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EAN : 9782259316965
224 pages
Plon (07/09/2023)
3.69/5   31 notes
Résumé :
Belle Kaplan est aussi adulée qu’insaisissable. Ses films sont des succès planétaires, mais elle reste énigmatique et discrète sur sa vie.
Des lettres anonymes lui parviennent, dont l’expéditeur, lui, n’ignore rien de sa sulfureuse trajectoire d’autrefois.
Du présent au passé, de Paris à la Floride en passant par San Francisco, tandis que Belle Kaplan est sur le point de réaliser son plus grand rêve, celui de tourner à Hollywood aux côtés des plus gran... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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Une actrice aux rôles multiples

Le nouveau roman de Gilles Paris s'appuie sur la mythologie hollywoodienne pour dresser le portrait d'une mystérieuse actrice. L'histoire de Belle Kaplan va alors nous entraîner vers le thriller, au fil des révélations sur son passé.

L'actrice la plus adulée est aussi la plus mystérieuse. Il faut dire qu'elle a mis un soin tout particulier à ne rien dévoiler de sa vie, tentant de parfaitement cloisonner vie publique - rares apparitions liées à la profession et à la promotion - et vie privée, jusqu'au choix de ses amants, soumis à des clauses drastiques de confidentialité.
Une stratégie du secret qui met tous les médias en transe, avides de pouvoir dévoiler un soupçon de sa vie, quitte à broder un peu quand ils constatent qu'ils n'ont que de maigres indices.
Il semble bien qu'un auteur de lettres anonymes soit plus au fait de l'histoire de Belle Kaplan que des milliers de journalistes. En lui écrivant "Je sais que tu t'es appelée Grâce, Paradis, Talia et Jade, avant de choisir Belle. Qui crois-tu berner?", il va l'inquiéter. Car elle n'a nulle envie que son passé soit révélé. Quand les soeurs qui l'ont recueillie dans un orphelinat de Montréal l'ont prénommée Grâce. Quand elle n'a dû son salut que grâce à Ben, son "frère jumeau" qui a grandi à ses côtés et avec lequel elle a commis ses premiers larcins. Et dont elle a perdu la trace. Ou pire encore, quand elle était prostituée de luxe et se faisait appeler Paradis.
Alors, elle est devenue Talia, a changé de continent. Jusqu'à ce jour où, au gré de ses rencontres avec des clients fortunés, elle ne croise un producteur. Ayant passé sa vie à changer constamment de rôle et d'identité, elle n'a eu aucun mal à endosser celui qui lui fera crever l'écran.
Alors, elle a engagé un détective privé pour tenter de retrouver Ben. Très vite, elle est alors devenue une star. Et très vite, elle a paradoxalement dû fuir la lumière.
Gilles Paris fait alors basculer l'histoire de l'ascension d'une femme partie de rien vers le thriller à rebondissements multiples. Se servant des codes des grands films noirs, il sème les indices qui vont peu à peu dévoiler le destin de cette femme hors du commun. L'amour contrarié, la soif de vengeance, l'ambition démesurée y sont autant de moteurs que d'obstacles. Les courts chapitres variant les styles et les époques - souvenirs d'enfance, confession épistolaire, rapport d'enquête - entraînent le lecteur dans cette ronde folle et captivante. de Rita Hayworth à Gene Tierney, de Lauren Bacall à Greta Garbo, on sent bien que les grandes actrices des années cinquante ont façonné cette Belle Kaplan. Mais au-delà de l'hommage aux grands films noirs et aux actrices qui les ont portés, les blessures de l'enfance et la solitude forcée apportent à ce roman qui se lit avec beaucoup de plaisir une note plus profonde. Que le ciel bleu d'Ischia aura bien du mal à faire oublier...


