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3.63/5 (sur 122 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Boulogne Billancourt , le 19/10/1959
Biographie :

Historienne de l'art, dotée d'une double formation française et britannique, Marie-Laure de Cazotte a publié de nombreux articles sur les collectionneurs, musées et expositions. Elle a été en charge de différents départements chez Christie's et, sous l'égide du groupe LVMH, a créé et dirigé Phillips de Pury France. En parallèle de l'écriture, elle a une activité indépendante de conseil après de collectionneurs et d'entités culturelles.

"A l'ombre des vainqueurs" est son second roman.


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Bibliographie de Marie-Laure de Cazotte   (6)Voir plus


12/04/2018

Entretien avec Marie-Laure de Cazotte, à propos de son ouvrage Mon nom est Otto Gross



On vous connait comme historienne de l`art, vous avez également occupé des postes de direction chez Christie`s ou encore Phillips Auctioneers mais aussi dans le conseil auprès d`institutions et de collectionneurs d`art. Comment vous êtes-vous tournée vers l`écriture de romans au beau milieu de toutes ces activités diverses ?

J`écris depuis que je sais écrire. Pendant ces années passées dans le monde du marché de l`art, je consacrais quelques instants chaque soir à l`élaboration de petites nouvelles ou contes. le passage ne s`est pas fait en une seule fois, du jour au lendemain. Dans la succession des ponts franchis, le principal a été la découverte de l`univers psychiatrique, la rencontre avec des patients, la confrontation avec la douleur psychique. Mon regard sur l`humanité en a été totalement bouleversé et, de ce moment, écrire a pris une toute autre signification.



Vous revenez en librairie avec Mon nom est Otto Gross. Dans ce livre, vous vous penchez sur l`incroyable destin de ce médecin autrichien, véritable acteur de son siècle de par son influence dans l`histoire de la psychanalyse mais aussi dans la politique et le monde des arts à son époque. Qu`est-ce qui a pu vous mener sur les traces de cet homme ?

Le hasard d`une discussion sur Monte Verità, ce lieu où se rassemblaient avant 1914, des intellectuels, artistes, anarchistes en quête de l`Homme Nouveau et pratiquant le végétarisme, le nudisme, la danse en pleine nature, la méditation. J`y ai retrouvé Hermann Hesse et François Duncan, le frère d`Isadora, et une multitude de figures étonnantes dont Otto Gross qui était le psychanalyste de cette communauté. J`ai tout de suite été très intriguée par ce neurologue, disciple de Sigmund Freud, prônant la liberté sexuelle, côtoyant à la fois les cercles scientifiques et anarchistes, mais c`est en découvrant la figure de Hans Gross, son père, ce grand juge qui fut le fondateur de la criminalistique que je me suis accrochée à lui. Il y avait dans cet affrontement dramatique entre un père et un fils, un parfum de tragédie au sens premier du terme, c`est-à-dire la possibilité d`un « chant » abordant tout à la fois le destin d`un homme à mes yeux extraordinaire et la lutte entre deux visions de la vie et de la société. J`ai été fascinée par le côté très actuel de cette épopée : cette dichotomie entre un univers guerrier, moraliste, refusant de donner aux femmes la moindre place et l`autre revendiquant la liberté et portant aux nues l`Eros et la féminité.



Au-delà de sa profession médicale, Otto Gross reste dans les mémoires pour avoir fait cohabiter un grand nombre d`idées, mêlant anarchisme et utopie féministe, en s`étant engagé dans les rangs militaires durant la Première Guerre mondiale… Même s`il s`agit de l`objet de votre livre, comment présenteriez-vous cet homme hors du commun en quelques mots ?

C`est un personnage que l`on pourrait dire christique, même s`il détestait toute forme de religiosité, puisque son objectif était l`amour entre les hommes et la réconciliation de l`homme avec la nature. Comme le Christ, il ne séparait pas ses idées de ses choix de vie et il y a un côté, aussi critiquable soit-il, auto-sacrificiel en lui. Il a pointé avec un véritable activisme évangélique son index vers les névroses de l`Homme : l`obsession du pouvoir, de l`argent, le mépris de la femme et de l`animal, l`agressivité, la haine, la morale et, par-dessus tout, le jugement.



