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sur 722 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le gosse n'est pas seulement Joseph Vasseur, ce sont aussi Aimé et ces malheureux détenus de la maison des supplices de Mettray qu'Alexis Danans contribue à libérer au prix d'une campagne de presse et de la création de l'oeuvre de l'enfance majuscule qui poursuit aujourd'hui un combat inachevé.

Le drame de Joseph et Aimé est dramatiquement romancé par Véronique Olmi qui, après son inoubliable Bakhita, semble se spécialiser dans les déclinaisons du martyr, et livre un récit qui retrace le sort des enfants placés par L'Assistance Publique dans la première moitié du XX siècle.

J'ai apprécié ces pages ainsi que la description du Paris d'avant guerre, les débuts du Jazz dans les cabarets, et l'atmosphère du Front Populaire.

La plume de Véronique Olmi est concise, elliptique, suggestive mais les transitions sont parfois rapides, voire relâchées, et l'intrigue devient invraisemblable quand Michel, sorti de nulle part, sans aucun lien familial ou légal avec Joseph, le libère de Mettray.

Mais je recommande la lecture de cet ouvrage qui conduit naturellement à se pencher sur les enfants victimes d'abus, de sévices et de séparations familiales.
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Une couverture qui sent bon la nostalgie.
Une seule leçon : ne pas se fier à cette couverture.
L'entre-guerre. La vie d'un petit garçon de 8 ans, devenu orphelin, pupille de l'état. de ce fait, officiellement, il est protégé par l'état... Mais officieusement, c'est une autre histoire. Il est le rebut, les mal-nés, la mauvaise graine, le "gitan", mais il est surtout le mal-aimé. Traité pire qu'un chien, il se rebiffe parfois, il se réfugie comme il peut dans son monde. Impression de n'être rien, il a besoin d'exister, de croire qu'il existe.
Le malheur crescendo... Petit bonhomme face à l'inhumanité des hommes. Quelle défense ?
Ecriture rythmée, Véronique Olmi nous entraîne dans sa valse des mots. Ils s'enchainent, le rythme s'accélère et le point stoppe tout. La musique se calme, puis le tempo remonte doucement, s'envole, s'élève et ça repart. Véronique Olmi a le don de l'écriture envolée, dansante... C'est un bonheur de la lire. Elle fait vivre les mots. Une porte claque, le lecteur la reçoit en pleine figure. le personnage ressent, le lecteur a le coeur qui tambourine à tout rompre. Un paysage décrit, le lecteur observe, admire, ressent au fond de lui l'atmosphère... Bref, une grande écrivaine !
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Une sacrée sale vie que l'enfance du gosse ! Pourtant elle a plutôt bien commencé pour Joseph, choyé par une mère aimante et une grand-mère attentionnée. Bien sûr, il y a ce père, une gueule cassée de 14 mort de la grippe espagnole. Mais sa mère a su laisser son amour de la vie prendre le dessus, rendant l'existence joyeuse malgré tout. Jusqu'à l'enchaînement fatal qui fait de Joseph un orphelin, une pupille de l'État. Un système censé le protéger. En fait une terrible machine à broyer l'innocence. À sept ans Joseph connaît la prison pour enfants puis la colonie pénitentiaire. Une véritable descente aux enfers dont le jeune garçon réussit pourtant à s'extraire, grâce à une volonté farouche et à son amour de la musique.

À travers le regard d'un enfant, le gosse met au jour la terrible cruauté des hommes. Mais pas seulement. Sur fond de Front Populaire, porteur d'espoir pour la condition ouvrière, le gosse est une magnifique histoire d'amour, celle d'une mère pour son fils et d'une musique qui estompe la souffrance et fait renaître l'espoir. Lu presque d'une traite, un roman intense, dérangeant, bouleversant.

« En 1936, le journaliste Alexis Danan crée la Fédération nationale des comités de vigilance et d'action pour la protection de l'enfance malheureuse. Ces comités Alexis Danan ont pour mission de dénoncer à la justice les mauvais traitements dont les enfants sont victimes. Moins visibles aujourd'hui, ces comités existent toujours.
 
Maisons de supplices d'Alexis Danan, recueil de cent cinquante témoignages d'enfants ayant été placés en maison de redressement en France, paraît en 1936 chez Denoël et Steele.
 
