2007, en Irlande. Un foyer est le théâtre d'un drame sordide : Mr Rolston, père de famille, est retrouvé mort baignant dans une mare de sang, le crâne défoncé. A côté du cadavre, se tiennent deux frères, placés dans cette famille à la mort de leur mère. Ils sont couverts de sang. En garde à vue, Ciaran, le plus jeune avoue qu'il a tué Mr Rolston. Son frère aîné, Thomas, est condamné à une peine moins lourde pour complicité. Sept ans plus tard, Ciaran retrouve la liberté. L'agente de probation chargée de sa réinsertion ne croit pas à sa culpabilité. Elle s'en ouvre à l'inspectrice Flanagan, celle qui, sept ans plus tôt, avait recueilli les aveux de Ciaran et avait, elle aussi, douté. Cherchant à en savoir plus, les deux femmes vont raviver des drames et blessures du passé, au risque d'entacher leur propre vie…
Avec «
Ceux que nous avons abandonnés »,
Stuart Neville signe un roman noir bouleversant, rempli de suspens et d'émotions, qui se lit d'une traite.
Oscillant entre passé et présent, entre voix narratives, l'intrigue explore avec beaucoup de finesse et de sensibilité les états d'âme de chacun des protagonistes. Dès le prologue, la relation toxique des deux frères est mise en exergue. Mais l'ambiguïté ne s'arrête pas qu'à leurs liens. Elle s'étend également à l'attraction trouble qu'exerce Ciaran sur l'inspectrice Flanagan. L'auteur promène son lecteur dans un dédale de fausses pistes, habilement démontées, au fur et à mesure que l'intrigue avance, tout comme il nous amène dans l'esprit dérangé des frères Devine et celui, non moins trouble, de l'inspectrice dont l'éthique de ses méthodes d'enquête questionne.
L'écriture est incisive, rythmée. L'auteur joue avec les temps, alternant le passé avec le présent en début de chapitre, ce qui donne du souffle, de l'allant à l'histoire. le propos est souvent dur, noir, l'espoir a quitté depuis longtemps Ciaran et Thomas, jeunes hommes à l'enfance meurtrie, balafrée de multiples blessures et pour qui la réinsertion semble un mot bien vain, à l'image des souhaits qui ne sont, pour Ciaran, « rien de plus que le filet d'air expulsé quand on les formule ».
Le final est à l'image de l'ensemble : noir, extrême, d'une puissance désespérée d'où affleure une beauté tragique. Avec une intrigue vénéneuse à souhait, une finesse et une grande sensibilité dans le rendu des blessures des personnages, l'auteur de «
Ceux que nous avons abandonnés » nous conduit dans les abysses d'une folie meurtrière.