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Si Belle Kaplan est une actrice très en vogue, elle n'en demeure pas moins secrète sur le fait que son « premier » prénom (Grace) lui a été attribué à l'orphelinat Sainte Croix des Enfants de Montréal. Celui d'origine est méconnu de tous … Elle sera muette également sur les trois suivants … Elle ne parlera pas – non plus – de son « frère d'infortune » (Ben) ni de sa famille adoptive (les Matuchet) et encore moins de ce qu'elle fit de son adolescence ! Belle aimerait tout oublier, à l'exception du jeune compagnon de son enfance, qu'elle recherche – désespérément – depuis tant d'années …

Cette superbe rousse, adulée dans le monde cinématographique (elle a côtoyé Clint Eastwood, Joaquin Phoenix, Donald Sutherland ou encore Nicole Kidman …) ne semble impressionnée par rien ni personne … Belle ne se lie jamais. N'a aimé qu'un seul homme dans sa vie : un dénommé Pierre …

Un joli roman (construit tel un monologue) où la détresse de cette femme – de prime abord arrogante – est palpable. On devine à tout instant la fêlure en elle, prête à devenir un gouffre … Belle nous confiera (au compte-goutte) les secrets de son douloureux passé. Il faudra être très patient (jusqu'à la toute fin de son récit …) pour savoir comment elle en est arrivée là … Impossible de lâcher ce livre, avant d'avoir enfin réussi à disposer chacune des pièces du puzzle à leur juste place.

L'écriture est authentique, sobre et efficace, dépourvue d'inutiles fioritures. Un peu comme si l'auteur, par solidarité, tentait de dissimuler, tant bien que mal, le lancinant chagrin de son héroïne. Jusqu'à un épilogue dont (je suis navrée !) mais je ne vous dirai strictement RIEN ! … Il y a un « côté Dickens ou Zola » dans cette intrigue ( ou devrais-je plutôt dire dans cette « confession » …) mais il y a surtout du bon Gilles Paris !

Vous avez bien deviné – évidemment – que cette lecture fut pour moi un moment de plaisir renouvelé !
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« Les 7 vies de Mlle Belle Kaplan » est le nouveau roman de Gilles Paris sorti chez Plon. Insaisissable et énigmatique, Belle Kaplan fuit tous ceux qui cherchent à l'approcher. Actrice de métier, elle refuse toute interview, approuve une seule apparition télé en cas de promotion d'un film. Une aura étrange entoure cette femme qui ne fait strictement rien pour qu'on l'aime, mais qui suscite une fascination inconditionnelle. Son secret ? le secret justement. Sa vie a été jonchée d'évènements qui l'ont obligée à recommencer ailleurs, et plusieurs fois. Pour vivre heureux, devons-nous vivre cachés ?

Deux hommes ont réellement fait partie de sa vie : Ben, son frère de coeur et Pierre l'homme de sa vie. Pour différentes raisons, les deux l'ont déçue, même si elle en conserve un souvenir vivace. Il faut dire que derrière son visage de star hollywoodienne (qu'elle n'est pas au début du roman), Belle Kaplan semble difficile à aimer. Elle a longuement travaillé sur son « personnage » en se rendant finalement peu sympathique. Quoi de mieux pour éloigner les velléités de certains ? Sous sa carapace, et sous plusieurs couches, Belle Kaplan se révèle peu à peu. Les secrets rongent, érodent l'âme et tenaillent l'espoir. Dans « Les 7 vies de Mlle Belle Kaplan », nous sommes invités à décaper les différentes strates de sa vie pour entrevoir la femme, la vraie, celle qui ne joue pas un rôle.

« Il reste toujours en nous quelque chose de l'enfance et de l'adolescence. » Comme souvent chez Gilles Paris, l'enfance revient toujours titiller le présent. Ici, l'enfance s'appelle Grâce à l'orphelinat Sainte Croix des enfants de Montréal, aux bons soins de soeur Clarence, puis Matuchet pour sa famille d'adoption. La bonté suivie de la cruauté. Mlle Kaplan s'est construite par couches, révélatrices d'autant d'identités. Apprendre à se créer des personnages, puis s'astreindre à les jouer : voilà ce qui constitue réellement la vie de Belle Kaplan. Parfois fatigants, parfois amusants, Mlle Kaplan tient ses rôles à la perfection et doit, pour cela, cacher toute émotion. Mais fuir et se réinventer sans cesse peut brouiller les cartes de sa vraie personnalité.

