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Simone de Reyff (Éditeur scientifique)
EAN : 9782080703552
564 pages
Flammarion (04/01/1999)
3.39/5   110 notes
Résumé :
L'Heptaméron est une oeuvre à la croisée des discours religieux et mondain, où diffèrent sans s'exclure amour sacré et amour profane, et qui transmet depuis des siècles le testament spirituel, vivace, émouvant et profondément humain d'une des grandes dames de l'Histoire de France. Soeur de François 1er et grand-mère de Henri IV, Marguerite d'Angoulême, reine de Navarre, ajoué un rôle essentiel dans la vie culturelle de la Renaissance française. Avec l'Heptaméron, el... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Cet ouvrage semble être le livre d'une vie. Inachevé à la mort de son autrice, soeur de François Ier et reine de Navarre, mère de la protestante Jeanne d'Albret et grand-mère d'Henri IV premier roi Bourbon, il rassemble, sur le schéma initié par le Décaméron de Boccace, pas moins de 72 nouvelles. J'ai tout de suite décidé d'attaquer ce mastodonte par la ruse, à savoir picorer quelques nouvelles au hasard pour « adoulcir l'ennuy » !

Vous l'aurez compris c'est en vieux français, Marguerite, figure de la Renaissance, n'a pas connu les joies de la méthode syllabique en cours préparatoire, et il n'existe pas de version en français moderne, alors une petite aspirine après la lecture et tout ira bien…
L'écriture n'était pas unifiée à l'époque (nous sommes au XVIème siècle), on trouve beaucoup de racines communes avec l'anglais et l'espagnol. L'orthographe d'un même mot peut varier d'une page à l'autre. Rassurons-nous, les bonnets d'âne de la dictée, nous pouvons tout à fait écrire des histoires comme Marguerite dans un français pas châtié !

J'ai été très surpris par la liberté de ton des protagonistes narrateurs qui échangent sur la conduite des personnages des histoires qu'ils se racontent à tour de rôle. Notamment les relations hommes-femmes. Il me manque sans doute la compréhension d'ensemble (n'ayant pas lu l'intégralité du livre) mais je trouve la longue nouvelle d'Amadour et Floride très parlante. D'un côté l'attirance grandissante de l'homme et de l'autre la volonté de s'en tenir à la promesse initiale de chasteté de la femme.

Les choses dérapent et c'est par la ruse que la femme tentera d'échapper aux insistances de son amant devenu agresseur. On entre dans les eaux que certains et certaines voudraient troubles du désir, simplement déjà à l'époque, rappelons un principe simple : quand on dit non…bah c'est non.

Ce que le pauvre amant éconduit ne semble pas prêt à accepter ni respecter. du côté de la jouvencelle, persuadée par des siècles de judéo-christianisme, que céder soit synonyme de déshonneur, on en vient à s'interroger sur l'existence même de désirs charnels...

Mais assez d'anachronismes avec cette nouvelle qui fait doucement sourire et relativiser sur « l'évolution » des moeurs. Marguerite de Navarre, conteuse inépuisable (l'oeuvre aurait dû faire 100 nouvelles) se met en abîme elle-même comme personnage d'une de ses nouvelles en Mère Justice.

Les relations entre les sexes sont également contées sous l'angle de l'hypocrisie du clergé, omniprésent dans des histoires impayables et (déjà) scandaleuses qui poussent là encore à mettre en perspective la critique de la religion et du clergé qu'on pense historiquement plus récente qu'elle ne l'est.

Avec quelques siècles de recul on s'aperçoit, comme le dit bien Fanny Ardant, que l'humain, dans ce qu'il a de plus primaire, c'est-à-dire les sentiments, n'évolue pas.
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Voilà un pavé que j'ai lu dans le cadre de ma troisième année de licence en lettres. Ce n'est certes pas un livre qui m'attendait dans ma PAL et pour dire vrai, je n'aurai jamais songé à lire les écrits de cette princesse sans la fac. Et bien j'aurai raté une chouette oeuvre.

Marguerite de Navarre (1492-1549), princesse de la maison de France, était la soeur de François 1er. Comme lui, elle était éprise de culture (son frère était fasciné par le raffinement des cours italiennes) et Marguerite a joué un rôle non négligeable dans le rayonnement culturel de la cour de France. Marguerite devient reine de Navarre grâce à un second mariage contracté à des fins politiques avec Henri d'Albret.

