L'odeur du soleil dans l'herbe

Les habitants de Tincave ont été dispersés. Plus personne n'a de vaches au Pré d'En-bas ni au Pré d'En-haut. Aucun petit garçon ne garde les chèvres au Dzalet (Chosalet). Ni mulets, ni foins à faire, ni pommes de terre à biner. Seuls quelques vieux savent encore le patois. La civilisation rabote. La bagnole et la télé assassinent la mémoire des clairières et des villages.
Le plan des Danses, où l'on allumait le feu de la Saint-Jean ; les Couédraz, où je menais mes biques dans des splendeurs de fougères et de lis orangés ; les asphodèles de la Raponière ; l'ombre du Malin sur le chemin des Côtes : émotions, amours, drames, légendes... Cette géographie humaine ne sera bientôt plus que broussailles anonymes sur une carte d'état-major. La mort nominale précède la mort physique de la terre.

Un éclair vermillon vif, le charbon d'un oeil qui me regarde ------- toute l'ironie de la biosphère.
Le rouge -gorge a sauté dans le soleil, sur le citronnier du jardin, divinité instantanée de la terre et de l'air.

6 septembre,
Demain, la chasse est ouverte : les gros cons fusilleront mon cœur.