Or, c'est précisément le coeur du roman « Les 7 vies de Mlle Belle Kaplan ». Qui est exactement la femme qui nous livre des pans de son existence ? Comment ressentir des émotions pour cette Mlle Kaplan qui semble avoir un coeur de glace et une haute opinion d'elle-même ? Gilles Paris nous challenge un peu, car pour l'aimer, il faut l'apprivoiser. Je me la suis imaginée sous les traits d'Audrey Hepburn, l'esquisse de la couverture sans doute n'y est pas étrangère. Car, si Belle est glaciale et semble détachée de tout, nul doute que ses différentes identités constituent des étapes clés de sa vie et des secrets à enfouir. Chaque période de son existence porte un prénom et lorsqu'elle s'en détache, c'est pour mieux recommencer. Mais, ne vous y trompez pas, son passé la ronge… Elle n'en est pas vraiment fière, mais l'assume comme une part entière d'elle-même, même si elle le cache aux yeux du monde.

« J'ai dû naître sous une bonne étoile pour échapper jusque-là aux fantômes du passé, que personne n'a fait surgir de l'obscurité à la lumière de sa torche. »

Les titres de chapitre sont d'ailleurs très explicites : « Mon âme n'est plus à guérir », « Je suis une femme libre qui décide seule de ses choix », « Je ne sais même pas ce qu'aimer veut dire ».

La sensibilité de Gilles Paris et les indices donnés au compte-gouttes nous amènent à progressivement aimer un personnage de premier abord assez antipathique. Car, dans la vie de Mlle Kaplan, rien n'a été linéaire. À travers ses différentes identités, elle dresse un bilan des chemins de traverse pris pour se construire. « Les 7 vies de Mlle Belle Kaplan » met en lumière la résilience et le droit au bonheur, même sous les feux de la rampe, même après un parcours complexe.

Femme libre, profondément indépendante, ces quelques années de la vie d'une femme nous entraînent avec grâce et justesse vers des sentiers où le jugement s'efface pour laisser place à l'empathie. L'écriture de Gilles Paris, si élégante, si humaine contribue à tourner les pages de ce journal intime.

« La liberté a un prix dont je me suis acquittée depuis longtemps. »
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Belle Kaplan est une des nombreuses identités de l'héroïne. Ce nom est celui qu'elle a pris dans une de ses vies : celle d'actrice. Elle est adulée pour son talent, mais sa personnalité est énigmatique. Elle a passé son existence à se fuir, à changer d'apparence, d'activités et de nom. Seul Ben, celui qu'elle considère comme son frère de coeur, connaît une grande part de ses secrets. Il est une des deux seules personnes qu'elle ne veut pas quitter. Or, il se cache d'elle. L'autre homme qu'elle ne veut pas oublier est Pierre.

Belle Kaplan déroule celle qu'elle représente maintenant et toutes celles qu'elle a été. Malgré ses confidences, elle reste mystérieuse. Elle dévoile l'enveloppe, mais celle-ci demeure cachetée : par pudeur et par protection, elle ne livre que des bribes de son passé. Ses sentiments sont entourés de silence, ses mots, pour parler d'elle, sont choisis, avec soin, pour ne pas révéler son moi profond. Chaque nouveau rôle semble retirer une part d'elle-même. Elle ne sait pas aimer : elle est étrangère à ceux qui aimeraient la découvrir, elle est invasive avec ceux qu'elle chérit. J'ai ressenti cette dualité : j‘étais captivée par son (ses) histoire(s), mais je ne parvenais pas à déterminer si je ressentais de l'attachement, de l'agacement ou de la compassion pour elle.

