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EAN : 9782204102872
120 pages
Le Cerf (18/06/2015)
4.07/5   76 notes
Résumé :
« J'adresse une invitation urgente à un nouveau dialogue sur la façon dont nous construisons l'avenir de la planète. Nous avons besoin d'une conversion qui nous unisse tous, parce que le défi environnemental que nous vivons, et ses racines humaines, nous concernent et nous touchent tous. »

« J'espère que cette Lettre encyclique, qui s'ajoute au Magistère social de l'Église, nous aidera à reconnaître la grandeur, l'urgence et la beauté du défi qui se p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (26) Voir plus Ajouter une critique
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sur 76 notes
Parce qu'il n'est sous la coupe ni de la politique ni de l'économie de finance, François peut dire les choses sans complaisance et dans un esprit d'analyse aiguisé, et étayé non seulement par les travaux des cardinaux mais par sa propre connaissance du sujet.

Le sujet, quel est-il ? L'environnement et sa dégradation spectaculaire sous les actions cumulées des hommes qui ont fait de l'argent leur idole, se détournant du sens profond d'une vie humaine qu'insufflent les religions, à commencer par le christianisme.

La quête vers toujours plus de profit entraîne la détérioration, dramatique dans certaines zones terrestres ou aquatiques, de l'environnement ; dégâts souvent irréversibles entraînant à leur tour, dans une réaction en chaîne implacable dont tout un chacun peut se rendre compte à son niveau ou par les médias, des problèmes sociaux et des misères humaines toujours plus grandes ; aussi grandes que sont l'indifférence et l'aveuglement d'un grand nombre des habitants de notre planète, et particulièrement de ceux ayant la chance de vivre au nord du globe.

La misère et le désespoir, le pape François les a plus que jamais côtoyés lorsqu'il était archevêque de Buenos Aires ; et depuis qu'il dirige l'Eglise catholique, il oriente son pontificat vers la charité et la miséricorde, vers le respect que l'homme se doit à lui-même, aux autres et "à la demeure commune". Sa parole est puissante et bienfaisante ; c'est ce qu'il faut face à un thème aussi dramatique qui nécessite du courage, à commencer par celui de voir la réalité en face.

J'invite celles et ceux qui pourraient s'étonner de voir un pape "se mêler" de la question environnementale à se renseigner sur les actions d'aide et de secours de l'Eglise à travers le monde, et notamment dans les pays défavorisés ; ils comprendront combien la préservation des environnements de vie qui ont pour but de nourrir, d'abriter, d'employer et de réjouir les hommes, est au coeur de la mission chrétienne et des réalités de terrain.

Cette encyclique est une très juste analyse de la situation, franche et directe, très bien construite et argumentée. Elle est accessible à tous car François s'exprime de façon simple et pratique. Comme toutes les encycliques, c'est un appel destiné à résonner dans le coeur des hommes bons, de ceux qui, au-delà même d'une appartenance à telle ou telle spiritualité, se révoltent contre les abus au nom du profit et contre les inégalités engendrées par une économie mondialisée qui encourage l'esclavage et foule aux pieds l'écologie la plus élémentaire.