Déjà dans votre tout premier livre Un temps égaré, puis ensuite dans A l`ombre des vainqueurs, la figure du père semble être au centre de vos préoccupations d`auteure et Mon nom est Otto Gross n`échappe pas à la règle. Cette figure spécifique mais aussi la relation particulière entretenue entre un père et son fils. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur cette thématique qui habite vos romans ?

Ce dernier roman est effectivement un troisième volet sur le thème de la filiation. Après le père détruit par le silence de Un temps égaré, le personnage du père blessé par la guerre parvenant à surmonter le dogme paternel pour rejoindre le chemin de son fils de A l`ombre des vainqueurs, cette dernière figure est l`illustration du père aveugle, épousant totalement la cause sociale au détriment de l`affect filial. Otto Gross à qui un psychanalyste fait remarquer le caractère Oedipien de son destin redresse la réalité : « C`est Laïos (un violeur d`enfant) , le père d`Oedipe qui a cherché à tuer son fils en lui faisant percer les pieds dès sa naissance » et il a cette phrase lapidaire pour résumer son père : « La Loi, c`est lui, et son moi est la Loi. » L`incroyable définition de la folie de son fils par Hans Gross: Son amour passionné pour les animaux, les personnes opprimées, l`émancipation des femmes dans le sens le plus extrême, l`amour libre, le droit du matriarcat et le combat contre le patriarcat, le communisme, l`anarchisme … illustre parfaitement les choses. Son fils est fou parce qu`il n`est pas lui.

N`étant pas particulièrement introspective, je ne cherche pas à creuser les raisons personnelles pour lesquelles le sujet de la filiation me passionne ou pourquoi mes personnages principaux sont toujours des hommes. Je me sais simplement à l`intérieur d`un cycle qui évolue et qui est loin d`être achevé.



Au cours de sa vie, Otto Gross a eu la chance de rencontrer et travailler avec l`immense Franz Kafka. Tantôt jugé hérétique, fou, irresponsable par son père et nombre de ses contemporains, aujourd`hui oublié de l`Histoire, et tout cela malgré une influence indéniable sur la psychanalyse et une reconnaissance unanime envers bon nombre de ses travaux, la destinée d`Otto Gross n`a-t-elle finalement pas tout d`un récit kafkaïen ?

Totalement ! Kafka qui était l`élève d`Hans Gross (le père) connaissait très bien le destin et les écrits d`Otto Gross, véritable célébrité dans les milieux intellectuels. Il est possible que son exemple l`ait encouragé à écrire Lettre au père et le Verdict. Tous deux étaient hantés, non seulement par leurs pères, mais également par l`hydre de l`administration impériale et l`absurdité de certaines structures sociales ou religieuses. Otto Gross a été, de son vivant et après sa mort, censuré à la fois par les freudiens et par les jungiens pour les raisons décrites dans le livre. Il a fallu attendre les années 1960 et le mouvement hippie pour que ses idées reviennent partiellement au goût du jour L`aspect le plus kafkaïen de son destin et de ses théories se tient probablement dans le parallèle que l`on peut faire entre son temps et le nôtre : retour massif du patriarcat, menaces de guerre, puritanisme, hydres administratives, manipulations collectives, dérives des pouvoirs étatiques ET liberté sexuelle, féminisme, végétarisme, méditation, retour à la nature… Tout ne peut pas se comparer et les clans de « liberté » étaient des groupuscules sans pouvoir en 1914, des monastères dont les « hérésies » ont été laminées. Ceci étant, les voix qui, avec le courage et la radicalité d`Otto Gross, - et qu`importe qu`il ait fait ultimement fausse voie – se tiennent Par-delà le Bien et le Mal, et proposent, comme il l`a fait, une réflexion sur les raisons profondes, organiques, de la destruction des forces de vie par l`Homme n`ont pas plus accès aux médias que de son temps. J`emprunte à Hugo Ball, le fondateur du dadaïsme, ce poète fabuleux qu`il fréquentait, lorsque je lui fais dire à propos des journaux : « Nous nous nourrissons de ça, nous autres pauvres petites chenilles : de feuilles de chou sans réaliser que cette nourriture nous dévore de l`intérieur ! » Qu`est-ce qui a changé ?

