Pour ceux qui n'auraient pas lu son premier roman, son héroïne s'appelle Camilla Baudino, vit à Turin, a quarante ans, un mari, une fille, un teckel et...un amoureux, Gaetano, inspecteur de police, qui rappelle l'inspecteur du beau roman de Fruttero et Lucentini, La femme du dimanche. Je dis « amoureux », car question sexe, l'auteur est plutôt du genre elliptique. D'ailleurs, son drôle de style est surtout basé sur des dialogues et des ellipses. L'auteur alterne le « je » et le « elle » qui donnent ce sentiment que la narratrice est à la fois totalement impliquée dans ce qu'elle fait et totalement dans la panade! La citation de Chandler que Marguerita
Oggero a choisie en exergue est très révélatrice de la façon dont son personnage, donc son style, vont fonctionner. « Attendez un instant, je ne sais pas encore ce que j'ai en tête ».
Ce que Camilla a en tête, c'est cette maison devant laquelle elle passe depuis plusieurs années et qu'elle voudrait acheter. Jusqu'au jour où un clochard avec qui elle a sympathisé, baptisé L'Indestructible, parce qu'il aime se jeter devant les voitures, lui apprend qu'elle est justement en vente. Enfin, Camilla va y entrer. Tout de suite, elle se voit y vivre. Elle sympathise avec la propriétaire. Qui n'a pas l'air si pressée de vendre. Mais qui veut bien être son amie. Qui a même terriblement besoin d'une amie. Qui s'impose presque. Au moment où on pourrait croire que le roman va virer à l'histoire d'obsession, voilà que la propriétaire meurt, poussée sous un tramway. A quelle page est-on à ce moment là? La 110.
L'enquête va suivre ce même rythme qui semble ne pas en avoir. « Une fois, une seule et unique fois en quarante ans », dit Camilla à un moment, « j'ai pensé que j'aimerais bien connaître une existence téméraire ». Maintenant qu'elle est accusée du meurtre de sa nouvelle amie, elle voudrait bien agir mais dans quel sens? Alors il sera question de vies insatisfaites (tout le monde est marié, tout le monde est déçu), de flics qui jouent au foot avec une canette de bière dans la rue, de conseils de bonne femme (« C'est toi qui rédiges la rubrique du courrier du coeur?/ Non, mais j'aimerais bien/ Pour donner des conseils à la con du haut de ta sagesse?/ Plutôt du bas de mes contradictions »), et puis aussi de croissants au Nutella (attention, pas au chocolat, au Nutella), ceux du bar Mogador (attention, pas ailleurs, il n'y a que là qu'ils sont vraiment bons).
A la fin, on a confirmation de ce qu'on sentait depuis les 110 premières pages. L'enquête qui intéressait vraiment l'héroïne, c'était celle sur son propre mariage.
Un roman à lire pour son charme foutraque