En 1937, sans prononcer de fermeture administrative, le ministère de la Justice et l'Assistance publique retirent les enfants de Mettray [colonie pénitentiaire pour enfants] : placements, engagements militaires, libérations conditionnelles, détention dans d'autres centres, retour aux familles.
Début novembre 1937, les derniers enfants quittent l'établissement. »
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La porte grince, Joseph tressaille et se recroqueville dans son hamac. Les pieds puants du voisin tête bèche dans le hamac lui effleurent le nez. Mais Joseph n'ose pas bouger, il dresse l'oreille, il attend le souffle coupé, tétanisé. Son coeur bat la chamade, la trouille au ventre, il pressent l'humiliation, le mépris, la haine des autres…

Comme Joseph nous retenons notre souffle au fil des pages. Joseph est de l'Assistance, il est devenu pupille de la Nation. Enfin, la Nation, ses pupilles, elle s'en fiche comme d'une guigne ! Ces bouches à nourrir inutiles, elle s'en débarrasse comme de fardeaux inertes et encombrants dans des institutions-prisons : la Petite Roquette en plein coeur de Paris, mais aussi la Colonie, un bagne pour enfants à Mettray en Touraine. Pourtant la Nation pense bien faire en envoyant ces enfants au grand air, loin du vice des villes. Travailler dans les champs, voilà qui est sain ! L'État verse donc généreusement ses subsides à des instructions privées pour se débarrasser du problème, dont certains sauront profiter avidement en réduisant au maximum les coûts sur le dos des enfants. Cela rappelle étrangement l'aveuglement de l'État dans le scandale Orpéa qui ne semble pas tirer les enseignements du passé …

On écarquille les yeux à la lecture de cet ouvrage fort bien documenté, aucune éducation n'est donnée aux enfants, ils sont soumis à des travaux harassants dans les champs ou à la blanchisserie, anéantis, transformés en petits esclaves, soumis aux tortures les plus variées.
Cela pourtant remonte à un temps pas si lointain, moins de 100 ans, au tout début des années 30.
Véronique Olmi fait revivre avec talent toute une époque et les relations terribles entre les enfants et leurs geôliers.
Cependant, je n'ai pas réussi à rentrer en empathie avec Joseph comme je l'aurais souhaité. L'écriture de Véronique Olmi reste froide, assez distante vis-à-vis de ce petit bonhomme. Si j'ai tourné les pages avec angoisse pour découvrir la trajectoire de Joseph, je n'ai pas ressenti ses émotions.
Joseph se découvre un penchant pour les garçons dès son plus jeune âge et se traite alors de pédé, lopette, vicieux, salope, … Je ne crois qu'un enfant de 10 ans puisse penser en ces termes et s'insulter de la sorte, et ce même dans les années 30 quand l'homosexualité était taboue et condamnée par la société. Je n'y ai pas cru, et ces insultes qui reviennent comme une litanie dans de nombreux chapitres m'ont dérouté et déplu. Peut-être manquait-il quelques explications sur l'utilisation de ces mots par un enfant …
Dommage, car la plume de l'auteure nous entraine avec virtuosité dans le Paris d'avant-guerre, j'ai aimé les incursions dans l'enfance de titi parisien de Joseph auprès de sa grand-mère et de sa mère, qui exerce le beau métier de plumassière, la découverte de la musique par Joseph, puis de la vie nocturne d'un Paris cosmopolite battant la mesure avec ses clubs de jazz, ses cabarets et spectacles de music-hall. le livre s'achève en 1936 sur la conquête par les ouvriers d'avancées sociales majeures, comme les premiers congés payés, et nous plonge dans l'occupation ouvrière des usines.
La dernière partie du roman sur la difficile réadaptation de Joseph à la vie extérieure est très réussie, et la fin, peut-être un peu facile, amène une note porteuse d'espoir après tant d'horreurs, même si l'on sait que l'ombre de la seconde guerre mondiale commence déjà à obscurcir le tableau.
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Les enfants martyrs de Mettray

Dans son nouveau roman, Véronique Olmi suit un garçon devenu orphelin au sortir de la Grande Guerre et qui va se retrouver dans un véritable bagne, la colonie agricole et pénitentiaire de Mettray.