Kafka n`était pas une figure politique et Otto Gross ne s`intéressait pas vraiment aux conditions géopolitiques dans lesquelles il vivait. Il les observait comme des conséquences, des échos d`obscurantismes, de catastrophes passées, fossilisées en l`humain. Il pensait que la psychanalyse était l`instrument de la Révolution parce qu`en permettant la « connaissance de soi », elle pouvait amener au désir de « connaitre l`autre ». Il croyait mordicus que le Bolchévisme allait tout résoudre…



Que ce soit dans les arts (le film A Dangerous Method de David Cronenberg sorti en 2011, les travaux de Michel Onfray etc.), dans l`actualité (la mise en avant quasi-immédiate des profils psychologiques des personnes qui font l`information) et dans bon nombre de domaines, la psychanalyse semble refaire surface plus que jamais et capter l`intérêt du grand public. Votre livre va en ce sens. Comment pourriez-vous expliquer ce regain d`intérêt pour la psychanalyse ?

Je pense qu`il existe trois raisons à cet engouement. D`une part, il y a une surabondance d`utilisation des concepts psychanalytiques encadrant la moindre circonstance, de recherche d`explication sur tout comportement considéré comme en dehors des normes et un développement des pratiques thérapeutiques associant de près ou de loin la psychanalyse. Nous mettons graduellement en place dans des écoles ce qu`Otto Gross préconisait : la méditation, la reconnaissance de son « moi intérieur », de la spécificité de l`autre, de son identité sexuelle. A l`heure actuelle, nous faisons tous, et quel que soit notre degré de connaissance sur le sujet, de la psychanalyse !

Face à cela, nous sommes dans une phase critique sur les conditions dans lesquelles la psychanalyse a été élaborée. Sigmund Freud et Carl Gustav Jung ne sont plus intouchables et le concept même de « psyché » est parfois remis en question. Il y a vingt ans, Mon nom est Otto Gross ou A dangerous method auraient soulevé une véritable armée de boucliers chez les psychanalystes. On ne pouvait pas, à moins de prendre le risque d`être mis à l`index de la nouvelle religion, critiquer de façon aussi frontale et factuelle le comportement et le caractère des pères de cette méthode.

Enfin, les neuroscientifiques ne rejettent plus la psychanalyse et l`associent même à leurs recherches.



Marie-Laure de Cazotte et ses lectures



Quel est le livre que vous auriez rêvé d`écrire ?

Océan-mer d`Alessandro Baricco.



Quelle est votre première grande découverte littéraire ?

Jane Eyre de Charlotte Brontë.



Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?

Le roi des Aulnes de Michel Tournier.



Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?

De ne pas avoir compris plutôt : Ulysse de James Joyce.



Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?

Les nuits de Fastov d`André Weckmann.



Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?

L`art d`aimer d`Ovide.



Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?

« Le passé est imprévisible ». C`est une phrase de Jean Grosjean.



Et en ce moment que lisez-vous ?

Les vies de papier de Rabih Alameddine. Une merveille.



Découvrez Mon nom est Otto Gross de Marie-Laure de Cazotte publié chez Albin Michel :



Entretien réalisé par Rémy Watremez



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Vidéo de

Retrouver l'émission complète : https://www.web-tv-culture.com/emission/marie-laure-de-cazotte-ceux-du-fleuve-52512.html 1793 : La France est en ébullition et la Vendée se révolte ! Un jeune orphelin se réfugie sur les bords de Loire. Son chemin va croiser celui d'êtres en déroute confrontés à la folie des temps, à l'enfer des combats, à la fuite éperdue des populations. le fleuve séculaire sera le révélateur de leur nature profonde. Avec Ceux du fleuve, Marie-Laure de Cazotte, nous livre une épopée humaniste aux accents féeriques qui éclaire d'un jour nouveau l'histoire, si méconnue des premiers mois de la guerre de Vendée.

