AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Ladislas Gara (Traducteur)Georges Kassai (Traducteur)Georges Spitzer (Traducteur)
EAN : 9782940701513
576 pages
Editions des Syrtes (22/03/2023)
3.67/5   3 notes
Résumé :
Une école à la frontière est un grand classique de la littérature hongroise introuvable en français, cette publication vient combler un manque.

En grande partie autobiographique, le roman a pour cadre une école militaire au milieu des années 1920, à la frontière entre la Hongrie et l’Autriche. On y suit un groupe de jeunes adolescents qui vont faire l’expérience de l’éducation militaire avec ses règles et ses brimades. Ils découvrent un univers sans p... >Voir plus
Que lire après Une école à la frontièreVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Géza Ottlik a été reconnu tardivement dans son pays, ce titre-là a occulté le reste de son oeuvre et est d'inspiration autobiographique. L'auteur hongrois a lui-même effectué sa scolarité dans un établissement de préparation militaire à Kőszeg. Ville la plus haute de Hongrie, elle sépare le territoire magyar de l'Autriche. La précédente édition a fait l'objet d'une publication, il y a près de soixante ans, les Éditions des Syrtes proposent une réédition qui permet à chacun d'accéder au texte sans avoir à farfouiller toutes les librairies d'occasion de France et de Navarre.

Nous voilà, en juillet 1957, face à Benedek, adulte, en compagnie de son ami d'enfance, Dani Szeredi, qui se rappellent leur scolarité très mouvementée trente ans plus tôt, à l'aube de l'automne 1923. Il confie à son ami qu'il a reçu le manuscrit d'un ami commun défunt, un certain Gabor Medve, qui narre leurs années passées à l'École de préparation militaire. Ce roman se compose de trois grandes parties, elles-mêmes entourées de textes introductifs et conclusifs au présent de narration, qui s'intitulent respectivement, Non est volentis / Boue et neige / Ni de celui qui court. Le tout est entrecoupé d'extraits du manuscrit posthume, qui confrontent la vision de Gabor à celle de Benedek, de leurs années passées entre les quatre murs de l'internat. 

Évidemment, c'est une école ou un pensionnat plutôt qui ne compte que des garçons, ceux qui seront formés pour défendre plus tard la nation en même temps qu'ils reçoivent une éducation intellectuelle et sportive : l'autorité est de mise, portée par un personnel enseignant qui porte les galons et dont certains prennent un malin plaisir à entretenir une ambiance délétère. Benedek, Dani et Gabor sont les bleusailles de l'école lorsqu'ils l'intègrent, et sont traités comme tels, ainsi que le reste de la mini-promotion, par le clan de ceux qui font régner la terreur, un garçon entouré de sa fine équipe de harceleurs en puissance. Et l'auteur divague sur les trois années d'études, et de déambulations, de cohabitation agitée entre une poignée qui sème la terreur, les punitions, au gré de leur leader dont personne ne dispute l'autorité, les victimes ponctuelles de ces jeunes adolescents assurés dans leur domination par le personnel éducatif, et les autres qui errent, essayant tout à tour de se faire petit et transparent, d'humilier et de frapper à leur tour. Chacun essaie de s'en tirer du mieux qu'il peut entre deux machinations du clan des terreurs, et c'est souvent aux dépens d'autrui.

Les choses n'auraient pas pris l'ampleur qu'elles ont pris si l'un des encadrants, le lieutenant Schultze, n'était pas partie prenante, naturellement pour le groupe de dominant, rendant leurs actions ainsi quasiment impunies, les rendant intouchables : ce sont de petits dictateurs en herbe qui ont fabriqué leur autocratie en toute impunité, les autres n'ont qu'à obéir, subir et se taire. C'est une véritable petite nation, enfermée entre quatre murs, avec peu de contacts avec l'extérieur, qui vit repliée sur elle-même, avec ses propres lois, à l'image des plus grandes dictatures qui soient. La justice, n'est qu'un concept boiteux, qui est rendu au gré des volontés des élites, brutes violentes et sans ligne de commandement, par celui qui est le plus fort. Ce sont presque cinq cents pages jugulées des petites batailles auxquelles le clan a décidé de se livrer, d'expéditions punitives, aux alliances entre élèves, jusqu'aux tentatives d'annexions - le système de trocs mis en place qu'ils se sont appropriés : le dénouement à l'issue de ces années de scolarité, inattendu, donne une vision autre, élargie, universelle, de ce champ de bataille qu'étaient les classes et dortoirs de cette école. Le champ de bataille d'une guerre, de la guerre, avec une école implantée justement dans un territoire sensible puisqu'il jouxte le territoire ennemi, l'Autriche, le frère ennemi anciennement habsbourgeois. Avec un procès qui clôt les trois années de petites batailles, et sa condamnation irrévocable.