Challenge Globe-trotter
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Pour des raisons professionnelles, je suis amené actuellement à me pencher sur la doctrine écologique de l'Église catholique. J'ai ainsi appris que cette problématique a fait l'objet d'une Lettre apostolique dès 1971 (par le pape Paul VI, « Octogesima adveniens »), soit avant la première crise pétrolière et même précédemment au célèbre Rapport Meadows – Les Limites de la croissance (1972) du Club de Rome. En outre, j'ai découvert que Jean-Paul II, dans son encyclique Centesimus annus (1991), avait déjà exprimé des positions fort radicales en termes de ce que l'on pourrait qualifier d'altermondialisme, en proclamant que l'amélioration de la situation environnementale du monde supposait de profonds changements dans « les styles de vie, les modes de production et de consommation, les structures de pouvoir établies qui régissent aujourd'hui les sociétés. » (cit. pp. 9-10). Cette encyclique du pape François, très fortement animée par l'esprit mystique unitaire franciscain dont son titre s'inspire (puisqu'elle reproduit l'incipit du Cantique des créatures, 1224, l'un des premiers textes de la littérature italienne), entend s'adresser également aux croyants (chrétiens ainsi que d'autres religions) et aux incroyants, et elle alterne donc des chapitres plus factuels et analytiques – sur l'état des lieux de la crise écologique, sur l'interdépendance entre celle-ci et la crise économique, financière, technocratique et sociale, et enfin sur les préconisations du pontife – qui peuvent être acceptés sans avoir recours à la foi, à des chapitres d'interprétation qui se fondent sur le credo chrétien et se rattachent parfois à d'autres points de doctrine typiquement défendus par l'Église dont le discours de l'écologie laïque peut s'éloigner même considérablement (par ex. l'interdiction de l'avortement). le ton général est néanmoins celui d'une critique plutôt poussée contre le capitalisme des deux derniers siècles, et particulièrement contre le « paradigme technocratique », contre « l'anthropocentrisme moderne » et contre les inégalités individuelles et planétaires. du point de vue strictement écologique, mon attention a été attirée notamment par deux notions : celle d'« écologie intégrale » (cf. cit. 5), qui pose l'interdépendance et l'interdisciplinarité des causes des crises globales, et celle de « dette écologique » (cf. cit. 3) qui, si elle commençait à se frayer un chemin dans le droit international coutumier, en particulier au sein des Sommets et autres Conférences internationales des Nations Unies sur le développement qui se succèdent, généralement avec des succès très limités, depuis celle de Rio de Janeiro de 1992, serait sans doute en mesure de changer la donne des responsabilités environnementales respectives entre pays anciennement et récemment pollueurs, et constituerait en outre un prolongement assez logique du principe « pollueur-payeur » instauré (lui aussi avec peu d'efficacité concrète jusqu'à présent) précisément à Rio il y a trente ans...
En somme, en sus de la sympathie humaine que le pape François inspire largement, il est agréablement surprenant de vérifier dans cette encyclique à la fois l'oecuménisme de sa démarche, la radicalité de sa posture (surtout relative à nos propres débats nationaux !), et la modernité qu'il sait insuffler à la pensée mystique franciscaine d'il y a huit siècles. de cette dernière, il s'avère parfaitement conscient lorsqu'il se cite :
« […] les textes religieux classiques peuvent offrir une signification pour toutes les époques, et ont une force de motivation qui ouvre toujours de nouveaux horizons. […] Est-il raisonnable et intelligent de les reléguer dans l'obscurité, seulement du fait qu'ils proviennent d'un contexte de croyance religieuse ? » (ex : Evangelii gaudium, 2013, cit. p. 151).



Table :

Introduction

Premier Chapitre : Ce qui se passe dans notre maison :
I. Pollution et changement climatique
II. La question de l'eau
III. La perte de biodiversité
IV. Détérioration de la qualité de la vie humaine et dégradation sociale
V. Inégalité planétaire
VI. La faiblesse des réactions
VII. Diversité d'opinions

Deuxième Chapitre : L'évangile de la création :
I. La lumière qu'offre la foi
II. La sagesse des récits bibliques
III. le mystère de l'univers
IV. le message de chaque créature dans l'harmonie de toute la Création
V. Une communion universelle
VI. La destination commune des biens
VII. le regard de Jésus

Troisième Chapitre : La racine humaine de la crise écologique :
I. La technologie : créativité et pouvoir
II. La globalisation du paradigme technocratique
III. Crise et conséquences de l'anthropocentrisme moderne

Quatrième Chapitre : Une écologie intégrale :
I. L'écologie environnementale, économique et sociale
II. L'écologie culturelle
III. L'écologie de la vie quotidienne
IV. le principe du bien commun
V. La justice entre générations