Son recueil de nouvelles inachevés s'inspire directement du Decameron de Boccace. Ce dernier est un peu le père de la nouvelle, bref récit en prose et langue vulgaire qui n'avait d'autre but que de divertir en relatant des faits insolites ou divertissants survenus dans le voisinage. On en déduit sans peine que les sujets en étaient souvent triviaux et l'Heptameron n'échappe pas à cette règle. Mais Marguerite de Navarre avait à coeur de traiter un sujet essentiel à ses yeux : la condition féminine à son époque.

Reprenant le canevas du Decameron, ce recueil met en scène un groupe de plusieurs personnes réunies par des mésaventures différentes dans une abbaye. Ces hommes et ces femmes d'âge différents qui doivent cohabiter ensemble durant quelques jours vont trouver un moyen de se divertir, entre deux offices religieux : raconter des histoires à tour de rôle.

Ainsi, par le truchement de ses personnages, Marguerite de Navarre va nous dévoiler ses opinions sur la société de son époque. le moins que l'on puisse dire, c'est le XVIème siècle n'était courtois qu'en apparence. L'écrivain dénonce l'hypocrisie et les faux-semblants qui régnaient non seulement à la Cour mais qui gangrénaient également le clergé et le peuple, dans une moindre mesure.

Un grand nombre de nouvelles traitent de ce que l'on appelle aupourd'hui le harcèlement sexuel. Quand les hommes de la noblesse ne font pas la guerre, ils s'ennuient et se rabattent donc sur la prouesse amoureuse. En cas d'échec c'est simple, on salit la réputation de la dame ou bien on la viole... Même si les femmes ne sont pas forcément épargnées, elles demeurent tout de même beaucoup plus attachées à l'honneur que les hommes.

Les hommes d'église en prennent également pour leur grade. Marguerite devait en détester certains (les Cordeliers notamment). La plupart des religieux sont d'une hypocrisie consternante et sont surtout occupés à assouvir leurs instincts sexuels en donnant mauvaise conscience à leurs malheureuses victimes.

C'est le grand écart entre les apparences et la réalité. Enfin, l'auteur jette un regard désabusé sur le mariage (elle qui avait fait l'objet de deux mariages arrangés...) et peu de nouvelles retracent l'histoire d'amants parfaits et heureux.

Entre tromperies et lâchetés, devoir et honneur, s'esquisse le portrait de la femme du 16ème siècle, prisonnière du rôle qui lui est assigné par les hommes, obligée de conserver une attitude exemplaire et de sacrifier sa liberté et sa sensualité, soumise aux règles strictes de son milieu (l'une des nouvelles les plus poignantes conte les malheurs d'une jeune fille de la noblesse qui doit renoncer à épouser celui qu'elle aime au motif que ce dernier n'a pas l'heur de plaire à la reine...). Une existence souvent pas très folichonne, en somme...

