DIMANCHE APRÈS-MIDI
S’enlaçaient les domaines voûtés d’une aurore grise
dans un pays gris, sans passions, timide.
S’enlaçaient les cieux implacables,
les mers interdites, les terres stériles,
S’enlaçaient les galops inlassables de chevaux maigres,
les rues où les voitures ne passaient plus, les chiens et les chats mourants,
S’auréolaient de pâleur charmante les femmes,
les enfants et les malades aux sens limpides,
S’auréolaient les apparences,
les jours sans fin, jours sans lumière, les nuits absurdes,
S’auréolait l’espoir d’une neige définitive,
marquant au front la haine,
S’épaississaient les astres, s’amincissaient les lèvres,
s’élargissaient les fronts comme des tables inutiles,
Se courbaient les sommets accessibles,
s’adoucissaient les plus fades tourments,
se plaisait la nature à ne jouer qu’un rôle,
Dans ces domaines confondus
où même les larmes n’avaient plus que des miroirs boueux,
dans ce pays éternel qui mêlait les pays futurs,
dans ce pays où le soleil allait secouer ses cendres.
APRÈS MOI LE SOMMEIL
À Max Ernst.
extraits 10, 11, 12
10
Je me tournai le brouillard avec moi
Tourna
11
J’eus tout mon poids horizontal
12
Un rien de temps et ce sera le jour entier
La pierre mâche des semblants d’épée
Sur des charnières de verdure l’azur bat
La tête secoue son aurore
Un rien de temps et le soleil prête serment
COUVRE-FEU
Que voulez-vous la porte était gardée
Que voulez-vous nous étions enfermés
Que voulez-vous la rue était barrée
Que voulez-vous la ville était matée
Que voulez-vous elle était affamée
Que voulez-vous nous étions désarmés
Que voulez-vous la nuit était tombée
Que voulez-vous nous nous sommes aimés.
Paul Eluard, 1942
SI TU AIMES
Si tu aimes l’intense nue
Infuse à toutes les images
Son sang d’été
Donne aux rires ses lèvres d’or
Aux larmes ses yeux sans limites
Aux grands élans son poids fuyant
Pour ce que tu veux rapprocher
Allume l’aube dans la source
Tes mains lieuses
Peuvent unir lumière et cendre
Mer et montagne plaine et branches
Mâle et femelle neige et fièvre
Et le nuage le plus vague
La parole la plus banale
L’objet perdu
Force-les à battre des ailes
Rends-les semblables à ton cœur
Fais-leur servir la vie entière.
// Paul Eluard France (14/12/1895 -18/12/1952)
APRÈS MOI LE SOMMEIL
À Max Ernst.
extraits 1, 2, 3
1
Au déclin de la force
Un feu très sombre déambule
2
J’entrai dans cet état qui joue sa fin
3
Corbeaux menus minuits rapaces
Dentelle à ternir tous les ors