Le dédale des rues était un labyrinthe qui n’avait pas de secrets pour lui, selon toute évidence, et pourtant c’était un décor inconnu, parfaitement inconnu, un décor qu’il découvrait au fur et à mesure de sa traversée. Plus exactement, il n’y prêtait pas réellement attention. Il passait, comme attiré par le but qu’il s’était fixé, et il savait, tout en passant, que les lieux traversés ne correspondaient pour lui à rien de connu. Il n’avait pas besoin de réfléchir sur le choix de telle ou telle rue, afin de mener sa course au plus court : la ligne était tracée, le fil tendu, et il suivait le fil.
Le monde entier était dressé contre lui, il le savait, à présent. Il ignorait pourquoi, mais c’était l’évidence même et il n’était certainement pas de taille à résister. Il ne pouvait que se cacher. Supplier de toutes ses forces pour que l’univers bascule à nouveau et reprenne un bon ordre des choses… Calice ! Supplier qui, quoi ? Prier ? Quelle foutaise !
Ce n’était pas un film. Des séquences de mémoire, hachées, et qui se rassemblaient vaille que vaille, en dépit du bon sens, suivant une chronologie éclatée, dispersée. Ou bien, qui sait, pas si dispersée que cela. L’impact émotif jouait probablement un rôle dans l’ordre des résurgences.
...si vous voulez vraiment savoir, il vous reste le choix entre deux sources de renseignements. Premièrement : les livres d’Histoire. Secondement : les bavards de L’Outardière. Il existe peut-être un petit bout de chance pour que les livres d’Histoire (l’H haut comme ça, tout doré, tout clinquant, tout respectable) collent d’assez près à la vérité des faits, mais soyez assez malin pour faire le tri et rejeter les interprétations de l’auteur. Mais pour le plaisir pur, préférez le bavard qui aura gardé dans ses veines, Dieu sait comment au bout des siècles, trois gouttes de sang de son ancêtre truchement qui savait tout, connaissait tout, qui était roi… et tant pis si le bavard pour son plaisir à lui tout autant que pour le vôtre magane un peu la vérité…
Il suffisait de pénétrer une fois dans cette rue pour être persuadé du fait : à quelque moment que se produise la visite, on était sûr qu’il en était de même, au sujet de la lumière, à tout autre instant du jour ou de la nuit. On le sentait.
L’éclairage, artificiel ou naturel, était très mauvais.
Immense Pierre Pelot, avec plus de 200 livres en 53 ans d?écriture : littérature générale, science-fiction, policiers, romans noirs, récits fantastiques, BD, théâtre, contes, sagas... L'auteur était à Poirel le 7 octobre pour un entretien aux côtés de Françoise Rossinot autour de son dernier roman, "Braves gens du Purgatoire" (Éditions Héloïse d'Ormesson).