J'ai, aussi, éprouvé cette sensation de déstabilisation au sujet du roman. En effet, j'ai adoré le lire, j'étais fascinée par sa teneur, cependant, j'ai eu l'impression de ne pas en avoir saisi son essence, de ne pas l'avoir complètement compris. J'ai saisi le fil conducteur, sans en appréhender, véritablement, l'arrivée, car la fin ouverte m'a perturbée. Après avoir écrit ma présentation, j'ai lu des avis d'autres lecteurs et je me suis aperçue que je n'avais pas décelé certains messages qu'ils décrivaient. C'est comme si j'avais accepté de ne connaître de Belle Kaplan que ce qu'elle voulait me livrer, alors que d'autres avaient cherché à comprendre ce qu'elle cachait au fond d'elle-même.

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Qui est donc Belle Kaplan ? Actrice secrète et insaisissable, elle ne semble faire confiance qu'à son agent Basile et à son assistante Alice. Elle a changé d'identité plusieurs fois et refuse de divulguer un quelconque élément personnel. Pourtant, tout va changer lorsque cette femme commence à recevoir des courriers qui semblent lui indiquer que quelqu'un en sait beaucoup à son propos.

C'est un roman original que je découvre ici. Je ne m'attendais pas à un tel schéma narratif et j'y ai retrouvé une véritable innovation de la part de l'auteur, qui va nous fournir une histoire dense, faite de petites tranches de vie concernant son héroïne afin que le lecteur apprenne peu à peu la connaître.

En effet, l'histoire de Belle va se dévoiler par petites touches, et si tout semble bien mystérieux au début de l'histoire, la fin viendra éclairer tout cela.

Le personnage de Belle est très bien construit, puisque qu'elle n'est jamais statique. Ce roman est tout en introspection, et offre des retours en arrière afin de mieux cerner la personnalité de cette protagoniste.

La plume de l'auteur m'a beaucoup plu. Avec un style tout en finesse et dans lequel il réussit à décortiquer les sentiments, j'ai trouve que ce roman était très dense. Les chapitres sont très courts, ce qui rythme le récit.

