrible d'être à bord du Fram. Ce serait véritablement terrible d'être obligé de fuir avec tous nos bagages sur le dos.

Chapitre 2 : Le premier hivernage.
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Maintenant, je désire presque le retour de la nuit polaire avec son monde féerique d'étoiles, ses fantastiques aurores boréales et sa lune lumineuse poursuivant sa course dans le grand silence de la nuit endormie.

C'est comme un rêve, comme une échappée dans le monde de la fantaisie et de l'imagination.

Il n'y a plus aucune forme, aucune réalité, rien qu'une vision d'un ruissellement d'argent et de violet planant au dessus de la terre.

P138
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Vidéo de Fridtjof Nansen
Cet explorateur polaire a aidé des centaines de milliers de réfugiés. Découvrez le destin hors du commun d'un héros venu du froid : Fridtjof Nansen.
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