Cinquième Chapitre : Quelques lignes d'orientation et d'action :
I. le dialogue sur l'environnement dans la politique internationale
II. le dialogue en vue de nouvelles politiques nationales et locales
III. Dialogue et transparence dans les processus de prise de décisions
IV. Politique et économie en dialogue pour la plénitude humaine
V. Les religions dans le dialogue avec les sciences

Sixième Chapitre : Éducation et spiritualité écologiques :
I. Miser sur un autre style de vie
II. Éducation pour l'alliance entre l'humanité et l'environnement
III. La conversion écologique
IV. Joie et paix
V. Amour civil et politique
VI. Les signes sacramentaux et le repos pour célébrer
VII. La Trinité et la relation entre les créatures
VIII. La Reine de toute la Création
IX. Au-delà du soleil.



Cit. :


1. « […] certains axes qui traversent toute l'Encyclique […] : l'intime relation entre les pauvres et la fragilité de la planète ; la conviction que tout est lié dans le monde ; la critique du nouveau paradigme et des formes de pouvoir qui dérivent de la technologie ; l'invitation à chercher d'autres façons de comprendre l'économie et le progrès ; la valeur propre à chaque créature ; le sens humain de l'écologie ; la nécessité de débats sincères et honnêtes ; la grave responsabilité de la politique internationale et locale ; la culture du déchet et la proposition d'un nouveau style de vie. » (pp. 18-19)

2. « L'environnement humain et l'environnement naturel se dégradent ensemble, et nous ne pourrons pas affronter adéquatement la dégradation de l'environnement si nous ne prêtons pas attention aux causes qui sont en rapport avec la dégradation humaine et sociale.
[…]
Je voudrais faire remarquer que souvent on n'a pas une conscience claire des problèmes qui affectent particulièrement les exclus. Ils sont la majeure partie de la planète, des milliards de personnes. Aujourd'hui, ils sont présents dans les débats politiques et économiques internationaux, mais il semble souvent que leurs problèmes se posent comme un appendice, comme une question qui s'ajoute presque par obligation ou de manière marginale, quand on ne les considère pas comme un pur dommage collatéral. de fait, au moment de l'action concrète, ils sont relégués fréquemment à la dernière place. » (pp. 40-41)

3. « La dette extérieure des pays pauvres s'est transformée en un instrument de contrôle, mais il n'en est pas de même avec la dette écologique. de diverses manières, les peuples en développement, où se trouvent les plus importantes réserves de la biosphère, continuent d'alimenter le développement des pays les plus riches au prix de leur présent et de leur avenir. La terre des pauvres du Sud est riche et peu polluée, mais l'accès à la propriété des biens et aux ressources pour satisfaire les besoins vitaux leur est interdit par un système de relations commerciales et de propriété structurellement pervers. » (pp. 44-45)

4. « Le paradigme technocratique tend aussi à exercer son emprise sur l'économie et la politique. L'économie assume tout le développement technologique en fonction du profit, sas prêter attention à d'éventuelles conséquences négatives pour l'être humain. Les finances étouffent l'économie réelle. Les leçons de la crise financière mondiale n'ont pas été retenues, et on prend en compte les leçons de la détérioration de l'environnement avec beaucoup de lenteur. Dans certains cercles on soutient que l'économie actuelle et le technologie résoudront tous les problèmes environnementaux. de même on affirme, en langage peu académique, que les problèmes de la faim et de la misère dans le monde auront une solution simplement grâce à la croissance du marché.
[…]
[Pourtant] la culture écologique ne peut pas se réduire à une série de réponses urgentes et partielles aux problèmes qui sont en train d'apparaître par rapport à la dégradation de l'environnement, à l'épuisement des réserves naturelles et à la pollution. Elle devrait être un regard différent, une pensée, une politique, un programme éducatif, un style de vie et une spiritualité qui constitueraient une résistance face à l'avancée du paradigme technocratique. » (pp. 87, 89)

5. [Définition de « l'écologie intégrale »] : « Aujourd'hui l'analyse des problèmes environnementaux est inséparable de l'analyse des contextes humains, familiaux, de travail, urbains, et de la relation de chaque personne avec elle-même qui génère une façon déterminée d'entrer en rapport avec les autres et avec l'environnement. Il y a une interaction entre les écosystèmes et entre les divers mondes de référence sociale, et ainsi, une fois de plus, il s'avère que "le tout est supérieur à la partie". » (p. 112)
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 Voici un ouvrage surprenant et explosif, éminemment politique et sans compromis. Une exhortation à agir et vite !