Joseph Vasseur est né en 1919 d'un père revenu de la Grande Guerre la gueule cassée et porteur du virus de la grippe espagnole. Un virus qui va l'emporter très vite. Sa mère, plumassière, doit désormais subvenir seule à ses besoins et à ceux de sa mère. Après son deuil, elle rencontre Augustin et espère pouvoir reconstruire sa vie avec cet homme bien plus jeune qu'elle. Mais en choisissant de ne pas garder leur enfant et d‘avoir recours à une faiseuse d'anges, elle va signer son arrêt de mort. Joseph se retrouve alors seul avec Florentine, sa grand-mère qui perd peu à peu la raison. Alors qu'il joue au football avec les copains, elle est conduite à Sainte-Anne. le sort de Joseph est désormais scellé. L'orphelin est conduit dans un orphelinat parisien avant d'être placé dans une ferme près d'Abbeville. Malgré les conditions difficiles et les coups, il essaie de creuser son sillon. le travail mais aussi la découverte de la musique lui offrent des perspectives qui, une fois encore, vont être anéanties. le Parisien est mal noté par l'inspecteur qui ordonne son retour dans la capitale et son incarcération à la prison de la Petite-Roquette. Commence alors pour Joseph une période très difficile. Confronté à la solitude et à l'absence de perspectives, le garçon s'accroche à tous les petits signes qui rompent un silence pesant, un bruit dans la cellule mitoyenne, l'atelier où il rempaille les chaises, le regard jeté par Aimé, un codétenu qui a voyagé dans son fourgon. Après un incendie, il est envoyé dans un domaine agricole en Touraine. La Colonie agricole et pénitentiaire de Mettray, comme nous l'apprend Wikipédia, est un établissement qui, «en dépit de ses principes fondateurs idéalistes, à savoir éduquer et rééduquer les jeunes délinquants par le travail de la terre, est considéré comme l'ancêtre des bagnes pour enfants».
Cette nouvelle étape – décisive – dans la vie de Joseph qui n'est pas encore un adolescent, va lui faire perdre ce qui restait de son innocence. C'est là que l'enfant devient un homme. C'est là que son caractère s'affirme, c'est là qu'il assimile de nouvelles règles, laisse parler ses émotions, comprend que la musique peut l'aider. Même si la première fois qu'il souffle dans un cornet, il est loin de s'imaginer qu'il souffle l'air de la liberté.
Véronique Olmi s'est solidement documentée pour nous raconter la vie dans ce bagne pour enfants, dont l'un des pensionnaires les plus célèbres aura été Jean Genet. Dans son livre le Miracle de la rose, il y décrit notamment ce que fut sa vie là-bas, expliquant notamment que «chaque paysan touchant une prime de cinquante francs par colon évadé qu'il ramenait, c'est une véritable chasse à l'enfant, avec fourches, fusils et chiens qui se livrait jour et nuit dans la campagne de Mettray».
Dans le roman, qui court jusqu'en 1936, la romancière montre une fois encore combien le milieu social et la date de naissance façonnent un destin. Pour un pupille de l'État dans l'entre-deux-guerres, le «redressement» et le travail à outrance remplacent l'éducation et la culture. Mais comme dans Bakhita, le besoin de croire en un avenir meilleur et une formidable vitalité laissent de l'espoir.


Lien : https://collectiondelivres.w..
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Voici un roman marquant, poignant , poétique , puissant et dérangeant , un pavé déchirant jusqu'à la dernière page même si on assiste tout doucement à la renaissance d'un être ,à un changement de vie , grâce à la musique , un texte incroyablement beau à propos de l'enfance à l'aube du siècle dernier……

Je n'ai pas apprécié tous les livres de cette auteure ,mais celui - là comme Bakhita m'a impressionnée !
Il nous met dès la première phrase dans les pas de Joseph Vasseur, né le 8 juillet 1919 à Paris juste après la grande guerre , une date dont il est fier, car Paris ce n'est pas seulement la ville , c'est la plus grande des villes , «  belle de jour comme de nuit » , enviée dans le monde entier .

Lui , est un titi, sept ans , maigrelet mais robuste , très attaché à sa grand - mère Florentine , sa mère Colette , son instituteur qui lui a appris à lire , écrire et compter ,il aimait l'école ! .


