Mudwoman

M. Schneider était son professeur de maths, et de loin le moins aimé des professeurs du lycée de Carthage, en raison de la difficulté de la matière, des ses interrogations « éclairs », de ses notes sévères et du mépris à peine dissimulé qu'il semblait avoir pour ses élèves, ses collègues et la ville de Carthage en général. Sombre et maussade, d'un âge indéterminable − on lui donnait aussi bien trente-cinq ans que cinquante −, il avait le front barré de rides verticales, un nez crochu, une narine plus large que l'autre, béant comme une orbite vide. Hans Schneider était grand et maigre ; ses épaules tombaient comme des ailes brisées ; ses vêtements flottaient sur lui, toujours identiques − chemise de coton blanc à manches longues, cravate rayée, pantalon de gabardine lustré aux fesses. Il avait des lunettes à grosse monture de plastique noir, souvent de travers sur son nez. Il sentait la poussière de craie, le lait ou le beurre un peu rance − ou l'ail ; ses dents étaient irrégulières, grisâtres, et petites comme des dents d'enfant. Il avait souvent des rhumes, ou pire − se détournait en plein cours pour éternuer, tousser, renifler, se moucher dans une succession de mouchoirs répugnants qui s'accumulaient sur son bureau.

Et n'oublie pas: tu ne dois surmener ni ton corps ni ton âme. Tu ne dois pas te réduire en esclavage, pas davantage que tu ne le ferais de quelqu'un d'autre. Tu dois être le protecteur de toi-même.

Peu à peu le vacarme de l'eau noya ses pensées- hypnotiques, légèrement anxieuses.L'eau, l'eau qui court, exerce toujours une attraction.On est attiré de l'avant, on est attiré dedans.

Depuis qu'elle s'était élevée dans l'administration universitaire, M.R. s'était débarrassée de cette natte d'écolière. Tout comme elle s'était débarrassée d'une sentimentalité naïve sur l'amour...

La fin, quand elle arriva, arriva vite.
M.R. n'aurait pas considéré que c'était la fin. M.R. aurait pensé tout au plus à une sorte d'interruption, de contretemps mineur.
Une contrariété, un malentendu. Peut-être même... une bévue.
Mais pas ... la fin.
Comme quelqu'un qui, au cours d'un après-midi chargé de rendez-vous, apprend de son médecin qu'elle est inopérable, incurable - en phase terminale, condamnée à mourir dans quelques semaines - et qui néanmoins ne semble pas entendre, reprend comme si de rien n'était la ronde de ces rendez-vous en se disant Je suis si occupée ! Je dois vraiment être quelqu'un d'important.

La science est une autre façon de chercher Dieu.

Quand on est seul, on se prend trop au sérieux. C’est le terrible danger de la solitude.

Les amies d’Agatha exagéraient toujours. Surtout ses amies bibliothécaires. Elles mènent une vie plus que calme –«refoulée» - et elles sont entourées de livres –d’«histoires»- elles finissent par inventer les leurs.

Et quel soulagement d'être libérée de son ordinateur, abandonné sur le lit de sa chambre ! Elle était attachée à cet appareil comme à une poche de colostomie. La panique la prenait s'il donnait des signes de défaillance ne fût-ce que quelques minutes. Une nuée de courriels bourdonnaient dans son sillage comme des abeilles furieuses.

Dix-neuf ans !
En temps terrestre, un espace considérable quand il s’agit de le vivre.
En temps galactique, trop infime pour être mesuré.