   La lettre encyclique de 2015 Laudato Si' dresse un état des lieux réaliste de notre situation environnementale et sociétale, sujets intimement liés. "Il n'y a pas deux crises séparées, l'une environnementale et l'autre sociétale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale. Les possibilités de solution requièrent une approche intégrale pour combattre la pauvreté, pour rendre la dignité aux exclus et simultanément pour préserver la nature".

   L'humanité est arrivée ou a certainement dépassé le point de non retour.  Le Pape François nous engage donc tous - croyants et non-croyants - non seulement à prendre soin de notre planète individuellement mais encore à nous unir pour mettre en place des actions citoyennes collectivement. le Pape est extrêmement impliqué dans la sauvegarde de la maison commune et ce n'est certainement pas un hasard s'il a choisi de se prénommer François comme le Saint homonyme.

   Le Pape François exhorte ainsi les pouvoirs en place à faire preuve de courage et de détermination, à oublier les considérations court termistes électoralistes et à leur préférer des solutions véritablement durables pour les peuples et la nature. "Le drame de l'"immédiateté" politique soutenue aussi par des populations consuméristes, conduit à la nécessité de produire de la croissance à court terme. Répondant à des intérêts électoraux, les gouvernements ne prennent pas facilement le risque de mécontenter la population avec des mesures qui peuvent affecter le niveau de consommation ou mettre en péril des investissements étrangers. La myopie de la logique du pouvoir ralentit l'intégration de l'agenda environnemental aux vues larges, dans l'agenda public des gouvernements. On oublie ainsi [...] que nous sommes toujours plus féconds quand nous nous préoccupons plus d'élaborer des processus que de nous emparer des espaces de pouvoir. La grandeur politique se révèle quand, dans les moments difficiles, on oeuvre pour les grands principes et en pensant au bien commun à long terme. [...] Etant donné que le droit se montre parfois insuffisant en raison de la corruption, il faut que la décision politique soit incitée par la pression de la population. La société, à travers des organismes non gouvernementaux et des associations intermédiaires, doit obliger les gouvernements à développer des normes, des procédures et des contrôles plus rigoureux. Si les citoyens ne contrôlent pas le pouvoir politique - national, régional et municipal - un contrôle des dommages sur l'environnement n'est pas possible non plus. [...] sans la pression de la population et des institutions, il y aura toujours de la résistance à intervenir, plus encore quand il y aura des urgences à affronter. Qu'un homme politique assume ces responsabilités avec les coûts que cela implique, ne répond pas à la logique d'efficacité et d'immédiateté de l'économie ni à celle de la politique actuelle ; mais s'il ose le faire, cela le conduira à reconnaître la dignité que Dieu lui a donnée comme homme, et il laissera dans l'histoire un témoignage de généreuse responsabilité. Il faut accorder une place prépondérante à une saine politique, capable de réformer les institutions, de les coordonner et de les doter de meilleures pratiques qui permettent de vaincre les pressions et les inerties vicieuses. Cependant, il faut ajouter que les meilleurs mécanismes finissent par succomber quand manquent les grandes finalités, les valeurs, une compréhension humaniste et riche de sens, qui donnent à chaque société une orientation riche et généreuse."

   Ce livre est à lire et à relire. Je pourrais le résumer, mais je préfère vous laisser la chance de le découvrir. Pour ceux qui n'en n'aurons pas tout de suite l'occasion voici quelques extraits, nombreux et ils auraient pû l'être plus encore tant est dense l'encyclique Laudato Si'. 