Une oeuvre classique qui demeure donc très plaisante à lire et qui constitue un éclairage fort intéressant sur la condition de la femme De La Renaissance.
Lien : http://lectures-au-coin-du-f..
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Je n'aurai sans doute jamais lu l'Heptaméron s'il n'avait pas figuré sur la liste des oeuvres du cours d'Histoire Littéraire lors de ma première année de licence, ni si je n'avais choisi en master entre autres options « Littérature du XVI° siècle » , et à cet égard, je rends hommage à Mesdames V. et L. pour nous avoir donné des clefs de lecture de l'oeuvre, mais aussi pour nous l'avoir fait aimer.
On ne compte pas tant de princesses qui furent aussi écrivains en France, et à ma connaissance, elles sont deux à partager le titre ainsi que le prénom. La Marguerite de l'Heptaméron était une fille de la maison d'Angoulême, branche capétienne et surtout la sœur de François Ier auprès duquel elle joue un rôle capital. Son royal frère aura recours notamment à ses qualités de diplomate après sa défaite à Pavie. Fine et lettrée, elle protège les artistes de son temps avec lesquels elle entretient des correspondances, elle lit, elle s'intéresse également aux idées nouvelles qu'elle encourage. Proche de la réforme et de Clément Marot, elle s'interrogea sur la question de la foi et semble avoir été de ces évangélistes de la Renaissance, attachés à un retour plus rigoureux au texte biblique notamment. Une sacrée figure que cette « perle des Valois » comme disaient les poètes et que Rabelais surnommait (allez savoir pourquoi!) « La dame à la licorne »!
Les critiques ne sont pas tous d'accord quant à la date de composition de l'Heptaméron, entre les tenants d'une oeuvre commencée vers 1516 et ceux d'une écriture plus tardive, commencée en 1545. Cette dernière date semble bien plus cohérente néanmoins... Quoiqu'il en soit, c'est une oeuvre complexe, multiple et comme Rome ne s'est pas faite en un jour, l'Heptaméron ne s'est pas écrit en une semaine.
Mais de quoi parle t-il donc cet Heptaméron ? Et bien, c'est à la manière du Décaméron de Boccace, best seller de la première Renaissance, un recueil de contes au sens où on l'entendait au XVI° siècle, c'est-à-dire un recueil d'histoires, de nouvelles... aux tonalités -et c'est là le sel, l'originalité de l'oeuvre- extrêmement variées. On ira d'un fabliau grivois à un conte d'amour courtois en passant par une terrible histoire de meurtres ou d'incestes avant de revenir vers un récit où la foi éclatera... Boccace avait imaginé une « brigade » de dix jeunes florentins réfugiés hors de la ville pour échapper à la peste. Pour passer le temps, chaque jeune gens doit raconter une histoire par jour, sur un thème précis -l'amour et ses multiples variations- et ce pendant dix jours, ce qui donne cent nouvelles à la fin de l'ouvrage. Marguerite de Navarre reprend l'idée d'un groupe de personnes isolées qui racontent chacune une histoire par jour afin de se distraire et de distraire l'assemblée. L'oeuvre restera malheureusement inachevée et ne comptera que sept journée sur les dix prévues au départ.
La sœur du roi choisit dix « devisants » en guise de conteurs. Là où Boccace avait mis en scène sept jeunes filles et trois jeunes hommes, Marguerite de Navarre choisit la parité avec cinq devisantes (Parlamente, Oisille, Nomerfide, Longarine et Ennasuite) et cinq devisants (Hircan, Dagoussin, Gébureau, Simontault et Saffredent) dont retenir les prénoms et savoir les répéter le plus vite possible était un jeu à la fac! Tous les dix sont isolés non pas à cause de la peste mais à cause d'un orage qui empêche tout trajet à l'abbaye de Cauterets.
D'emblée, il est intéressant de noter que chaque devisant a sa personnalité propre. Si certains sont plus travaillés et présents que d'autres (Hircan, Parlamente, Oisille, Gébureau), tous ont leurs propres caractéristiques, leurs goûts aussi en matière d'histoire, ainsi Dagoussin semble aimer les histoires d'amour courtois, les récits douloureux et tragiques quand Longarine et Ennasuite ont plus de gout pour la légèreté.
Si la règle du jeu est claire, à savoir que chacun doit écouter les histoires des autres sans souci de hiérarchie et en débattre ensuite de manière courtoise, Oisille semble avoir une place particulière : tous les matins, les journées commencent avec une leçon spirituelle qu'elle dispense, leçon dans laquelle l'évangélisme tient une grande place. On peut s'amuser à chercher qui pourrait se cacher derrière les devisants... Mais à moins de maîtriser parfaitement l'entourage de Marguerite de Navarre, c'est chose peu aisée et je ne m'y risque pas. Toutefois, il semblerait bien que derrière Parlamente, la plus bavarde, la « meneuse » du jeu se cache l'auteure elle-même (leurs préoccupations sont les mêmes) ; Hircan, l'époux de Parlamente, serait alors Henri d'Albret le mari de Marguerite avec lequel il semble partager le goût pour la bonne chère et les plaisirs de la vie. Quant à la sage Oisille, ce pourrait être la non moins sage mère de l'auteur, Louise de Savoie.
