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sur 415 notes
Expier les fautes de ses parents. Rien de moins que cela. Voilà bien la lourde tâche que s'est assignée Genna Meade.
Dans la mouvance  politique des années 70 Max, son père, l'avocat engagé de tous les combats, est passé de l'autre côté du Rubicon. Veronica, sa mère, n'est pas sortie indemne de ses expériences hallucinogènes. A 18 ans Genna, élève modèle, intègre le prestigieux Schuyler College fondé au début du siècle par son arrière grand-père quaker, précurseur social.
Être amie avec Minette, l'insaisissable boursière fille du pasteur noir de Washington devient l'obsession de Genna.
Comme elle nous y a habitués Joyce Carol Oates soigne le début du roman. le jeu qui s'installe, innocent et pervers, entre les deux filles si opposées est troublant. Des incidents anodins s'accumulant finissent par se transformer en lynchage de Minette par de fourbes collégiennes. du Hitchcock pur jus . Bravo ! L'auteure nous manipule.
Où se trouve la vérité ? Qui se cache derrière la trop parfaite Genna ? L' étrange va-et-vient malsain dans ses rapports avec des parents défaillants résiste à notre empathie. Un élément récurrent en second plan  moins réussi. La multiplicité des thèmes et des ressentiments brouille quelque peu le message et interroge plus d'une fois le lecteur.
J'ai aimé la complexité de ces personnages ambigus habités par leurs démons, fanatiques, ou rongés de culpabilité. Genna n'est pas raccord avec ce qu'elle s'applique à être. La réalité est plus complexe, surprenante, dérangeante.
À mon corps défendant j'en suis arrivée à condamner, voire détester, la jeune fille  pétillante que j avais aimé suivre une année de jeunesse. Une héroïne que l'auteur sacrifie, lui refusant une rédemption salvatrice.
Un roman sombre clivant.
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Une fille noire exaspérante, une fille blanche... exaspérante.
La première pour se complaire dans son rôle de victime, la deuxième pour insister lourdement à offrir une amitié dont on ne veut pas.
Les deux sont aussi associales l'une que l'autre. Minette de façon plus évidente, mais Genna ne s'ouvre pas beaucoup plus aux autres filles. Il semble qu'elle met tant d'acharnement à essayer d'avoir une amitié avec cette "fille noire" que pour attirer l'attention d'un père qui ne s'intéresse qu'aux "combats" politiques.
Un peu déçue par la fin.... on a une réponse à une question que l'on ne se posait pas et pas de réponse à la question que l'on se pose vraiment... quelles sont les motivations de Minette ?
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Année universitaire 1974/1975 - Etat de Montgomery (Alabama) - Elles n'ont rien en commun : ni la couleur de peau, ni le caractère ni le même milieu social et elles vont cohabiter dans l'internat du Collège Schuyler, une université prestigieuse et réputée fondée par les ancêtres de Genna  Meade. Genna, blanche, est la fille de Max et Veronica, un couple de la gauche radicale, avec un père, Max, politiquement engagé, avocat, aux activités troubles et pas toujours licites pour parvenir à ses fins, qui lui vaudront le surnom de "Mad Max" et pour qui toute vérité n'est pas bonne à dire. Minette Swift, noire, est la fille d'un pasteur, croyante, boursière et se moque de son apparence. Les contraires s'attirent parfois mais ici Minette tiendra Genna à distance, n'acceptant aucun rapprochement amical.

Elles ont 18 ans et dès la première page la narratrice, Genna révèle que Minette est morte en Avril 1975 :

"Minette n'a pas eu une mort naturelle, et elle n'a pas eu une mort facile. Chaque jour ma vie, depuis sa mort, j'ai pensée à Minette et au supplice de ses dernières minutes, car j'étais celle qui aurait pu la sauver et je ne l'ai pas fait. Et personne de l'a jamais su. (p9)"

et qu'à travers ce texte sous forme de confession, 15 ans après les faits, elle souhaite trouver des réponses sur le sens de la justice, de la vérité et sur des événements qui auront des répercussions sur toute son existence. Et ce qu'elle a vécu cache une autre histoire, une autre mort et un autre silence.