    "La Charte de la Terre nous invitait tous à tourner le dos à une étape d'autodestruction et à prendre un nouveau départ, mais nous n'avons pas encore développé une conscience universelle qui le rende possible. Voilà pourquoi j'ose proposer de nouveau ce beau défi "[...] Faisons en sorte que notre époque soit reconnue dans l'histoire comme celle de l'éveil d'une nouvelle forme d'hommage à la vie, d'une ferme résolution d'atteindre la durabilité, de l'accélération de la lutte pour la justice et la paix et de l'heureuse célébration de la vie."

   "Si nous nous approchons de la nature et de l'environnement sans cette ouverture à l'étonnement et à l'émerveillement,  si nous ne parlons plus le langage de la fraternité et de la beauté dans notre relation avec le monde, nos attitudes seront celles du dominateur, du consommateur ou du pur exploiteur de ressources, incapable de fixer des limites à ses intérêts immédiats. En revanche, si nous nous sentons intimement unis à tout ce qui existe, la sobriété et le souci de protection jailliront spontanément."

   "Il devient indispensable de créer un système normatif qui implique des limites infranchissables et assure la protection des écosystèmes, avant que les nouvelles forme de pouvoir dérivées du paradigme technico-économique ne finissent par raser non seulement la politique mais aussi la liberté et la justice.  La faiblesse de la réaction internationale est frappante. La soumission de la politique à la technologie et aux finances se révèlent dans l'échec des Sommets mondiaux sur l'environnement. Il y a trop d'intérêts particuliers, et très facilement l'intérêt économique arrive à prévaloir sur le bien commun et à manipuler l'information pour ne pas voir affectés ses projets. [...] Pendant ce temps, les pouvoirs économiques continuent de justifier le système mondial actuel, où priment une spéculation et une recherche du revenu financier qui tendent à ignorer tout contexte, de même que les effets sur la dignité humaine et sur l'environnement. [...] Beaucoup diront qu'ils n'ont pas conscience de réaliser des actions immorales parce que la distraction constante nous ôte le courage de nous rendre compte de la réalité d'un monde limité et fini. Voilà pourquoi aujourd'hui "tout ce qui est fragile, comme l'environnement, reste sans défense par rapport aux intérêts du marché divinisés, transformés en règle absolue.""

   "aujourd'hui nous ne pouvons pas nous empêcher de reconnaître qu'une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l'environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres. [...] nous savons que l'on gaspille approximativement un tiers des aliments qui sont produits, et "que lorsqu'on jette de la nourriture, c'est comme si l'on volait la nourriture à la table du pauvre." "Nous ne nous rendons plus compte que certains croupissent dans une misère dégradante, sans réelle possibilité d'en sortir, alors que d'autres ne savent même pas quoi faire de ce qu'ils possèdent, font étalage avec vanité d'une soi-disant supériorité, et laissent derrière eux un niveau de gaspillage qu'il serait impossible de généraliser sans anéantir la planète. Nous continuons à admettre en pratique que les uns se sentent plus humains que les autres, comme s'ils étaient nés avec de plus grands droits."

    "La vision qui consolide l'arbitraire du plus fort a favorisé d'immenses inégalités, injustices et violences pour la plus grande partie de l'humanité, parce que les ressources finissent par appartenir au premier qui arrive, ou qui a le plus de pouvoir : le gagnant emporte tout." [...]"L'homme moderne n'a pas reçu l'éducation nécessaire pour faire un bon usage de son pouvoir", parce que l'immense progrès technologique n'a pas été accompagné d'un développement de l'être humain en responsabilité, en valeurs, en conscience.[...] de fait, la technique a un penchant pour tout englober dans sa logique de fer, et l'homme qui possède la technique "sait que, en dernière analyse, ce qui est en jeu dans la technique, ce n'est ni l'utilité, ni le bien-être, mais la domination, une domination au sens le plus extrême du terme.[...] La capcité de décision, la liberté la plus authentique et l'espace pour une créativité alternative des individus, sont réduits. le paradigme technocratique tend aussi à exercer son emprise sur l'économie et la politique. L'économie assume tout le développement technologique en fonction du profit, sans prêter attention à d'éventuelles conséquences négatives pour l'être humain. Les finances étouffent l'économie réelle. Les leçons de la crise financière n'ont pas été retenues, et on prend en compte les leçons de la détérioration de l'environnement avec beaucoup de lenteur. "