On en arrive au cœur du livre : les contes, les nouvelles ! Comme indiqué plus haut, c'est extraordinaire de voir à quel point elles sont différentes les unes des autres, comme elles forment un ensemble polyphonique (mais pas dissonant!). L'amour est le thème principal et il offre assez de variations pour tout un chacun, néanmoins, parfois, un devisant s'éloigne de ce thème pour aller vagabonder ailleurs. On trouve pèle-mêle des historiettes qui empruntent à la tradition des fabliaux : maris cocus, prêtres lubriques, femmes malicieuses prêtes à tout pour passer la nuit avec un amant jeune et vigoureux, farces (et dindons) en tout genre. Ces histoire, un peu grasses, font rire (j'ai un faible pour les nouvelles 1 et 36 et 8!) et pourraient se passer des débats qu'elles suscitent ensuite et qui sont parfois un peu verbeux. Mais on trouve aussi des récits mettant en scène de « parfaits amants », thématique chère à l'auteur où la courtoisie et la pureté des sentiments sont de mise (Amadour) ou encore des textes plus féroces, de par leurs propos où ce qu'ils dénoncent : viols, agressions dont se rendent souvent coupables des moines aussi violents que libidineux, des cordeliers, le plus souvent. Cette peinture-dénonciations des moines franciscains témoignent autant d'une tradition littéraire et d'un anticléricalisme médiévaux que du climat évangélique dans lequel baignait Marguerite de Navarre. On peut penser aux nouvelles 22 ou 5 pour ce thème là. Outre les abus du clergé, et toujours dans le lot des histoire propres à choquer ou effrayer les lecteurs, on peut ajouter les récits où la jalousie et le viol mènent à la mort ou à la blessure physique (ainsi trépasse la muletière d'Amboise qui préféra la mort plutôt que de se soumettre au désir de son valet) , ceux qui mettent en scène l'inceste (la nouvelle 30 est assez tortueuse à cet égard!), ceux qui s'inspirent de l'Histoire (la nouvelle du duc de Florence, qui s'abreuve à la même source que le fera Musset des siècles plus tard avec Lorenzaccio), ceux qui sont un peu inclassables (le « retrait » de Madame de Roncex... qui ne put se retenir et qui souilla ses jupons!).
On ne peut pas aimer chacune des nouvelles de l'ouvrage mais on ne peut pas non plus en aimer aucune. Par ailleurs, elles sont si variées, qu'on ne peut se lasser et qu'on y trouve forcement coupe à sa soif. Et puis, pourquoi bouder son plaisir : celui de rire franchement, même si c'est un peu gros, celui de frémir de peur ou de colère ? La lecture c'est aussi cela et je dois avouer que les récits les plus horribles du recueil sont souvent mes favoris : on s'attache aux personnages (plus qu'aux devisants), on suit leurs aventures et on se surprend à avoir hâte d'entendre l'avis des devisants sur ce qui vient d'être raconté... On aurait envie de participer aux débats même. C'est fort tout de même !
La lecture du livre donne un impression de patchwork tant les histoires sont -on l'a dit- différentes les unes des autres- , de polyphonie et pourtant,il ressort du tout une impression d'unité, due sans doute à l'évangélisme qui relie le tout au cœur des débats qui suivent les contes, à l'atmosphère d'écoute qui règne entre les devisants. C'est une sensation bien ambiguë, qui saisit donc à la fin du livre, la sensation d'une auteur qui a su ménager ses effets, préparer son texte et manipuler ses lecteurs en virtuose. Le signe d'une grande intelligence narrative.
Elle est à ressortir des bibliothèques, Marguerite de Navarre, et gagne à être re-connue, pour le rire, pour le frisson, pour la portée philosophique sinon spirituelle de son ouvrage, pour -enfin- sa portée féministe, car c'est bien de féminisme qu'il s'agit quand elle dénonce les outrages répétés faits aux femmes, bien avant l'affaire Weinstein. C'est aussi féministe de mettre les femmes à égalité avec les hommes dans la ruse et les méfaits comme dans le bien.
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J'adore le français ancien et la je suis servi ! Meme si l'édition a choisi une côte mal taillée en faisant un tri dans les tournures de phrases, en modifiant l'orthographe, en renvoyant à de nombreuses notes et définitions en fin d'ouvrage. Les 72 nouvelles, sont des histoires que se racontent un petit groupe de rescapés d'un orage catastrophique et d'inondations comme il en arrive souvent dans les Pyrénées, recueillis dans un monastère, pour occuper leurs journées en attendant la reconstruction d'un pont. Les personnages ne sont pas très bien caractérisés, mais on les imagine bien dans ce contexte, épiés par les moines.
Les histoires que vont se raconter les 10 protagonistes sont souvent pleines d'humour, parfois graves, mais relatent l'invariant des relations amoureuses, qu'elles soient consenties, autorisées ou non (par les codes sociaux) ou forcées...
Certaines de ces nouvelles, dont quelques-unes sont reprises d'oeuvres existantes, sont des classiques que l'on retrouvera aussi plus tard dans le théâtre ou l'opéra classique. Même s'il m'est arrivé de faire une lecture un peu diagonale sur des intrigues franchement alambiquées, j'ai globalement pris plaisir à cette lecture, à condition de faire quelques pauses.
Le style n'est pas des plus légers, il faut parfois s'accrocher sur certaines phrases, mais certaines nouvelles sont des petits bijoux.
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J'ai lu du 13/08/2021 au 27/08/2021.