Sa mère et sa grand - mère le surnomment «  le roseau » , il siffle souvent , sa mère aux mains de plumassière , rouges et bleues , habiles et rugueuses ne se posent jamais, la vapeur de l'atelier où elle travaille décolle ses petites mèches entortillées .
Joseph n'a jamais connu son père, revenu de la guerre en «  Gueule Cassée «  , sans visage , et , comme s'il était allé au bout des ses forces est décédé, de la grippe espagnole dans une chambre d'hôpital.

Colette , sa mère , gaie comme un pinson rencontre Augustin , lors d'un bal , tous les dimanches rue de Lappes ——- un peu plus jeune qu'elle ——- elle meurt brutalement lors d'un avortement clandestin, considéré comme un crime monstrueux à cette époque.
La vie de Joseph bascule le jour où elle disparaît .
Il devient pupille de l'Etat , un État qui a soi- disant mis en place tout un système de «  protection » des enfants pauvres , dont les bonnes intentions n'ont d'égale que l'extrême cruauté , l'inhumanité criante , l'absurdité , la monstruosité au fil des jours au sein de cachots puants, grêlés , gluants , une seconde peau de malheur pour Joseph , qui ,dans sa nudité , aux jours sombres et sans repères , met la cagoule pour ne pas voir le gardien qui apporte la gamelle ….
Une cellule de cachot sous La Chapelle de Mettray , là où repose le coeur du fondateur de la colonie ….
On suit Joseph , orphelin de père puis de mère, de famille d'accueil en colonie pénitentiaire de Mettray , de sinistre mémoire , maison de redressement agricole privée , au coeur de la Touraine ,que je viens d'évoquer, en passant par la prison de la Petite Roquette ( Paris ) et autres étapes …..
Joseph veut sa mère , qu'elle le touche et il n'a pas dix ans , ça hurle parfois dans les autres cachots .
Le voici arrivé parmi les «  vicieux » de la République , le vivier de cette racaille , et il y a pris place , sous les coups de sifflet , sans montrer sa fatigue , faussement absent sous les coups , les crachats , les insultes , les railleries obscènes sur la longueur et la vigueur de son sexe , les viols répétés , la trique, le sang qui coule de sa bouche : garder le silence , rester debout ou le tenter, le regard fixe , le crâne rasé , les yeux éteints ….

Il traverse la nuit mais bientôt la musique , cette omniprésence invisible et le cornet à piston , celle qui vit dans ce qui est beau ,il jouera bientôt , un jour lointain , pour Aimé son ami mais je n'en dirai pas plus…..

Il a fait partie des Colons , qui obéissent au clairon , aux sifflets et à la trique , aux ordres militaires : de la race des obligés , des redressés , des rééduqués, des surveillés , des contrôlés , encadrés par des frères aînés , les surveillants , «  les gaffes » alcooliques , violents, violeurs , incultes et inhumains ….
L'auteure fait parler son personnage , son intériorité à l'aide d'un choix narratif essentiel, lui donne un souffle , les enfants n'anticipant pas, toujours dans le présent , découvrant, en alerte permanente .
Elle adapte son histoire selon la condition sociale , l'âge et l'époque …semblable à un roman d'action, lui donnant de l'amplitude grâce à l'utilisation de la troisième personne et du présent .

On sent qu'elle a beaucoup travaillé et visité Mettray, lieu maudit fréquenté par Jean Genet , qu'elle a épousé le regard de ce gamin ….
Une radiographie dérangeante, somme toute , réalisée avec un art consommé ….
Joseph jouera du cornet à piston dans la France du Front Populaire ….
Peut - être retrouvera t- il sa vie et sa joie? …..
Ce livre est aussi un miroir aux débats récurrents et récents sur les violences en famille d'accueil ou dans les foyers d'Aide sociale à l'enfance …
Le lecteur indigné , pétri d'émotions multiples, se fait violence, se jette dans ce livre révolté, révoltant à l'écriture intense , présente , résonnant dans nos coeurs comme un vertige ou une implosion , une langue littéraire entre retenue , amplitude , réalisme effrayant .

IL en ressort comme éreinté, abîmé, anesthésié, essoré , usé par tant de souffrances mais transporté par l'énergie de ce gamin courageux et tendre , fort et faible à la fois , ce qui lui permettra de traverser le pire ….
Un pavé déchirant , une radiographie sans complaisance , prenant aux tripes sur les bagnes pour enfants de l'entre - d'eux - guerres ..
Un très bel ouvrage qui peut rebuter ….
Mon libraire m'avait prévenue , vous allez souffrir ,mais je ne regrette ma lecture …..