Genna est réservée, discrète et souffre de la non-relation avec ses parents, un couple post-hippie, plus préoccupé l'un par la défense des opprimés ou de luttes révolutionnaires, que par le devenir de sa fille et une mère ayant plongé dans la drogue, les relations extra-conjugales par le passé et plus attachée à sa personne qu'à sa fille. Genna va être attirée par Minette dès son arrivée dans le lieu qu'elles vont partager, peut-être parce qu'elle ne ressemble en rien à ce qu'elle a connu jusqu'à maintenant ou pour trouver une cause à défendre, à aider.

De par son milieu social, Minette est très croyante, évoque et prie Dieu mais garde de la distance avec les autres comme avec Ginna. Des événements vont survenir au fil des mois autour de Minette mais celle-ci gardera le silence : messages, caricatures etc... mais on ne sait à qui les imputer. La situation va peu à peu se dégrader et Genna aura toutes les peines du monde à créer un lien entre elles, à obtenir la confiance de Minette qui s'enfoncera peu à peu dans la solitude, refusant toute aide. Habituée à vivre dans la méfiance de par son éducation, Genna ne réalisera que trop tard que tout était en place pour qu'un drame survienne.

Joyce Carol Oates presque jusqu'à la fin garde le mystère sur le sens de ce roman bien que le lecteur réalise que l'évocation du climat familial de Genna et l'attitude de Minette ont en commun certaines similitudes. Bien sûr elle y parle du racisme, de l'exclusion (volontaire ou subie), mais elle a également un autre but : parler de la famille, celle bien ancrée dans l'histoire du pays, sûre de ses opinions, combattant l'injustice, l'oppression, vivant dans un univers de conspirationnisme et voulant faire respecter les lois mais ne voyant pas sa cellule familiale se déliter, allant même jusqu'à exclure le frère aîné de Genna parce qu'attiré par le milieu financier, loin des idées fondamentales du clan. 

Je dois avouer que ce roman est assez déroutant et je me suis posée la question de savoir sur quel terrain l'auteure voulait ancrer le récit : si c'était de dénoncer la ségrégation, le racisme dans une université, ce n'était pas flagrant car j'avais le sentiment que les faits n'étaient pas clairement établis, révélateurs du climat à l'intérieur de l'université, d'un réel malaise. Je trouvais Minette assez antipathique, l'auteure l'affublant de lunettes roses en plastique (que de fois elle insiste sur ses lunettes roses), de tenues ridicules, sales et ne faisant aucun effort pour répondre aux tentatives amicales de Genna. Minette s'excluait-elle elle-même ou était-ce le résultat d'agressions de la part des autres étudiantes ?

Mais la narratrice fait une révélation dans l'épilogue mais que l'on peut ressentir au fur et à mesure de la lecture : il y a deux histoires dans son texte : celle d'une adolescente noire au sein d'une université majoritairement blanche mais également celle d'une famille (très) libérale où une adolescente ne trouve pas sa place et se pose des questions après avoir assisté à des événements violents ou n'ayant pas eu de réponses aux comportements de ses parents.

On sait que Joyce Carol Oates n'écrit pas pour ne rien dire, ne rien explorer mais je dois avouer qu'ici le message met du temps à prendre corps et elle ne fournit d'ailleurs pas, comme c'est souvent le cas, toutes les réponses ni ne porte un jugement. Elle expose, elle confronte comme toujours des attitudes, des pensées, des faits et à chacun de nous de se faire sa propre opinion. Elle y introduit d'ailleurs certains faits puisés dans l'histoire comme la Vénus Hottentote 

"Ainsi les anglais du XIXè avaient-ils vu dans la "Vénus hottentote" (une jeune Sud-Africaine naïvement confiante qui avait coopéré avec ses exploiteurs, avais-je découvert) un spectacle sexuel grossier, une brute et non un être humain, qu'il était loisible de lorgner, d'exhiber dans une fête foraine et, finalement, de disséquer à des fins "scientifiques". (...) Et pourtant il était enivrant de savoir, car le savoir donne toujours un pouvoir. (p182)"

dont je n'avais jamais eu connaissance et dont Genna va découvrir une représentation destinée à Minette.

