AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,01

sur 148 notes
5
6 avis
4
3 avis
3
2 avis
2
1 avis
1
1 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Publié en 1985, penser/classer est un recueil posthume d'écrits de G. Perec, parus auparavant dans diverses revues.

361 c'est, d'après l'auteur (p. 31), le nombre de livres suffisant, correspondant peu ou prou à la bibliothèque idéale, "Notes brèves sur l'art et la manière de ranger ses livres" (L'humidité, n°25, printemps 1978). Un membre de Babelio qui se respecte se doit d'y réfléchir, car il est confronté tous les jours à la question lancinante de l'augmentation de sa bibliothèque, celle de son rangement, puis celle de sa conservation ou de son éventuelle liquidation...

M'appliquant à moi-même ce principe, il me faudrait dans les heures, les semaines ou les mois qui viennent, ou peut-être plus radicalement dans les minutes qui vont suivre la parution de cette chronique en soustraire pas mal au nombre de ceux qui sont affichés sur mon compte. L'accroissement du nombre de livres, l'ordre et l'espace qu'ils requièrent sont trois casse-têtes, mais une seule et vraie question existentielle taraude le bibliothécaire Perec : celle du "définitivement provisoire" ou du "provisoirement définitif" qui accompagne le rangement et le classement. Il faut lire donc Perec absolument.

Dans "penser/classer" autre texte de 1982 ("Le Genre Humain, n°2) qui a donné son nom au recueil, mais qu'on découvre à la fin du livre, ces mêmes thèmes sont repris, déclinés sous l'angle des limites qui s'imposent à la raison, à la pensée, dès qu'il s'agit de classer. Utopie déprimante d'une connaissance organisée du monde introduisant au vertige taxonomique des classifications et des énumérations, dont raffole notre auteur.

"Douze regards obliques" ("Traverses, n°3, 1976) est un petit essai bien "senti" sur la mode et ses manies fin des sixties ou début des années quatre-vingts (fin d'une époque ou début d'une autre au choix, selon le point de vue qu'on adopte). Énumération des éléments phares du prêt à porter et de fringues où l'évocation des prix en francs colore la lecture d'un lyrisme rétrospectif tout particulier. Happy few-isme, caprices et paradoxes des modes, dictatures des marques et des must pointent la versatilité et la dérision des signes. Un exercice mi-sociologique/mi-philosophique où le jeu le dispute à l'ironie et dans lequel notre auteur excelle.

Le premier des textes, "Notes sur ce que je cherche" (Le Figaro, 6 décembre 1978), fait figure de préambule à la lecture de l'ensemble ; l'écrivain y définit son rapport à l'écriture et l'orientation générale de son travail en usant de la métaphore agricole avec humour : tel un paysan désirant cultiver betteraves, luzerne ou maïs, Perec traçe ses sillons dans quatre directions : la sociologie du quotidien, l'autobiographie, la recherche ludique mais exigeante OuLiPienne et le romanesque.

Passé ce premier texte, les "quelques emplois du verbe habiter" (Construire pour habiter, Paris, L'Equerre-Plan Construction, 1981) conduisent de la rue Linné, à des considérations plus planétaires, puis, on est soudain propulsé sur la table de travail de l'écrivain ("Notes concernant les objets qui se trouvent sur ma table de travail", Les Nouvelles Littéraires, n°2521, 26 février 1976), au milieu de ses objets les plus usuels et les plus personnels, les plus insolites aussi. L'aménagement de son territoire génère une première réflexion, ironique et distanciée, sur ses manies de rangement et de classement ; encombrement et désencombrement spatial ; inventaire des choses immédiatement ou non immédiatement utiles, choisies et préférées. Poésie d'un ordre né du désordre, collision du hasard et de la négligence.

Une remarque très judicieuse sur la lecture vient nous rappeller, dans "Lire : esquisse socio-physiologique" (Esprit, n°453, janvier 1976), qu'on nous apprend à lire à haute voix pendant nos années d'apprentissage, puis à nous taire aussi brusquement dès que les automatismes sont acquis pour passer à la lecture silencieuse...

Il est là tout entier Perec, citant Borges ou Calvino, se référant à Jules Verne, ou puisant dans sa propre expérience, explorateur des mondes transversaux, engloutis ("Je me souviens de Malet & Isaac", 1979) des lisières, des formes ou des sujets délaissés, déclassés, ignorés, incongrus, ("Considérations sur les lunettes", 1980). Loin de tous les tropismes habituels, "alliant le plus grand sérieux et le plus haut comique" (je tiens la formule de J.F. Revel, parlant de Proust, elle va bien à Pérec je trouve), saisissant toutes les ruses pour s'emparer du lieu de son histoire - écrire permet peut-être de dépasser ses obsessions - ("Les lieux d'une ruse", Cause commune, n°1, 1977). Un rapport à la connaissance décomplexé, totalement décloisonnant, s'amusant des étiquettes, revisitant les dictionnaires et les encyclopédies, librement.

"Trois chambres retrouvées" (Les Nouvelles Littéraires, n°2612, 24 novembre 1977), sont trois courts et fulgurants tableaux autobiographiques : préparation d'un bac raté en juin et lectures policières concomittantes dans la petite chambre de Blévy ; puis, début des années cinquante : peines de coeur d'Athos en fin d'été, près de Beauvais ; enfin : sinusite chronique et chambre en pension, à Enghien les Bains, crucifix et branche de buis de travers pendu au-dessus du lit. trop fort.