   "Les jeunes ont une nouvelle sensibilité écologique et un esprit généreux, et certains d'entre eux luttent admirablement pour la défense de l'environnement ; mais ils ont grandi dans un contexte de très grande consommation et de bien-être qui rend difficile le développement d'autres habitudes. C'est pourquoi nous sommes devant un défi éducatif. L'éducation environnementale a progressivement élargi le champ de ses objectifs. Si au commencement elle été très axée sur l'information scientifique ainsi que sur la sensibilisation et la prévention des risques environnementaux, à présent cette éducation tend à inclure une critique des "mythes" de la modernité (individualisme, progrès indéfini, concurrence, consumérisme, marché sans règles), fondés sur la raison instrumentale." 

   "L'harmonie entre le Créateur, l'humanité et l'ensemble de la création a été détruite par le fait d'avoir prétendu prendre la place de Dieu, en refusant de nous reconnaître comme des créatures limitées. Ce fait a dénaturé aussi la mission  de "soumettre" la terre, de "la cultiver et la garder". Comme résultat, la relation, harmonieuse à l'origine entre l'être humain et la nature, est devenue conflictuelle. [...] Il est important de lire les textes bibliques dans leur contexte, avec une herméneutique adéquate, et de se souvenir qu'ils nous invitent à "cultiver et garder" le jardin du monde. Alors que "cultiver" signifie labourer, défricher ou travailler, "garder" signifie protéger, sauvegarder, préserver, soigner, surveiller. Cela implique une relation de réciprocité responsable entre l'être humain et la nature. [...] Si nous reconnaissons la valeur et la fragilité de la nature, et en même temps les capacités que le Créateur nous a octroyées, cela nous permet d'en finir aujourd'hui avec le mythe moderne du progrès matériel sans limite. Un monde fragile, avec un être humain à qui Dieu en confie le soin, interpelle notre intelligence pour reconnaître comment nous devrions orienter, cultiver et limiter notre pouvoir. [...] La spiritualité chrétienne propose une croissance par la sobriété, et une capacité de jouir avec peu. C'est un retour à la simplicité qui nous permet de nous arrêter pour apprécier ce qui est petit, pour remercier des possibilités que la vie nous offre, sans nous attacher à ce que nous avons ni nous attrister de ce que nous ne possédons pas. Cela suppose d'éviter la dynamique de la domination et de la simple accumulation de plaisirs. [...] Il faut reprendre conscience que nous avons besoin les uns des autres, que nous avons une responsabilité vis-à-vis des autres et du monde, que cela vaut la peine d'être bon et honnête. Depuis trop longtemps déjà, nous sommes dans la dégradation morale, en nous moquant que l'éthique, de la bonté, de la foi, de l'honnêteté. L'heure est arrivée de réaliser que cette joyeuse superficialité nous a peu servi. cette destruction de tout fondement de la vie sociale finit par nous opposer les uns aux autres, chacun cherchant à préserver ses propres intérêts ; elle provoque l'émergence de nouvelles formes de violence et de cruauté, en empêche le développement d'une vraie culture de protection de l'environnement." 
Lien : http://partageonsnoslectures..
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Publiée en mai 2015, l'encyclique Laudato si a la particularité d'être la première à avoir été écrite en italien et non d'abord en latin. C'est dire le souhait du Pape François de rejoindre le plus grand nombre de personnes, bien au-delà des croyants.
Réflexion brûlante d'actualité sur la notion de bien commun, mais aussi la responsabilité des riches vis à vis des pauvres, la justice, la dette, le développement durable, Laudato si est un vibrant plaidoyer pour la sauvegarde de la maison commune qu'est notre terre. L'homme y est placé au centre, l'écologie véritable ne pouvant être réfléchie sans attention permanente à la dignité de chaque personne sur terre.

