Nous sommes en 1976. Un jeune étudiant français décide de partir à Vienne, pour poursuivre ses études tout en travaillant. Ce voyage va changer sa vie. Il se sent tout d'un coup exister vraiment, avoir trouvé le lieu qui lui correspond, et n'a plus qu'un seul désir : celui de devenir un véritable Viennois, et d'être accepté comme tel par les gens qu'il rencontre.
Les premiers sont la famille Rollett, dont la matriarche, Fanny l'héberge contre une petite rémunération et des cours de français. Armin, l'un de ses fils, diplomate de carrière, qu'il mène en élégant dilettante, devient son premier modèle. Notre jeune héros fait tout ce qu'il faut pour être intégré à la société viennoise, se trouve une fiancée, qu'il courtise avec application, avec laquelle il parcourt toutes les étapes obligées qui mènent au mariage, dans le respect de toutes les traditions. Il ne vit pas ces dernières comme des contraintes, mais comme une sorte de parcours initiatique, qui lui permettra de devenir une personne à part entière. Il découvre et adhère à toutes les pratiques culturelles traditionnelles, avec une sorte de naïf enthousiasme, le couronnement étant une participation à un authentique bal viennois, qu'il ambitionne d'ouvrir, en dansant
le quadrille français du titre avec sa fiancée Elisabeth.
Mais parmi les personnes qu'il rencontre figurent Ossian et Esther
Stern, et malgré ses fiançailles, il ne peut s'empêcher d'être fasciné, voire amoureux de cette dernière. Qui malgré ses allures de belle dame viennoise a un passé lourd, très loin des mièvres films à l'eau de rose que notre héros suit avec Elisabeth.
Le roman est incontestablement drôle, très drôle même par moments, un comique un peu absurde et décalé, comme celui des
Marx Brothers, qu'Esther fait découvrir à notre jeune Français. Et bien moins léger qu'il n'y paraît à première vue. Ce jeune homme inconsistant qui semble vouloir se couler dans la culture autrichienne traditionnelle dans ce qu'elle a de plus éculé est en même temps attiré par Esther, juive déportée, qui agrège en sa personne tous les excès et horreurs auxquels peut mener un suivisme qui ne questionne aucune tradition, n'y voyant que charme et surtout un tuteur qui aide à exister. Notre jeune héros en vient à coller des affiches d'extrême droite, pour rendre service à son maître de ballet, le si sympathique Otto Faraboeuf, sans questionner, dans une forme d'innocence délétère.
Le roman est construit sur une forme de dualité qu'Elisabeth et Esther personnifient. Malgré les conventions de rigueur, la jeune fille a un côté inquiétant, comme l'étrange maison penchée de ses parents ou comme la poupée Olympia des Contes d'Hoffmann, et la famille
Stern est une éventualité de fuite, de lucidité (Ossian est psychanalyste, capable de donner des clés de lecture de soi). Cette dualité est présente jusque dans la fin indécise, entre deux possibles, le rêve qui devient réalité ou le cauchemar où tout est gâché à la fin par un mécanisme qui échappe à la volonté du personnage. Mais peut-être que c'est atteindre le rêve qui serait le pire des cauchemars et que l'inconscient permet, par un acte manqué, de le fuir.