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EAN : 9791039900416
Syllepse (05/05/2022)
3/5   1 notes
Résumé :
“Rêve générale” met en avant la dimension individuelle et collective de l’émancipation. La réflexion s’organise autour de deux thèmes principaux :

1- « Ceux d’en bas et l’émancipation », qui vise à redonner tout son sens à l’émancipation individuelle et collective telle qu’elle se joue dans les luttes et les résistances dans le monde : diversité des acteurs, des lieux, des enjeux, en évitant toute catégorisation et hiérarchisat... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Libérer l'avenir de ce qui aujourd'hui le défigure

« il y a une urgence de pensée qui doit se nourrir des résistances, infiniment diverses, qui aujourd'hui à travers le monde invitent à ne pas désespérer, à ne pas se résigner, à « libérer l'avenir de ce qui aujourd'hui le défigure » (Walter Benjamin) ». Dans son introduction, introduction-de-denis-paillard-a-son-livre-reve-generale/ publiée avec l'aimable autorisation des Editions Syllepse, Denis Paillard présente le livre, « construit comme un dialogue sur l'émancipation, son actualité, ses combats, un dialogue essentiel avec d'autres textes, d'autres auteurs, d'autres voix », aborde la crise multiforme qui nous frappe, de défis à relever, « maintenir, créer, multiplier les espaces collectifs de résistance et de solidarité », des soulèvements qui « rematérialisent l'humanité », René Char et Jean-Marie Vincent, « Il faut renoncer à dire le monde et ce qu'il doit être, pour le questionner en deçà et au-delà de ce pour quoi il se donne. Il ne sera plus question alors de devenir monde mais de devenir au monde »…

Rêve générale. L'auteur discute d'espace collectif-individuel, « un collectif naît de gestes individuels qui n'ont de sens que par le collectif qu'ils convoquent », de ce qui excède l'événement où il est affiché, de politique de la singularité. Il résume les trois parties du livre et souligne, entre autres, quelques thèmes : la socialisation individuante, l'être et l'agir en commun, le lien entre transformation sociale et auto-transformation des individus, la présupposition d'égalité, le mouvement réel qui abolit l'état des choses existant, l'espace des luttes « comme espace autonome avec sa visibilité propre, en rupture avec l'objectivité sociale »…

Il s'agit donc d'émancipation comme nécessité et possibilité « inscrites » dans les contradictions de la société. Dans un premier temps, l'auteur aborde les invisibles de la politique (celles et ceux qui ne peuvent se reconnaître dans la politique réduite à ses représentations institutionnelles), les rapports de classe (contre les réductions classificatoires), les subjectivités et leurs effets « dans l'ordre des rapports sociaux effectifs », les capacités des individu·es « par delà les déterminismes qui font que les individus sont formatés par des facteurs extérieurs », une certaine « tradition » marxiste et sa focalisation sur le parti d'avant-garde, les travaux de E. P. Thompson et « ceux d'en bas », le peuple comme construction sociale et historique, le mouvement des Gilets jaunes de 2018, le dépassement de la « distinction social/politique », les refus en actes « d'une vie mutilée, d'une dépossession généralisée »…

Denis Paillard poursuit avec la critique de l'« autonomie de la politique » et des mouvements sociaux comme totalité indifférenciée, l'oubli des luttes hors de l'europe, la sous-estimation des résistances et des luttes dans les perspectives de révolution, les hiérarchisations. « Toute lutte est une tension entre le « contre » (l'affrontement) et le « pour » (l'enjeu de la lutte, ce qui est visé en positif ». Il illustre ses propos d'exemples internationaux. Il insiste à juste titre sur la diversité et la singularité des mouvements sociaux et « aussi les défis de pensée et d'analyse qu'ils posent », les ruptures et la création d'espaces partagés, les nouvelles relations actualisant et préfigurant « un autre monde »…

Dans le chapitre suivant, l'auteur discutent plus particulièrement de deux livres, Marx and singularity et Marx and the common de Luca Basso, de « la réalisation individuelle pleine et entière », des lectures mécaniques faisant découler les luttes « pour abolir l'état des choses existant » de la critique de l'économie politique, de la notion de singularité, « Pour Marx, la notion d'individu (réels/singuliers) ne renvoie pas à une identité fixée, prédéfinie », des rapports qui existent entre individus, d'individuation, de la subsomption des personnes, du « pouvoir social anonyme du Capital », de la notion (et de l'historicité) de lutte de classes, des individu·es singulier·es en tant qu'acteurs et actrices, de la singularité des circonstances, d'« être et agir en commun »… (

J'ai particulièrement apprécié le chapitre : Jean-Marie Vincent : « Un autre Marx », le formatage des individus, « une socialisation dissociante », la critique du mouvement ouvrier, la lutte pour l'émancipation : « Transformer le monde ou transformer l'action ? ». Sur ces sujets, je rappelle ma propre lecture : https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2020/07/10/intervenir-dans-le-champ-de-contradictions-refoulees-pour-les-faire-apparaitre/.