J'ai lu ce livre dans le cadre de mes études.
Il est vrai que j'avais peur de m'ennuyer en lisant ce recueil de nouvelles datant du XVIe siècle en moyen français (vieux français). Cela était fastidieux mais ô combien intéressant. Il s'agit d'un recueil de nouvelles inachevé s'inspirant du Décaméron de Boccace avec pas moins de 72 nouvelles. Je suis agréablement surprise que ce soit Marguerite de Navarre, soeur de François Ier et reine de Navarre et défenseuse du rayonnement culturel, qui en soit l'auteure car elle aborde des thèmes scandaleux, des thèmes indignes de son rang d'en évoquer publiquement. Néanmoins, elle ose et j'ai eu l'impression que toutes ses nouvelles sont vraies. le sont-elles vraiment ? Je pense pas avec les propos finaux comme un sous-entendu sur le projet qu'est L'Heptaméron.

J'ai beaucoup aimé la plume de l'auteure car elle arrive à adopter différents tons et nous plonger dans son histoire : un groupe de personnes réunies chaque jour pour raconter des anecdotes sur l'amour, la religion, les hommes et les femmes. Ce fil conducteur va entraîner les 72 nouvelles. J'apprécie car l'auteure se met en scène, s'implique indirectement et fait en sorte que tout ceci soit crédible et réel. Il est vrai qu'elle a sûrement pu entendre des anecdotes ou bien les ragots de la cour sans oublier son impressionnante culture. Je ne saurais définir les sources de ses nouvelles comme ça car tout est possible.

Concernant les thèmes abordés, je dois dire que Marguerite de Navarre peut être considérée comme une "féministe" de son temps puisqu'elle défend ardemment la condition de la femme et la vision même. Cependant, je ne dirais pas que c'est totalement une féministe puisqu'elle n'hésite pas à critiquer les femmes pour les mettre au même piédestal que les hommes et vice versa. L'homme est l'égal de la femme, il n'y en a des bons et des mauvais. C'est là que l'auteure nous montre la complexité humaine à travers de nombreuses situations allant d'un viol, à un meurtre ou bien à une farce digne du théâtre ou un véritable amour. Nous avons donc toutes les émotions sur les relations entre les hommes et les femmes. Par ailleurs, l'objet central du recueil est l'amour car nous l'avons à toutes les sauces : l'amour véritable, l'amour pervers, l'amour forcé... Vous aurez donc d'autres thèmes en lien comme le harcèlement sexuel, la fausseté, l'infidélité, etc. En tout cas, nous avons une vision assez fidèle à la réalité.
Enfin, je voudrais m'attarder un peu sur le 3ème thème majeur du livre : les religieux. Effectivement, Marguerite de Navarre met en scène des religieux dans plusieurs de ses nouvelles. Il est clair qu'elle les critique par leur hypocrisie, le fait de profiter de leur position de prêtre, de leur vénalité, de leur malhonnêteté, etc. Très peu sont décrits comme de bonnes personnes avec une morale digne d'être un représentant de Dieu. Ce qui représente bien la vision de l'auteure sur eux et les problèmes religieux de la Renaissance puisque beaucoup vont trouver une alternative à la religion chrétienne : le protestantisme, entre autres.
En tout cas, ce livre est résolument moderne sur sa mentalité et il est surtout essentiel pour la littérature car c'est un petit OVNI qui est à la fois un recueil de nouvelles mais aussi une critique voire un essai à travers les débats entre les participants de ses journées "on raconte des anecdotes" ; sans oublier les discours moraux et religieux. Outre cela, il est essentiel pour connaître la société du XVIe siècle que ce soit leurs moeurs, les faux-semblants puisque cette société n'est fondée que sur les apparences et peut se révéler cruelle derrière, l'importance de la royauté...