Une écriture très descriptive, nourrie de détails qui m'ont semblé parfois superflus, répétitifs, retirant de la portée et du sens, un discours un peu plus confus mais qui, comme souvent dans son oeuvre, prend toute sa consistance en fin de lecture mais qui m'a parfois un peu perdue et interrogée.

Joyce Carol Oates ausculte, dissèque, cherche les racines du mal et les trouve souvent dans la famille, le milieu social, la politique, la religion ou dans l'éducation de ses contemporains et en démontre les implications au fil du temps et des générations. Elle écrit pour se faire le témoin d'un pays, d'une société, de la famille, elle traque les signes avant-coureurs des drames, des malaises mais j'ai été ici un peu moins convaincue par sa démonstration même si une fois refermé je ne peux m'empêcher de penser qu'elle a des angles d'attaque incroyables et pertinents.

J'ai aimé.
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Quelle belle découverte !
1er roman de Joyce Carol Oates que je lis - merci au challenge solidaire et au challenge Plumes Féminines pour avoir mis à l'honneur cette auteure.

J'ai trouvé son écriture à la fois fluide, forte, délicate et sensible. Les personnages sont profonds, leurs aspérités, leurs failles apparaissent progressivement. L'intrigue est très bien construite et vous happe immédiatement.

Fille noire, fille blanche est l'histoire de 2 jeunes filles entrant à l'université. Elles vont partager une chambre dans la résidence universitaire.
Genna (diminutif de Gennerva) est blanche et issue d'un milieu aisé.
Minette est noire et boursière.
Cette université est réputée pour être très ouverte et l'intégration de Minette devrait en être facilitée.
Dès les 1ères pages, Joyce Carol Oates annonce que l'issue de l'histoire sera dramatique.
Genna est en réalité l'arrière petite fille du fondateur de l'université. Mais elle ne souhaite pas en tirer profit est espère que personne ne fait le rapprochement entre son nom de famille et celui du fondateur.
Elle souhaite à tout prix développer une réelle amitié avec sa colocataire Minette. Elle est attentive, et attentionnée mais recueille au mieux des réponses laconiques de la part de Minette au pire de l'ignorance.
Genna se dit que Minette est méfiante car elle a dû déjà beaucoup souffrir et accepte d'être patiente pour construire cette amitié.
Minette apprécie peu le contact des autres étudiantes, est distante et parfois méprisante.
Peu à peu les relations entre Minette et les autres étudiantes se tendent. Genna tente de jouer le médiateur. Elle s'interroge sur le comportement de Minette mais n'abandonne pas son souhaite de devenir son amie.
Progressivement, l'auteure nous dévoile l'enfance de Genna : des parents engagés, extravagants, faisant peu de cas de leurs enfants et priorisant leurs engagements idéologiques.
La tension monte, les incidents qui semblent au départ dus au hasard se multiplient à l'encontre de Minette et il ne fait bientôt plus de doute qu'il s'agit d'actes intentionnellement racistes.

Racisme, engagement politique, engagement religieux, jalousie sont les thèmes abordés dans ce superbe roman.
C'est percutant, sombre et confrontant.... et vous refermez le livre en ayant le sentiment d'avoir connu Minette et Genna.

C'est sûr je lirais d'autres romans de JC Oates !

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Schuyler College, 1974.
Genna Meade, une jeune fille blanche de la bonne société américaine intègre la prestigieuse université pour filles fondée par son ancêtre Elias Meade. Genna partage sa chambre avec une jeune boursière noire, Minette Swift.
Fascinée par sa compagne de chambre, Genna tente de se lier d'amitié avec elle, mais Minette semble décidée à rejeter toute marque de sympathie.

Les années 70 en Amérique sont encore marquées par une certaine ségrégation raciale. Noire et boursière, Minette a-t-elle une chance de s'en tirer au milieu de ces blanches issues des plus riches familles américaines et des plus prestigieuses écoles privées ?


C'est seulement la seconde fois (après le crime de l'Orient-Express, d'Agatha Christie) que je suis presque soulagée de voir une victime mourir dans un roman. Je ne gâche d'ailleurs rien en vous révélant tout de suite que Minette meurt, on l'apprend après quelques lignes de lectures seulement.
Et l'on ne peut s'empêcher d'éprouver une certaine antipathie à l'égard de Minette. Joyce Carol Oates ne donne d'ailleurs pas l'impression de vouloir faire apprécier sa victime : elle affuble Minette de gros défauts tous plus agaçants les uns que les autres.
Car Minette est hautaine, égoïste et repousse systématiquement les rares mains que ses condisciples lui tendent.