« a) la présupposition d'égalité au sens où l'émancipation est affaire de n'importe qui ; b) la nécessité de dissocier domination et émancipation ; c) la remise en cause de la distinction moyens/fins : pour Jacques Rancière l'émancipation est sa propre fin ; d) la critiques des émancipateurs : « on n'émancipe pas une société » ». Denis Paillard aborde donc Jacques Rancière, la pratique de l'égalité, l'égalité formelle au service de l'inégalité, la construction d'un monde d'égales et d'égaux à travers des actes en commun, la capacité commune à agir, la « police » et le dissensus, « l'émancipation ne peut être qu'en rupture avec la politique officielle et son calendrier », les sans-part, la contestation de l'existence même des tracés de la société, la résistance collective, la Grèce, le Rwanda, « L'enjeu est de refonder un présent qui leur permet d'affronter leur passé de victimes et ne plus s'enfermer dans le trauma », les migrantes et les migrants, la subjectivation, l'urgence du présent, « Si ce n'est pas maintenant, quand alors ? » (Walter Benjamin).

L'auteur approfondit sur l'émancipation individuelle et collective, la rupture avec l'ordre de la « police », les devenir-sujets dans les relations aux autres, les potentiels d'auto-transformation, les expériences spacio-temporelles, les espaces partagés et ouverts, le « pour » et le « contre », l'espace politique non réductible à l'espace électoral, « L'enjeu est de penser l'émancipation dans son actualité « ici-maintenant », dans la « vérité effective de la chose » ».
En complément possible :
Bernard Lahire : Dans les plis singuliers du social; Individus, institutions, socialisations, https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2013/05/29/quest-ce-quun-e-individu-e-sinon-une-production-de-part-en-part-sociale/

Le septième chapitre est consacré à la construction de l'espace des résistances et des luttes. Urgence et actualité. L'auteur parle, entre autres, du réchauffement climatique et du capitalocène, de la nature comme construction historique (et non comme une notion abstraite transhistorique), de langage, « pour résoudre un problème on ne peut utiliser les mêmes termes que ceux utilisés pour formuler le problème en question », du livre Class struggle and resistance in Africa, des mégapoles et des « bidonvilles », du droit universel de migrer (et de l'Etat d'exception construit en Europe), des migrantes et migrants comme sujet·tes politiques, du pour, « le droit de tout être humain de migrer et le droit de tout être humain à une vie digne d'être vécue, pour exprimer le « contre » : dénoncer, affronter les frontières sans limites et refuser l'encampement », de quatre domaines de lutte (syndicalisme, féminisme, antiracisme, écologie), d'exploitation et de mise au travail généralisée, d'autonomie et d'intersectionnalité, d'intrication des dominé·es, de décloisonnement des luttes, de tensions entre le « contre » et le « pour », de l'espace des luttes comme espace autonome, de la production du vivre (formule que je préfère à celle de production et de reproduction), de l'antagonisme irréductible capital/humanité, d'humanité commune, « Lutter c'est à la fois affirmer et dépasser son identité première », de la scène politique comme espace-temps partagé, d'ouverture vers de multiples expériences « non définies a priori », de litige, d'excès, « l'émancipation désigne un excès en rupture avec l'objectivité sociale »…

Des luttes et des ruptures – subjectivation, espace-temps de l'agir en commun, litige -, des grandes configurations pour une très grande diversité de lutte – configuration 1 : se réapproprier un espace public ; configuration 2 : créer un espace comme espace de résistance ; configuration 3 : défendre/maintenir/restaurer un espace d'identité collective menacé ou perdu ; configuration 4 : la frontière comme scène politique. L'enjeu est d'inscrire dans le ici-maintenant la problématique de l'émancipation. L'auteur rappelle qu'il n'y a pas d'émancipateurs mais bien des « auto-émancipation ».

Il poursuit sur les constellations, le monde des mondes, la mondialité, l'archipélisation, la créolisation, les réseaux de solidarité agissante, la mondialisation du Capital et les nécessaires affrontements au monde du Capital…

Dans quelques remarques finales, l'auteur souligne que « l'émancipation reste un défi de pensée, une urgence aussi face à la barbarie du Capital », l'ouverture nécessaire au Sud, la place aux invisibles de la politiques – les migrant·es et toustes les exclu·es du système, la visibilité propre de chaque lutte, « une dimension qui fait sens au-delà de sa survenue », l'humanité entière…

Bien oubliée par certain·es dans leurs critiques des systèmes de domination et d'exploitation, l'émancipation – l'auto-émancipation – est au centre des réflexions de Denis Paillard.
Si certains points de son livre me paraissent discutables, j'en partage l'accent mis sur l'émancipation. Il convient de rendre plus visible chaque lutte, en particulier au niveau international, de soutenir les communautés et les populations qui résistent et se révoltent contre l'ordre du monde, de remettre au centre les débats sur l'être et agir en commun.


Lien : https://entreleslignesentrel..
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il y a une urgence de pensée qui doit se nourrir des résistances, infiniment diverses, qui aujourd’hui à travers le monde invitent à ne pas désespérer, à ne pas se résigner, à « libérer l’avenir de ce qui aujourd’hui le défigure
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a) la présupposition d’égalité au sens où l’émancipation est affaire de n’importe qui ; b) la nécessité de dissocier domination et émancipation ; c) la remise en cause de la distinction moyens/fins : pour Jacques Rancière l’émancipation est sa propre fin ; d) la critiques des émancipateurs : « on n’émancipe pas une société »
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Il faut renoncer à dire le monde et ce qu’il doit être, pour le questionner en deçà et au-delà de ce pour quoi il se donne. Il ne sera plus question alors de devenir monde mais de devenir au monde
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l’émancipation reste un défi de pensée, une urgence aussi face à la barbarie du Capital
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Toute lutte est une tension entre le « contre » (l’affrontement) et le « pour » (l’enjeu de la lutte, ce qui est visé en positif
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