Pour conclure, je ne regrette pas d'avoir lu cette petite pépite qui mériterait d'être plus connu car elle a son importance et je trouve que cela se lit assez vite (si vous lisez 5 nouvelles par jour) malgré un vieux français nécessitant quelques bases.

Ma note : 7.5/10
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
"Regardez, mes dames, quelz sont les effectz de la malice quant elle est joincte à la puissance! - J'avois bien ouy dire, ce dist Longarine, que les Italiens estoient subgects à trois vices par excellence; mais je n'eusse pas pensé que la vengeance et cruaulté fut allée si avant, que, pour une si petite occasion, elle eut donné si cruelle mort." Saffredent, en riant, luy dist: "Longarine, vous nous avez bien dict l'un des trois vices; mais il faut sçavoir qui sont les deux autres? - Si vous ne les sçaviez, ce dist-elle, je les vous apprendrois, mais je suys seure que vous les sçavez tous. - Par ces parolles, dist Saffredent, vous m'estimez bien vitieux? - Non faiz, dist Longarine, mais si bien congnoissez la laydeur du vice, que vous le povez mieulx que ung aultre eviter. - Ne vous esbahissez, dist Simontault, de cest cruaulté; car ceulx qui ont passé par Italie en ont vu de si très incroyables, que ceste-cy n'est au pris qu'un petit pecadille. - Vrayment, dist Geburon, quant Rivolte fut prins des François, il y avoit ung cappitaine Italien, que l'on estimoit gentil compaignon, lequel, voiant mort ung qui ne luy estoit ennemy que de tenir sa part contraire de Guelfe à Gibein, luy arracha le cueur du ventre, et, le rotissant sur les charbons à grand haste, le mangea, et, respondant à quelques ungs qui luy demandoient quel goust il y trouvoit, dist que jamais n'avoit mengé si savoureux ne si plaisant morceau que de cestuy-là; et, non content de ce bel acte, tua la femme du mort, et, en arrachant de son ventre le fruict dont elle estoit grosse, le froissa contre les murailles; et emplist d'avoyne les deux corps du mary et de la femme, dedans lesquelz il feit manger ses chevaulx. Pensez si cestuy-là n'eut bien faict mourir une fille qu'il eut soupçonnée luy faire quelque desplaisir? - Il faut bien dire, dist Ennasuite, que ce duc Urbin avoit plus de paour que son filz fut marié pauvrement, qu'il ne desiroit luy bailler femme à son gré. - Je croy que vous ne debvez poinct, respondit Simontault, doubter que la nature de l'Italien est d'aymer plus que nature ce qui est créé seulement pour le service d'icelle.
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Il me semble que c'est beaucoup mieux fait d'aimer une femme comme femme que d'en idolâtrer plusieurs comme on fait d'une image. Et qu'en à moi je tiens cette opinion ferme qu'il vaut mieux en user que d'en abuser.
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A l'heure, toute la compaignye se tourna vers elle, la priant vouloir commencer; ce qu'elle accepta et, en riant, commencea à dire : «Il me semble, mes dames, que celluy qui m'a donné sa voix, a tant dict de mal des femmes par une histoire veritable d'une malheureuse, que je doibtz rememorer tous mes vielz ans pour en trouver une dont la vertu puisse desmentir sa mauvaise opinion; et, pour ce qu'il m'en est venu une au devant digne de n'estre mise en obly, je la vous vois compter.»
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Le seigneur de Grignaulx fut plus fâché de perdre son repos, qu’effrayé par l’esprit, car jamais il ne crut que ce fût un esprit. La nuit suivante, il délibéra de prendre cet esprit. Peu après qu’il fut couché, il fit semblant de ronfler très fort, et mit la main tout ouverte près son visage. Ainsi qu’il attendait cet esprit, il sentit quelque chose approcher de lui ; alors il ronfla plus fort qu’il n’en avait l’habitude. L’esprit lui donna un grand soufflet.