Les deux héroïnes de ce roman, Genna et Minette, sont toutes deux très liées à leur père (problème d'Oedipe mal réglé ?). Minette a très peur de décevoir son père, le pasteur Virgil Swift. Ce dernier s'attend à ce qu'elle excèle dans ses études or, dès le début du roman, il est manifeste que Minette est dépassée par les matières qu'elle étudie au Schuyler College. Si elle était parmi les meilleures étudiantes de son lycée, elle a ici beaucoup de mal à accepter les systèmes de cotation des professeurs et les remarques négatives que certains de ses devoirs récoltent. Ca aussi, c'est l'un des défauts de Minette : elle se remet rarement en question, préférant accuser les autres des malheurs qui la frappent.
Genna, de son côté, ne pense qu'à se faire accepter par Minette et à être gentille avec elle car elle a baigné, toute sa vie durant, dans les idéaux pseudo-égalitaires de Maximilian Meade, son père. Pourtant, après plusieurs rejets, il semble évident que Minette n'acceptera jamais d'être l'amie de Genna et que celle-ci devrait laisser tomber ses tentatives...

La mort de Minette est tout de même étonnante. Pas vraiment le décès en tant que tel puisque, comme je l'ai signalé plus haut, cet événement est annoncé dès la première page du roman. C'est plutôt la façon dont elle meurt qui prend le lecteur par surprise. On s'attend, étant donné les soupçons de harcèlement et de racisme qui plânent sur la résidence de Minette, Haven Hall, à quelque chose de plus violent : puisque quelqu'un semble visiblement en vouloir à Minette, peut-être va-t-elle être poignardée, défenestrée, poussée dans l'escalier ? La " douceur " (toute relative, je vous l'accorde) de la mort de Minette, les circonstances entourant le drame sont presque choquantes... parce qu'on attendait bien pire ! Tout est mis en place par Joyce Carol Oates pour nous faire croire à quelque chose de bien plus atroce.

L'un des grands thèmes de Fille noire, fille blanche est, bien entendu, le racisme et les problèmes d'intégration qui en découlent. Genna a pitié de Minette parce qu'elle est noire et tente à tout prix de l'intégrer aux groupes qui se forment au sein de Haven Hall. Mais tous les noirs souffrent-ils de problèmes d'intégration ? N'est-ce pas plutôt la personnalité de Minette qui pose problème ? Minette voulait-elle de la pitié de Genna ? J'en doute...
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"Fille noire, fille blanche" annonce une histoire très claire semble-t-il, la rencontre entre deux jeunes filles étudiant dans le même College et partageant leur chambre.

Fille noire : Minette, fille de pasteur, boursière.
File blanche : Genna, fille d'un illustre avocat militant, opposé à la guerre du Vietnam, d'une milieu aisé (son grand-père ayant d'ailleurs fondé ce college).

Elevée dans un courant de pensée très libre, Genna décide que sa nouvelle colocataire sera sa meilleure amie, que ni sa couleur de peau, ni son origine sociale ne seront des obstacles entre elles. Mais est-ce si simple?

Même si le titre semble nous aiguiller vers un récit du racisme que pouvaient subir les noirs aux États-Unis dans les années 70, et qui est bien réel pour Minette, qui souffre du harcèlement de ses camarades, ce roman ouvre aussi sur les douleurs et dilemmes plus généralement vécus par les adolescents. La personnalité de Minette et sa mauvaise volonté flagrante sont des chocs pour Genna. Et si le thème principal de ce roman n'était pas plutôt la difficulté des rencontres avec l'Autre? La prise de conscience que notre univers propre et nos valeurs ne sont pas les seules qui existent?