"Lautato si" fait référence au poème de Saint François d'Assise dans lequel la terre est appelée notre soeur et notre mère.

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La lettre encyclique s'adressant au monde aussi bien qu'au croyants, sa lecture et sa critique sont intéressantes dans la perspective des négociations du climat fin décembre 2015.

A ce moment, on pourra se rendre compte de l'influence gardée par le Pape sur les décideurs politiques et sur la société en général, grâce aux positions défendues par les négociateurs.

On a dans les mains un ouvrage travaillé, réfléchi, conçu pour provoquer la réflexion d'un très large public, tant par son style simple, que par sa structure et l'étendue des sujets traités.

L'encyclique est divisée en 6 chapitres, les chapîtres impairs s'adressant à tout un chacun, tandis que les chapitres pairs recadrent le propos par rapport à la doctrine de l'Eglise.
Les chapitres sont :
- Pollution et changement climatique
- L'évangile de la création
- La racine humaine de la crise écologique
- L'écologie intégrale
- Quelques lignes d'orientation et d'action
- Eductation et spiritualité écologique.

Le Pape prend soin de documenter son propos. En effet, son discours est très radical, remettant en cause, entre autres, le consumérisme galopant, les pratiques des croyants et de l'église, la spoliation des pauvres, les rapports de domination et la destruction de l'environnement.

Il lui faut donc s'assurer de ne pas apparaître en totale rupture avec son Eglise, ni avec la socité civile. Il cherchera donc dans les parties spirituelles à s'allier les sources tirées de la bible, de ses prédécesseurs, de divers synodes d'évèques en provenance tant des pays riches que des pays pauvres. de la société civile, il cherchera les sources scientifiques étayant le changement climatique.

Il prèche pour une décroissance des pays riches, un juste partage des richesses et des ressources.

Il prêche également pour un abandon de la consommation pour la consommation et le retour à un goût de la contemplation et du beau.

Le ton est souvent dur et sans concession. On y retrouve des accents altermondialistes très marqués. Il condamne sans appel le hold up des richesses au profit de quelques uns sur l'immense majorité ainsi que le discours du libre échange justifiant toutes formes de domination et de violence.

Côté spirituel, il prêche pour un retour à plus de contemplation, plus de quête du beau.

S'adressants aux catholiques, il prêche une nouvelle spiritualité, tellement en rupture qu'il n'hésite pas à parler de re-conversion.

Le non-catholique y retrouve des similitudes avec les movements de solidarité ouvrières et paysannes, de la contemplation boudhiste, ou encore des influences du stoïcisme aurélien.

Son appel à l'humanité dans son ensemble est que, sans sens du bien commun, sans contemplation et recherche du beau, il ne peut y avoir de véritable changement de cap de l'humanité.

Dans l'ensemble, je peux adhérer à cet appel avec la limitation qu'il ne me semble pas indispensable de lier cet appel à une quelquonque spiritualité.

C'est évidemment dans l'espace laissé par cette limitation que se trouve les pommes de discorde laissées par quelques positions qu'il ne peut s'empêcher de prendre sur des thèmes favoris à l'église.