Un récit surprenant et original, dans lequel l'histoire de l'héroïne va être dévoilée par petites touches, et servi par une plume tout en finesse. Une excellente découverte.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
1 Je suis une femme libre qui décide seule de ses choix
Mon nom, Belle Kaplan, a été inventé par un producteur de films, qui l’a laissé surgir entre les volutes de son cigare. Je me tenais face à lui, après avoir obtenu le rôle de la duchesse de Polignac, fidèle amie de Marie-Antoinette, avec laquelle elle entretenait des relations ambiguës. Rares sont ceux, à part ce nabab rondelet, à se vanter de connaître mon ancienne identité, du moins l’une d’entre elles. Et je ne tiens pas à ce qu’elles émergent de ce passé sulfureux. À l’issue du tournage d’États généraux, qui m’a imposée dans ce milieu dont j’ignorais tout à l’époque, j’ai détruit le contrat original qui révélait ma distinction. J’ai escorté ce mentor jusqu’à ses bureaux, dans ce quartier haussmannien aussi désert qu’un dimanche de novembre. Je l’ai laissé m’embrasser. Sa bouche sentait la cendre et l’alcool fort. Son œil frisé contemplait mon corps sous l’étoffe relevée, alors que ses mains s’en emparaient.
Un mal pour un bien. C’est ce que j’ai pensé tandis qu’en moi tout n’était que simulation. J’ai interrompu nos ébats pour un verre. J’y ai versé un puissant hypnotique qui l’a renversé sur ce divan défraîchi où plus d’une comédienne avait dû se sacrifier. J’ai retrouvé mon engagement dans son ordinateur et je l’ai supprimé. Non sans difficultés : je n’entends rien à l’informatique. Avant d’abandonner cette agence aux lambris désuets, j’ai enfoncé mon talon aiguille dans son ventre replet, assez pour qu’il garde la marque de l’infamie. Je savais qu’il n’oublierait rien, à l’exception de mon patronyme. Mon agent, Basile Delorme, a toujours refusé, à ma demande, les scénarios qu’il me proposait. Je ne l’ai jamais revu. Il est mort d’une cirrhose l’an dernier.
Je n’ai pas de portable. Parfois, je profite d’un jetable que me procure mon assistante, Alice de Banville, et dont je me défais au plus vite. Je hais tout autant les réseaux sociaux. Je suis une femme libre qui décide seule de ses choix. Mon agent est un paravent, comme Alice. Tous deux sont avertis qu’ils ne doivent rien révéler à mon sujet. De toute façon, ils ignorent tout de moi. Je prends garde, à chacune de nos conversations, d’éviter tout épanchement. J’avais une vie différente avant d’être considérée comme la meilleure actrice française. J’ai enterré ce passé à l’exception de Ben, mon frère, que je recherche depuis des années. Personne ne doit soupçonner son existence. J’ai engagé un détective privé, grâce à l’un de mes gardes du corps, et payé son silence au prix fort. Julian Leclerc est un homme intègre – je sais les repérer. Je ne suis pas arrivée là où je suis sans prendre de risques mais j’ai toujours su faire taire les maîtres chanteurs ou les indiscrets. Je suis prête à tout pour préserver mes secrets. Tout ce qui compte aujourd’hui, c’est Ben, que je n’ai pas revu depuis le nom de Belle Kaplan. Il n’est pas vraiment mon frère, mais je ne fais pas la différence. Les dernières traces que j’ai de lui remontent en Floride, quand il était marié à Igor et qu’ils élevaient ensemble leurs trois enfants birmans adoptés. J’ai ressenti du bonheur pour lui. Mais il a quitté son cicérone, et s’est enfui. Ben ne sait que déconstruire. Il n’a pas cherché à me joindre. Comment aurait-il pu ? Je suis devenue aussi imprenable qu’une citadelle. Je dois le protéger après ce qu’il a enduré par ma faute. C’est la seule chose que je sais faire. En dehors de jouer la comédie.