Le nombre de claques prodiguées aux uns, aux autres, est tel que l'utilisation parabolique de cette période de vie ne peut être gratuit : il y est question de lâcheté humaine, ou il est bon d'avoir sa tête de Turc personnelle. Ce qui m'a marqué dans son roman, c'est la façon dont l'auteur manipule la temporalité : entre sauts en avant, en arrière, certains événements repris d'un autre angle de vue, peut-être faut-il prendre cela comme une volonté de cerner au plus près l'objectivité des événements. Mais la mémoire est élastique, et sélective surtout, celle de Benedek s'attache à la vareuse noire des bleus", rend la chose impossible. De fait, le récit de Benedek est ponctué du récit de son ami Medve qu'il cite ponctuellement entre guillemets. Le procédé de Géza Ottlik tend à jouer sur cette durée infinie, un temps incompressible, comme si les événements duraient éternellement : somme toute, cette sensation d'une journée sans fin, à l'image de ce que ces soldats éprouvent en temps de guerre, sur le chams de bataille. Il l'évoque à plusieurs reprises, cette sensation de se promener dans un événement à la temporalité annihilée, bloqué dans un espace-temps, commun à lui et le texte posthume de son ami, là où la mort a tout gravé sur le marbre.

Géza Ottlik est un auteur très peu traduit en français, il faut dire qu'à part Une école à la frontière, on ne trouve guère d'autres titres disponibles. De tous ces titres non traduits encore, il y a ce texte Buda, comme un récit jumeau d'Une école à la frontière, il est considéré comme sa suite. À noter que Kőszeg, la ville ou est implanté le lycée militaire, est également le décor de plusieurs romans de Agota Kristof , où elle y a vécu elle-même.

Lien : https://tempsdelectureblog.w..
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Györ, Györszentivan, Szöny, Almasfüzitö. Je dormais, je me réveillais. Je faisais l'idiot avec Sandor Laczkovics. Dani Szeredy s'était endormi dans un coin. Je grimpai dans le porte-bagages. Zsoldos devisait très gravement avec Egon Colalto. Un temps extrêmement long avait passé. A Györ encore, Medve acheta des bonbons acidulés et nous en offrit, avec la générosité du souverain d'un riche empire comblant de cadeaux ses hôtes étrangers. Puis, il apprit l'air du Prince Bob à Zsoldos et à Laczkovics. Les bonbons acidulés étaient tous mangés. Ils chantaient le Prince Bob. Nous roulions à travers un paysage de ténèbres, pour entrer dans un univers qui s'élargissait. Biatorbagy, Budaörs. Au petit jour, nous franchîmes avec fracas des ponts ferroviaires. Puis vint la coupole en verre de la gare, des trams, l'asphalte.

Budapest, 20 décembre 1923. Les trams du petit matin, l'asphalte. Les chambres de chez nous, les poignées en cuivre des portes de chez nous, l'odeur familière des salles de bains, un monde lointain, incroyable, et qui pourtant n'avait rien d'un rêve. Sa réalité palpable, précisément, nous infusait une sensation de bonheur exquis, indicible. Le personnage de rêve, c'était plutôt moi. Nous allions et venions, déguisés, dans l'éblouissement incessant des rues, cinémas, vitrines, appartements, nappes, fourchettes et assiettes. Chaque heure de la journée était pleine d’événements. Dans notre mémoire, ces quinze jours de vacances nous semblèrent une éternité, mais quand nous les vécûmes, dans cette griserie perpétuelle, ils s'écoulèrent comme un instant, sans nous laisser le temps de revenir à la raison.

Tout recommença depuis le début, et pire qu'avant. Schulze s'employait à renforcer la discipline. Pourtant, sur les eaux ternes des semaines, des mois et des années, nous voguâmes toujours vers un îlot de vacances. De vacances en vacances. Dans cette grisaille houleuse, dans cet océan sans rivage, il n'y eut pendant longtemps pas d'autre vraie lumière que celle de ces phares : les vacances de Pâques, les grandes vacances et les vacances de Noël. Pour nous, les vacances ne représentaient pas une abstraction, la Liberté avec un L majuscule, elles étaient le mot dans son sens véritable, c'est-à-dire avant tout une abondante possibilité de choix, la raréfaction extraordinaire des servitudes, interdits et contraintes. Mais, même si nous y croyions comme l'adepte de la migration des âmes croit en la métempsycose, ces petites lumières se perdaient dans l'immensité de la mer, et nous savions que, jusqu'à la fin de notre séjour terrestre, notre vie de tous les jours serait la réalité. Il eût été difficile de prendre au sérieux la vie des civils.
Commenter  J’apprécie          00
Medve avait le bras gauche en écharpe, et, rien que pour cette raison, il ne pouvait s'en protéger ; de plus, il se trouve qu'il ne reçut pas de gifles. Bien qu'il ait fait appel, sur de nombreux points, à des épisodes réels pour reconstituer la scène, la vérité est presque exactement à l'opposé.

Je ne veux pas discuter avec lui la question de savoir qui de nous deux était le plus lâche - je pourrais cependant affirmer, la conscience tranquille, que par rapport à moi, et aussi par rapport aux autres, c'était un garçon follement courageux, un téméraire, même - mais le fait est qu'au début il montra un caractère beaucoup plus incompréhensible, bizarre, et même plus antipathique que le M... qu'il décrit.
Commenter  J’apprécie          00

autres livres classés : littérature hongroiseVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (4) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3188 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}