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Citations et extraits (48) Voir plus Ajouter une citation
La Vendée n’est plus dans la Vendée… c’est le sol lui-même qu’il faut combattre aujourd’hui si l’on veut y enlever pour jamais le monstre des discordes civiles… que des cendres et des cadavres. La Convention nationale décrète que le département ci-devant appelé de la Vendée se nommera désormais Vengé… On n’a point assez incendié dans la Vendée : la première mesure à prendre est d’y envoyer une armée incendiaire. Il faut que pendant un an nul homme, nul animal, ne trouve de subsistance sur ce sol.
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Tuer est le destin du soldat : certains le font mécaniquement. Nombreux sont ceux qui donneraient ce qu'ils ont de plus cher pour ne pas y être obligés et qui obéissent par peur . Le soldat n'est pas un philosophe ; il agit à l'intérieur d'un groupe .
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Je me demande si la vraie folie n'est pas là: quand on ne regarde pas ce qui vous est donné. Ta mère, je l'ai battue deux fois à mon retour. Je l'ai jetée à terre. J'aurais pu la tuer tellement cette vie qu'elle avait en elle me faisait mal. Elle n'a jamais pleuré, elle ne s'est pas réfugiée comme une souris sous un meuble. Elle n'avait pas peur de moi. Elle m'a montré, jour après jour, comment retrouver mon visage, mes mots, un quotidien. Elle m'a démontré que j'étais un être indispensable à son corps et à sa vie. Que j'avais en moi la puissance de la rendre heureuse.
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Saint-Ursule, ce n'est pas un monde de héros ni des gens minables, c'est juste un endroit pour des gens qui ont vécu quelque chose de trop ou de moins. Le "pas assez", ça rend fou aussi, vous savez.
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Mon ami intérieur est indissociable de mon chien Sultan. Des mois séparent pourtant leurs arrivées dans ma vie, mais je ne les vois pas l’un sans l’autre, de même que je leur associe Jacob et son voilier, les mules mauves de madame Kurosawa, les marches en planches autour du chêne, le livre de contes, mon porte-crayon, mes séances chez le psychiatre Donnadieu et ma découverte de la pierre-esprit de l’inoubliable.
Tout cela ne fait pas une chronologie, mais un tout d’enfance.
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Ne jamais dire l'inutile.
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Commencez par un entraînement simple : le sourire. Et banissez tous les mots qui, de près ou de loin, disqualifient autrui. Ce n'est pas une question d'éthique, c'est un premier objectif de survie. Le mépris est une catastrophe pour l'intelligence, gardez bien ça à l'esprit.
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Ici, maintenant, tout vient de Paris. Avant, tout venait de Berlin. J'ai changé quatre fois de nationalité, comme tout le monde chez nous. Ça use, Monsieur Stéphane, mais cela ne se dit pas. La réalité est que nous sommes devenus très... comment dire. Nous avons une chanson : Dr Hàns im Schnockeloch, le Jean dans le trou à moustiques. Ce Jean, il a tout ce qu'il veut, et ce qu'il a, il n'en veut pas. Et ce qu'il veut, il ne l'a pas. Il peut faire tout ce qu'il veut, mais ce qu'il peut faire, il ne le fait pas, et ce qu'il fait ne lui réussit pas. C'est exactement ce que nous sommes : des gens dans un trou à moustiques, tellement envahis par les ordres, les contrordres et les piqûres que nous ne savons plus ce que nous sommes.
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Je le suis à la trace avec l’impression de filer un camion poubelle avec son calendrier assez prévisible d’ordures quotidiennes et de déchets de fêtes immondes.
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Je pense que nos mémoires sont des cieux dans lesquels nos immenses bonheurs et nos grands cataclysmes sont des étoiles, des repères de navigation.
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