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Citations et extraits (108) Voir plus Ajouter une citation
Quand on pose ces questions, certains réagissent en accusant les autres de prétendre arrêter irrationnellement le progrès et le développement humain. Mais nous devons nous convaincre que ralentir un rythme déterminé de production et de consommation peut donner lieu à d’autres formes de progrès et de développement. Les efforts pour une exploitation durable des ressources naturelles ne sont pas une dépense inutile, mais un investissement qui pourra générer d’autres bénéfices économiques à moyen terme. Si nous ne souffrons pas d’étroitesse de vue, nous pouvons découvrir que la diversification d’une production plus innovante, et ce avec un moindre impact sur l’environnement, peut être très rentable. Il s’agit d’ouvrir le chemin à différentes opportunités qui n’impliquent pas d’arrêter la créativité de l’homme et son rêve de progrès, mais d’orienter cette énergie vers des voies nouvelles.
[...] Il s’agit simplement de redéfinir le progrès. Un développement technologique et économique qui ne laisse pas un monde meilleur et une qualité de vie intégralement supérieure ne peut pas être considéré comme un progrès.
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La culture écologique ne peut pas se réduire à une série de réponses urgentes et partielles aux problèmes qui sont en train d'apparaître par rapport à la dégradation de l'environnement, à l'épuisement des réserves naturelles et à la pollution. Elle devrait être un regard différent, une pensée, une politique, un programme éducatif, un style de vie et une spiritualité qui constitueraient une résistance face à l'avancée du paradigme technocratique. Autrement, même les meilleures initiatives écologiques peuvent finir par s'enfermer dans la même logique globalisée. Chercher seulement un remède technique à chaque problème environnemental qui surgit, c'est isoler des choses qui sont entrelacées dans la réalité, et c'est se cacher les vraies et plus profondes questions du système mondial.
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La politique ne doit pas se soumettre à l’économie et celle-ci ne doit pas se soumettre aux diktats ni au paradigme d’efficacité de la technocratie. Aujourd’hui, en pensant au bien commun, nous avons impérieusement besoin que la politique et l’économie, en dialogue, se mettent résolument au service de la vie, spécialement de la vie humaine. Sauver les banques à tout prix, en en faisant payer le prix à la population, sans la ferme décision de revoir et de réformer le système dans son ensemble, réaffirme une emprise absolue des finances qui n’a pas d’avenir et qui pourra seulement générer de nouvelles crises après une longue, coûteuse et apparente guérison. La crise financière de 2007-2008 était une occasion pour le développement d’une nouvelle économie plus attentive aux principes éthiques, et pour une nouvelle régulation de l’activité financière spéculative et de la richesse fictive. Mais il n’y a pas eu de réaction qui aurait conduit à repenser les critères obsolètes qui continuent à régir le monde. La production n’est pas toujours rationnelle, et souvent elle est liée à des variables économiques qui fixent pour les produits une valeur qui ne correspond pas à leur valeur réelle.
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La situation actuelle du monde "engendre un sentiment de précarité et d'insécurité qui, à son tour, nourrit des formes d'égoïsme collectif". Quand les personnes deviennent autoréférentielles et s'isolent dans leur propre conscience, elles accroissent leur voracité. En effet, plus le cœur de la personne est vide, plus elle a besoin d'objets à acheter, à posséder et à consommer. Dans ce contexte, il ne semble pas possible qu'une personne accepte que la réalité lui fixe des limites. À cet horizon, un vrai bien commun n'existe pas non plus. Si c'est ce genre de sujet qui tend à prédominer dans une société, les normes seront seulement respectées dans la mesure où elles ne contredisent pas des besoins personnels.
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La technologie, liée aux secteurs financiers, qui prétend être l'unique solution aux problèmes, de fait, est ordinairement incapable de voir le mystère des multiples relations qui existent entre les choses, et par conséquent, résout parfois un problème en en créant un autre.
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Videos de Pape François (17) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de  Pape François
Le 27 mars dernier, Le Pape François bénissait un satellite chargé de porter sa Bonne Parole dans les étoiles : Spei Satelles, de son petit nom (Satellites de l'Espoir), décollait depuis la base californienne Vandenberg. le Vatican l'avait confirmé : la machine contiendrait un livre avec la bénédiction urbi et orbi du 27 mars 2020, déclamée en pleine pandémie Covid…  Retrouver l'article https://actualitte.com/article/112116/insolite/le-pape-francois-envoie-un-livre-dans-l-espace-avec-spacex
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