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Un vieil borgne, valet de chambre du duc d'Alençon, averty que sa femme s'estoit amourachée d'un jeune homme, desirant en sçavoir la verité, findit s'en aller pour quelques jours aux champs, dont il retourna si soudain que sa femme, sur laquelle il faisoit le guet, s'en apperceut, qui, la cuydant tromper, le trompa luy mesme.
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Vidéo de Marguerite de Navarre
« Une anthologie de femmes-poètes ! - Eh oui, pourquoi pas ? […] On a dit du XIXe siècle que ce fut le siècle de la vapeur. le XXe siècle sera le siècle de la femme. - Dans les sciences, dans les arts, dans les affaires et jusque dans la politique, la femme jouera un rôle de plus en plus important. Mais c'est dans les lettres surtout, - et particulièrement dans la poésie, - qu'elle est appelée à tenir une place considérable. En nos temps d'émancipation féminine, alors que, pour conquérir sa liberté, la femme accepte résolument de travailler, - quel travail saurait mieux lui convenir que le travail littéraire ?! […] Poète par essence, elle s'exprimera aussi facilement en vers qu'en prose. Plus facilement même, car elle n'aura point à se préoccuper d'inventer des intrigues, de se créer un genre, de se faire le champion d'une idée quelconque ; - non, il lui suffira d'aimer, de souffrir, de vivre. Sa sensibilité, voilà le meilleur de son imagination. Elle chantera ses joies et ses peines, elle écoutera battre son coeur, et tout ce qu'elle sentira, elle saura le dire avec facilité qui est bien une des caractéristiques du talent féminin. […] Et puis, au moment où la femme va devenir, dans les lettres comme dans la vie sociale, la rivale de l'homme, ne convient-il pas de dresser le bilan, d'inventorier - si l'on peut dire, - son trésor poétique. Les temps sont arrivés où chacun va réclamer le bénéfice de son apport personnel. […] » (Alphonse Séché [1876-1964])
« Il n'y a pas de poésie féminine. Il y a la poésie. Certains et certaines y excellent, d'autres non. On ne peut donc parler d'un avenir spécial de telle poésie, masculine ou féminine. La poésie a toujours tout l'avenir. Il naîtra toujours de grands poètes, hommes ou femmes […]. Où ? Quand ? Cela gît sur les genoux des dieux, et nul ne peut prophétiser là-dessus. […]. » (Fernand Gregh [1873-1960])
0:00 - Béatriz de Die 1:03 - Marie de France 1:34 - Dame Castelosa 2:51 - Marguerite de Champagne 3:39 - Christine de Pisan 4:14 - Marguerite de Navarre 5:18 - Pernette du Guillet 5:47 - Générique
Références bibliographiques : Alphonse Séché, Les muses françaises, anthologie des femmes-poètes (1200 à 1891), Éditions Louis-Michaud, 1908
Françoise Chandernagor, Quand les femmes parlent d'amour, Éditions du Cherche midi, 2016
Images d'illustration : Béatriz de Die : https://mediascitoyens-diois.blogspot.com/2014/03/?view=magazine Marie de France : https://www.amazon.fr/Lais-Marie-France/dp/2070405435 Dame Castelosa : https://fr.wikipedia.org/wiki/Na_de_Casteldoza#/media/Fichier:BnF_ms._854_fol._125_-_Na_Castelloza_(2).jpg Christine de Pisan : https://www.britannica.com/biography/Christine-de-Pisan Marguerite de Navarre : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/3b/Hinchliff_-_Marguerite_Queen_of_Navarre_crop.jpg Pernette du Guillet : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pernette_du_Guillet#/media/Fichier:Pernette_du_Guillet_par_Jean-Louis_Pivot.jpg
Bande sonore originale : Arthur Vyncke - Uncertainty Uncertainty by Arthur Vyncke is licensed under a CC BY-SA 3.0 Attribution-ShareAlike 3.0 license.
Site : https://www.free-stock-music.com/arthur-vyncke-uncertainty.html
#PoétessesFrançaises #PoèmesDeFemmes #LittératureFrançaise
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