Aujourd'hui Mettray abrite un institut thérapeutique, éducatif et pédagogique .
Début novembre 1937 ,les derniers enfants quittent la Colonie Pénitentiaire.
En1974 , La Prison de la Petite Roquette ferme puis est démolie .
Sur son emplacement est aménagé le square de la Roquette .
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Après Virginie Grimaldi, j'ai eu envie d'une lecture un peu plus profonde et en fouillant dans mon sac à livres de vacances j'ai pêché ce Gosse dont la petite bouille m'a dit : "C'est mon tour, ça fait trop longtemps que j'attends dans ta Pal !
- Ca roule, allez emmène-moi visiter le Paris d'entre-deux -guerres, et faire connaissance avec tes potos titis.
- Ben oui, mais je te préviens, ce sera pas marrant tous les jours, même si ma vie a été plutôt sympa au début, avec ma p'tite maman qui m'appelait son roseau, et ma grand-mère qui perdait un peu la boule mais on s'aimait bien quand même.
- Allez, tant pis, raconte-moi tes malheurs aussi !"

Et c'est comme ça que j'ai suivi Joseph de ses sept ans en 1926 jusqu'à l'aube de ses dix-huit ans, alors que l'Europe entame une nouvelle période sombre.
Mais pour le petit Joseph, le bonheur prendra fin bien avant, lorsque sa maman, qui aime la vie et l'amour, tombe malencontreusement enceinte et meurt des suites d'un avortement clandestin (considéré comme un crime majeur à cette période où la France a besoin de se repeupler). Et un terrible engrenage se met en branle, qui conduira la grand-mère à l'hospice et le gamin à l'assistance publique. Une institution censée protéger les orphelins qui lui sont confiés, mais qui dans les faits les exploite et les maltraite, parfois jusqu'à la torture. Certains passages sont particulièrement difficiles, avis aux âmes sensibles, surtout quand on sait que les faits relatés dans le roman, ainsi que les lieux cités ont réellement existé, et les bagnes d'enfants ne sont pas si loin de notre époque d'enfants-rois.

C'est justement un des aspects que j'ai apprécié dans le roman, il est très bien documenté, et l'histoire de Joseph ressemble sans doute hélas à celles de bien des orphelins des années 20 à 40. L'écriture peut paraître un peu froide, à cause de l'emploi du mode impersonnel, mais d'un autre côté j'ai préféré qu'il y ait cette distance, le "je" aurait rendu la lecture encore plus difficile à certains moments. N'empêche qu'il m'a touchée ce petit bonhomme obligé de grandir trop vite pour s'en sortir dans ce monde où la vie d'un gosse de l'assistance vaut moins que celle d'un cheval. Au fil des placements et des séjours en prison ou en colonie pénitentiaire, il y aura quelques moments de répit, quand Joseph rencontrera Aimé qui lui apportera un certain réconfort, ou grâce à la découverte de la musique par le biais d'une fanfare. Heureusement, parce que sans ces quelques respirations, j'avoue que j'aurais eu du mal à poursuivre ma lecture.

Quelques détails m'ont un peu surprise, notamment concernant le vocabulaire employé dans un contexte bien particulier (je ne peux pas trop en dire), qui m'a paru inadapté. Et j'ai également un petit bémol sur la dernière partie du livre, où l'on assiste à la montée du Front populaire et à la naissance d'une certaine culture parisienne( la musique jazz, les clubs...), et où Joseph me semble évoluer un peu trop vite. Cependant je garde un souvenir ému des instants partagés avec Joseph et tous ses compagnons d'infortune, et je reste sur la note d'espoir donnée par la fin du roman.
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Il ne fait pas bon être un Gosse pauvre et sans famille dans le Paris d'après la grande boucherie de 14-18. le sort de Gavroche, livré à lui-même et libre comme un titi parisien, est presque enviable à côté de celui de Joseph. le Gosse.

Victime de la sollicitude de l'Etat...

Joseph a d'abord perdu son père, ô ironie, dans l'épidémie de grippe espagnole qui a éliminé cette "gueule cassée" après que la guerre l'eut défigurée.