C'est un roman assez perturbant au final car la narration est très déstructurée et certains passages sont assez lourds. de plus, je n'ai pu m'empêcher de me poser mille questions quant aux auteurs des humiliations subies par Minette ... sans avoir de réponse!
Et malgré tout, je termine ma lecture enchantée par la sensibilité qui s'en dégage et le style toujours aussi talentueux de l'autrice.
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Quand Genna aperçoit Minette sur le campus, elle est subjuguée par son attitude, par sa famille. Elle veut être son amie, non...elle veut être sa soeur! Et elle sera sa soeur, à la vie à la mort et même contre son gré. Partageant sa chambre, lorgnant sur ses photos, ses tiroirs, la suivant en douce, Genna qui se veut la plus amicale et la plus bienveillante possible avec tout le monde mais avec Minette en particulier, et qui aurait probablement été une amie chaleureuse pour n'importe qui qui aurait eu l'intention d'accueillir cette amitié sincère, se transforme assez vite en un genre de stalker assez creepy face au rejet poli mais glacé de la principale intéressée. Nous n'avons que le point de vue de Genna et, même si il est difficile de s'identifier à elle, il est très intéressant. Elle a conscience des privilèges de sa race, sait s'interroger sur le ressenti d'autrui et pourtant elle refuse totalement d'admettre qu'elle n'est tout simplement pas désirée à la place qu'elle veut occuper ce qui la pousse souvent à envisager une vision de la réalité d'une manière un peu particulière qui n'anéantirait pas ses espoirs. On peut pourtant se demander pourquoi cette amitié a-t-elle été aussi ratée. Je regrette un peu de ne pas avoir lu l'autre point de vue, celui de la mystérieuse Minette qu'on sent peu à peu sombrer vers la dépression et la folie mais toujours prête à endurer le martyre dans la plus grande des solitude. Car ces deux jeunes filles, ayant grandit au milieu des fanatismes de leurs parents respectifs, idéalisant leurs pères et toutes deux atteintes d'une forme de solitude auraient très bien s'entendre, se comprendre et s'épauler vers une forme d'indépendance et d'ouverture nouvelle.
Pourtant l'autrice laisse peu à peu tout cela de côté pour glisser vers la relation père-fille de Max et Genna. Une relation dysfonctionnelle d'un homme engagé aux idéaux vertueux qui lui permettent sans doute de comprendre le monde mais qui l'empêchent de faire preuve de considération pour l'individu isolé. Si elle n'a pas pu sauver Minette, Genna pourra-t-elle sauver son père?
Pour mon premier Joyce Carol Oates j'ai eu le sentiment d'une lecture faite d'une apparence assez simple mais tissée d'éléments subtils qui s'entrecroisent pour mieux s'éloigner, se frôlent sans se toucher et créent un tout qui chamboule sans en avoir l'air. de ce flou artistique, se dégagent de petites touches particulières qui s'imprègnent dans l'inconscient jusqu'à former des interrogations auxquelles on n'a pas de réponse toute faite que ce soit sur les personnages ou sur des questions générales qui dépassent le cadre du roman en lui-même. J'ai très envie d'en lire d'autres.
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"Initialement, je pensais écrire mon texte sans titre pour mon père. [...] A mesure que les mois passaient, que le texte devenait plus long et plus compliqué, j'en suis venue à douter que ce soit sage. Car, à mon insu, en composant mon texte sur Minette Swift, je composais un texte-ombre qui n'avait pas grand-chose à voir avec elle. [...] Ce texte est une enquête sur Max Meade et un portrait de la fille qui l'a trahi."

C'est grâce à ces quelques lignes de la fin que j'ai compris que l'objet de ce roman n'était pas la relation entre Genna Meade, descendante de révolutionnaires, et Minette Swift, étudiante noire descendante d'esclaves, mais un règlement de comptes entre Genna et sa famille. Une famille anormale entre un père révolutionnaire, une mère hystérique, un frère qui a fui tout ça. L'histoire d'une jeune fille sensible qui a essayé de se construire au milieu de ce chaos, et la revanche qu'elle a exercé, grâce au catalyseur que fut Minette Swift.

Du jour où elles en vinrent à partager la même chambre à l'université, Genna fait tout pour entrer dans les bonnes grâces de cette drôle d'étudiante noire, mal dans sa peau, rébarbative aux rires, à l'amitié, à la fraternité. On se demande pourquoi Genna s'acharne autant. Mais au fur et à mesure du récit, où celle-ci se dévoile, on comprend qu'elle est terriblement seule, sous la pression de la figure paternelle, avocat réactionnaire mondialement connu. Et c'est justement parce que Minette Swift se fiche de ça, parce qu'elle l'intrigue par son indifférence à tout, que Genna s'y attache de plus en plus.