2
J’ai toujours su dompter les hommes

C’est à mon passé que je dois cette rencontre avec le producteur Chaïm Haddad. À Devon Moore exactement, un magnat du timeshare de San Francisco, qui l’a convaincu de produire États généraux. Par la suite, ce milliardaire a financé d’autres productions qui ont creusé la dette du cinéma français. Mais à l’époque où le film est sorti sur les écrans, son nom s’étalait grassement dans toute la presse. Il organisait régulièrement des soirées et invitait tout ce que le cinéma charrie dans son sillage, comme le lit boueux d’un fleuve débordant. Chaïm dépensait des fortunes pour l’apparition de quelques vedettes certifiées et un nombre incommensurable de profiteurs que seul le septième art sait produire. J’étais alors une parfaite inconnue dans un casting qui n’aurait pas fait lever la tête à un cinéphile. Une erreur au casting. Le jour de la sortie, Chaïm Haddad s’est réfugié dans une salle de cinéma archipleine dès 10 heures, dans le quartier des Halles. Ce qui est de bon augure, selon les professionnels. Et quand il s’est avéré que le film tournait au triomphe, les médias ont commencé à s’intéresser à cette femme sublime surgie du néant, dont ils ignoraient tout. J’avais refusé d’écrire un seul mot pour le dossier de presse, je tenais à ce que le mystère soit total. Je n’éprouvais nulle envie de m’asseoir dans la suite d’un palace pour voir défiler face à moi des journalistes ayant pour seul but de satisfaire leurs lecteurs. Je laisse à ces écrivains éphémères et leurs lectrices de moins de cinquante ans se priver d’un passé que je me suis évertuée à faire disparaître. Je savais que j’aurais tout d’une diva sans le moindre égard pour les médias, dont je me passe à merveille. À vrai dire, je m’en fiche royalement. Si peu d’artistes sont réticents aux confidences, je m’enorgueillis de faire partie de ceux qui résistent. Je n’ai jamais été capricieuse, mais je serai toujours exigeante. Je n’ai que faire d’être aimée ou non. J’ai très vite imposé mes règles à Basile et à Alice : j’accepte de me rendre à une avant-première à condition que nul ne m’importune. Je suis prête à saluer la foule ou l’équipe d’un film, mais c’est ma seule concession. Pas de dîner, à la limite un déjeuner avec un décideur, producteur ou réalisateur, et, pour les soirées caritatives, je n’accepte que celles destinées à lever des fonds ou améliorer les lois en faveur des prostituées, ce qui surprend ma petite équipe, que je me garde bien d’éclairer.
Chaïm Haddad ne vaut pas qu’on s’y attarde davantage, il était un moyen pour parvenir à mes fins. J’ai fait de lui ce que bon me semblait – j’ai toujours su dompter les hommes. Enfin, si j’omets Pierre Lepage, mon géant. La voix, l’attitude, et le regard sont nécessaires pour cela. Aucun homme ne m’a vraiment résisté, et ceux qui ont tenté le regrettent amèrement aujourd’hui. Je n’ai ni remords ni regrets. Peut-être est-ce plus facile quand on vient de nulle part ? Comprendre la nature humaine est la clé pour se hisser au sommet. N’y voyez aucune prétention : je suis capable de convaincre mon plus farouche opposant. On change de vie comme on change de partenaire, aussi facilement, à condition d’en avoir les moyens. J’ai déjà eu six vies et cela me suffit. J’ai peu d’attaches, voire aucune. Ce sont sans doute des années d’observation et de privations qui m’ont menée à cette attitude. Je n’ai jamais eu besoin d’un mentor ou d’un gourou. Si étrange que cela puisse paraître, on s’en passe volontiers. L’essentiel est de rester aux aguets, car rien n’est jamais acquis ici-bas. Et une seule erreur de jugement peut vous réexpédier des années en arrière. Quoi que vous fassiez, il y a toujours un prix à payer. Jusqu’à maintenant, j’ai su éviter les pièges tendus par la comédie terrestre. Je suis faillible, évidemment, mais je m’efforce de me débarrasser du superflu. J’ai toujours su prendre les bonnes décisions dans les instants de solitude. Loin du chaos du monde.