Mais il lui reste sa mère. Elle meurt bientôt. Demeure sa grand mère, fidèle au poste. Mais elle perd un peu la tête. Les services sociaux de l'époque, soucieux de ne pas laisser un Gosse sans tutelle responsable, placent Joseph...à La Roquette ! Au cachot, l'orphelin pauvre! C'est pour son bien...Victor Hugo doit se retourner dans sa tombe ! Qu'on se rassure: on va s'occuper de lui.

Après la prison, déportation campagnarde de notre moineau de Paris dans une ferme du nord, en famille d'accueil. L'école est loin , et les champs réclament des bras, fussent-ils ceux, malingres, d'un Gosse de huit ans ! Joseph voudrait revoir son quartier, retrouver sa grand mère, obligeamment placée à Sainte-Anne par les mêmes services sociaux... Il prend la route. Pour une petite balade, une velléité de fugue qui se transforme vite, la faim aidant, en retour tardif à la ferme, je veux dire au foyer d'accueil, c'est la maison de redressement.

Le centre de Mettray, fondé par Alexis Danan, avec ses ateliers ouverts, sa formation professionnelle modèle. Un exemple de prise en charge pédagogique...sur le papier.

Dans les faits, aucun doute, c'est une colonie pénitentiaire, un bagne, comme ceux dont nous parle Marie Rouanet dans son livre document, Les Enfants du Bagne.

Véronique Olmi, sans pathos, sans effets de manche, en veillant à maintenir l'importance des instants de joie donnés par la musique, par l'amitié, et bientôt par l'amour, fait traverser à son Gosse toutes ces épreuves. On dirait que l'écrivain a pour son personnage la sollicitude maternelle qu'il faut pour le maintenir en vie, sinon en confiance et en joie.

Un joli livre, émouvant, tendre, mais aussi très documenté et qui dresse, entre les lignes, un réquisitoire cinglant contre ces institutions pavées de bonnes intentions qui se révèlent des enfers...

La Colonie de Mettray ne fermera ses portes qu'en 1937..juste après le Front Populaire. Ce n'est sans doute pas une coïncidence.
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Derrière les murs, la peur plie les viscères, le coeur, l'humeur. Elle s'immisce à chaque heure, chaque minute, visite les dortoirs, s'installe. Ne part plus. Les enfants s'en font un habit, la portent, le jour et la nuit, tremblent – c'est à celui que la cruauté des hommes épargnera aujourd'hui en attendant demain. Personne n'échappe aux « gaffes » - ces gardiens pervers armés de leurs triques, de leurs fouets et de leur imagination tordue.
L'assistance publique devait pourtant les protéger. Orphelins, enfants abandonnés, placés, « perdus », ils devenaient pupilles de l'Etat.
Véronique Olmi ouvre les portes de ces lieux cauchemardesques juste à l'après guerre, avant que le journaliste Alexis Danan ne révèle les faits en 1936 puis ne publie un recueil de cent cinquante témoignages d'enfants intitulé « Maisons de supplices ». Elle livre, de sa plume subtile et experte, un texte rude à la réalité insoutenable, un texte fort sur les atrocités commises sur des enfants sous couvert des droits abusifs, des faits à connaître. Joseph nous serre le coeur à chaque page : enfant lumineux dont on a tenté de briser les ailes, courageux et fidèle, petit homme au destin tristement vrai.
Une lecture dure mais ô combien instructive et passionnante.

Lien : https://aufildeslivresbloget..
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Un roman virtuose, noir et insondablement triste. Une base de narration d'une insoutenable véracité.

Ce récit, d'une violence inouïe, à retourner le coeur, est porté par une plume éblouissante. Qui ose tout. La description la plus crue des sévices, la déshumanisation des prisons pour enfants et colonies pénitentiaires, la perversion froide, la peur institutionnalisée, la faim, le froid, l'enfance brisée. L'espoir qui ne se dément pourtant jamais, l'amour qui sauve de TOUT, qui permet de survivre à l'innommable. L'extrême résilience. La beauté, sur ce fumier honteux, qui aide à se sentir vivant et à rester debout...celle d'un regard, d'une note de musique, du lien amoureux.
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Véronique Olmi

Née à Nice en...

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