Quant aux "81 fiches cuisine à l'usage des débutants" (Manger, Christian Besson et Catherine Weinzaepflen éd., Yellow Now et Maison de la Culture, 1980) j'y vois une ode au lapin, à la sole et au ris de veau, façon Ginette Mathiot ; composées comme quatre-vingt et une courtes strophes où infinitifs, adverbes et locutions culinaires se chevauchent ou se télescopent en alternance : Escaloper, lever à cru, tartiner, citronner, dégorger, déglacer, saupoudrer, généreusement, largement, finement, légèrement. Ludique scansion de mots et de formules (magiques) à la manière des litanies anciennes. On ne lit plus on chante. JUBILATOIRE lecture.
Commenter  J’apprécie          313
Soit une étagère, capacité de contenu, 300 livres. Question: vous achetez "penser/classer", de quel livre allez-vous vous débaraser pour pouvoir ranger ce livre dans votre étagère.
Commenter  J’apprécie          230
Le style si gracieux et la façon de penser atypique de Georges Perec font que j'aimerais n'importe quel texte écrit par lui.
La lecture de ce recueil a donc été un plaisir intense.

Si vous êtes déjà amateur, allez-y les yeux fermés !
Cependant-numéro-un, si vous n'aimez pas d'autres de ses oeuvres, pas la peine de vous acharner sur celui-ci.
Cependant-numéro-deux, si vous ne connaissez pas encore Georges Perec, ne commencez pas par celui-ci.
Commenter  J’apprécie          220
C'est une relecture de cette petite compilation des textes de Perec sur le classement et quelques sujets connexes.

J'ai bien aimé ses « Notes brèves sur l'art de ranger les livres » car cela me confronte à des problèmes
qui me hantent chaque fois qu'un nouveau livre dont la lecture vient de se terminer doit s'aménager une place dans l'une de mes étagères. C'est l'esprit de Perec même , le classement et les listes qui m'ont probablement porté vers l'écriture de ces courts textes regroupés dans de petits cahiers [ou ce blogue] dédiés à mes lectures.

À retenir : « Lire : une esquisse socio-physiologique », « Considérations sur les lunettes » et « Penser / classer ».

L'art de la liste, la maîtrise de l'énumération, la maestria de l'inventaire, la virtuosité du recensement, la précision du catalogue, la science du dénombrement, du Perec rien de moins que perecquien et un raton-laveur.
Lien : http://rivesderives.blogspot..
Commenter  J’apprécie          60
Georges Perec est décédé le 3 mars 1982 et ce recueil fut le premier titre posthume de lui édité. "A l'origine de ce volume, se trouve le texte "penser/classer" publié dans la revue le Genre humain peu de jours avant la disparition de Georges Perec"

Ceci étant dit, pour situer l'ouvrage, il m'est bien difficile de le résumer, puisqu'il s'agit de textes très différents, sur, bien entendu, le thème qui donne le titre, mais aussi sur l'usage du verbe habiter, sur une description des objets sur la table de travail de l'auteur... puis des considération sur l'art des listes, des énumérations, sur l'usage de et caetera ou pas... sur le rangement d'une bibliothèque, sur ce que la lecture entraîne dans le corps. du futile sans doute, de l'indispensable certainement, tant les livres de Perec le sont.

"Comment je pense quand je pense ? Comment je pense quand je ne pense pas ? En cet instant même, comment je pense quand je pense à comment je pense quand je pense ? "penser/classer", par exemple, me fait penser à "passer/clamser", ou bien à "clapet sensé" ou encore à "quand c'est placé". Est-ce que cela s'appelle "penser" ? Il me vient rarement des pesnées sur l'infiniment petit ou sur le nez de Cleopâtre, sur les trous du gruyère ou sur les sources nietzschiéennes de Maurice Leblanc et de Joe Shuster ; c'est beaucoup plus de l'ordre du griffonage, du pense-bête, du lieu commun." (p.172)

N'importe qui d'autre écrirait sur ces thèmes serait ennuyeux voire carrément chiant, mais pas Perec qui à l'art d'intéresser et même davantage aux petites choses courantes, aux actes usuels, aux détails quotidiens qui un instant retiennent son attention. Ce n'est pas un roman, ni un essai, c'est un livre à part, que l'on ne lit pas d'une seule traite, qui nécessite sans doute de s'arrêter, de reprendre après une autre lecture plus classique -encore qu'on peut très bien le lire sans autre livre entamé, comme ça, juste pour le plaisir.
Lien : http://www.lyvres.fr/
Commenter  J’apprécie          30
Que dire ? Je suis juste fou de Perec et de ce livre. Toute tentative de le décrire serait vaine et ridicule, à l'aune justement de ce qu'il dit sur le classement.

Donc comme Babelio m'interdit de créer un livre imaginaire pour y stocker ma "wish-list", je squatte honteusement ce livre pour y poser la mienne.

Ma wish-list d'améliorations de Babelio :
- citations : ajouter une recherche, des tags
- commentaires : pouvoir les modifier
- pouvoir tagger rapidement des groupes de livres (type drag & drop)
- avoir un ID de classement de ses propres livres
- une plus grande zone de texte pour éditer son descriptif de profil
- une zone de descriptif plus longue ;)
- accéder à la fiche d'un livre à partir de son code-barre même si on l'a déjà scanné (en mode ajout automatique)
- une fonction « bulle » pour ne voir que ses amis parmi les commentaires et les critiques
Bugs :
- Quand on édite une citation, le critère de tri change et on la perd (corrigé 01/2020 ?)
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (423) Voir plus



Quiz Voir plus

Je me souviens de Georges Perec

Quel était le nom d'origine (polonaise) de Georges Perec ?

Perecki
Peretz
Peretscki
Peretzkaia

15 questions
111 lecteurs ont répondu
Thème : Georges PerecCréer un quiz sur ce livre

{* *}