3
Mon âme n’est plus à guérir

Je me trouvais au parc des Buttes-Chaumont quand j’ai été prise de panique, une attaque aussi intense que jadis au manoir d’Outremont, à la mort de Madeleine, mon entremetteuse. Je redoute plus que tout ces moments où je ne maîtrise plus rien. J’aurais dû consulter un psychanalyste, mais je savais par avance ce que j’allais entendre, ou plutôt ce à quoi je me serais soustraite. Mon âme n’est plus à guérir, elle ressemble sans doute au portrait de Dorian Gray que seul le vernis qui le recouvre rend encore présentable. Je venais d’être reconnue par un inconnu qui s’était assis à mes côtés sur un banc et disait m’avoir vendu des vêtements à Montréal. Je l’ai aussitôt détrompé, d’une voix glaciale, précisant même que je n’étais jamais allée au Canada. Il s’est excusé avant de quitter son siège et de se fondre dans la foule anonyme. Tout mon corps s’est aussitôt raidi, incapable du moindre mouvement.
Des feuilles d’automne virevoltaient autour des chênes. J’assistais telle une statue à ce ballet qui me rappelait les magnifiques saisons au Québec. Si je suis absente des réseaux sociaux et refuse d’être interviewée, c’est pour ne pas être reconnue dans la rue, comme cela venait de se produire. Je redoute ces succès qui ne me laisseront jamais en paix. Je dois m’habituer aux imprévus sans pour autant me fendre comme du bois sec. Je suis paralysée sur cette assise, transie de froid, accablée par la peur d’être découverte. Je sais bien qu’on ne gouverne pas tout dans une vie, même si je me persuade du contraire. J’en voudrais presque à sœur Clarence et à Madeleine de m’avoir fait porter l’armure en toute circonstance. Je me sens si démunie, exposée aux vents mauvais qui me font tant douter. De ma capacité à agir, à rester moi-même, sans avoir à me justifier.
Mon bras se désengourdit, j’arrive à remuer les doigts sous mon gant que je retire. J’enfonce mes ongles dans ma peau jusqu’au sang. Il n’est pas question de fendre l’armure. Peu à peu, la panique reflue, je la sens abandonner mon corps qui retrouve une certaine chaleur, malgré la fraîcheur d’octobre. La célébrité n’étant en rien préméditée, j’imaginais vivre dans un anonymat r
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Quel bonheur de retrouver la plume poétique et envoûtante de Gilles Paris.
Dans ce roman, il nous compte l’histoire de la belle Kaplan, une femme fatale au caractère bien trempé d’apparence. Cette actrice, aux multiples secrets, regorge d’une personnalité et d’un passé complexe.
Nous l’a découvrons d’abord dans sa carrière de cinéma qui est un franc succès. Mais cette femme reste difficile à cerner, elle ne laisse rien paraître de sa vie privée ce qui laisserait entendre qu’une brisure se cache quelque part… Suite à la réception de lettres anonymes, nous découvrons alors petit à petit son passé tumultueux et le chemin de vie qui fait d’elle ce qu’elle est devenue.
Tout d’abord, j’ai adoré le style de ce roman. L’écriture et la narration sont originales et la plume poétique de Gilles Paris me plaît toujours autant. L’ambiance et l’atmosphère qui en ressortent sont imprégnant et déconcertants. Et plus j’avançais dans le roman, plus j’étais captivée par la révélation du passé de la belle Kaplan.
J’ai d’ailleurs beaucoup aimé ce personnage, qui nous montre que souvent, derrière une apparence de glace, se cache un désespoir et des blessures profondes. Elle nous montre aussi que parfois, en partant au plus bas, on peut réussir à s’élever au plus haut et connaître le succès.
Les thèmes abordés sont poignants, passant de la pauvreté, l’orphelinat, la prostitution, le vol, la luxure, la célébrité…. Nous découvrons tout cela au fil de l’histoire et ces sujets sont très bien traités et intégrés dans l’histoire. Nous découvrons que cette femme impénétrable a été capable d’aimer et bien plus encore.
En bref, cette lecture a été surprenante et passionnante.
Je remercie beaucoup l’auteur pour l’envoi et sa confiance.
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J'ai reçu la deuxième lettre anonyme à mon domicile. La même enveloppe, le même papier couché, le courrier toujours affranchi à la poste du Louvre. Je l’ai décacheté délicatement, retenant mon souffle en la lisant. Elle était encore plus précise que la précédente:
Je sais que tu t’es appelée Grâce, Paradis, Talia et Jade, avant de choisir Belle. Qui crois-tu berner? p. 93
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Si nous apprécions autant nos séjours dans des lieux paradisiaques, c'est parce qu'ils sont brefs. Y vivre serait d'un ennui mortel.
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La vie m’a appris à être seule. J’aime ce confort, sachant à quel point la nature humaine peut être décevante. Et tout ce que j’ai pu vivre à ce jour ne l’a jamais démenti.
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Videos de Gilles Paris (38) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Gilles Paris
Interview de Gilles Paris par Patsy Monsoon pour parler de son nouveau roman Les 7 vies de Melle Belle Kaplan paru chez Plon.
D'autres interviews d'auteurs par Patsy sur la page youtube officielle : @patsymonsoonofficiel
#patsyfaitdesinterviews
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