Incroyable roman familial, ce texte m'a énormément touché, par la figure de Genna principalement, alors que Minette m'a proprement énervée : "Après sa mort terrible, je ne dirais pas de Minette Swift qu'elle était perturbée, irrationnelle, paranoïaque, comme d'autres semblaient souhaiter croire qu'elle l'avait été." Et pourtant c'est bien ce portrait que Genna nous trace de sa camarade de chambre qui n'a jamais voulu être intégrée à l'université et trame d'horribles actes pour s'en sortir.

Dans le contexte de l'Amérique des années 1970, alors que le racisme est si présent, quoique très mal vu, les thèmes de discrimination, races, se croisent et se recroisent très finement, à la fois par Minette et par Max Meade et ses combats. Deux personnages clés dans la vie de Genna, deux figures terrifiantes auprès desquelles elle essaye de trouver sa place. Deux figures au destin terrible.

Je n'en dirais pas plus. Seulement que c'était mon premier Oates et que j'ai été impressionnée par la langue, la finesse de l'analyse, la montée en puissance de l'histoire. Pour moi, ce roman est de la graine de classique à l'avenir.
Lien : http://wp.me/p1Gkvs-13v
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Ce n'est sans doute pas son meilleur roman , mais il ouvre finalement à de nombreuses réflexions grâce au talent de J.C Oates .
Années 70 , dans un Collège renommé, Genna partage sa chambre avec Minette Swift, une jeune fille noire boursière.
Les étudiantes noires sont peu nombreuses, la discrimination est encore bien présente et Genna , timide et idéaliste voudrait devenir l'amie, voire la protectrice de Minette, elle ressent cela presque comme un devoir naturel.
Or les choses ne sont pas si simples, Minette a un caractère bien marqué, elle est impulsive et peu encline aux manifestations extérieures d'amitié .
Peu à peu se dessine un autre aspect des choses :Genna est très marquée par une enfance entre une mère ancienne baba-cool , toujours en dehors de la réalité et sous l'effet de médicaments et un père adulé, avocat engagé dans des combats d'extrême gauche mais totalement absent , elle cherche des points de repère familiaux et envie les rapports que Minette a avec sa famille et même avec la religion.
Quant à Minette, sous ses aspects butés et déterminés se cache le profond désarroi d'être séparé de sa famille et de ne pas trouver sa place parmi les étudiantes de ce collège, ce qui la conduit à être rejeté par cette petite communauté et de subir des actes raciaux , Genna prend sa défense naturellement mais petit à petit a conscience d'une autre réalité.
L'opposition de Minette à ce milieu la mènera au drame annoncé dès les premières lignes du roman, Genna portera le poids de son incapacité de déplaire à son amie qui aurait pu éviter l'accident fatal.
Il apparait à la toute fin du roman , une autre vision des actes de Genna, elle a toujours voulu attirer son père, récupérer un peu de cette affection qui lui a tant manqué dans une enfance tronquée face à des adultes irresponsables , et elle parvient plus ou moins consciemment à le faire tomber de son piédestal et à récupérer un être brisé qui n'appartient finalement plus qu'à elle.

Amer constat , très habilement mené.

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Une pauvre fille, bien déboussolée par son éducation (parents hippies, père communiste activiste), en manque d'affection, tente par tous les moyens d''être l'amie de sa compagne de chambre, une jeune fille noire imbuvable, rigide à la limite de la pathologie, sans l'once d'un sentiment altruiste, . Et voilà, tout est dit : on ne sort pas de ces thèmes rabat-joie. Ce que j'ai eu envie de secouer la fille blanche ! Ce que j'ai eu envie de donner une paire de claques à la fille noire!
Et ce racisme ambiant, obsédant, lancinant...Qui est raciste finalement? Les filles blanches? La fille noire?
Bon, trêve de discussion, ce roman ne m'a pas plu du tout. Joyce Carol Oates m'a séduite par d'autres oeuvres : "Les Chutes" , par exemple...
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