À la lecture on imaginerait bien un seul-en-scène : le texte est déjà découpé en actes, suivant la trame de l'oeuvre de
Shakespeare, et David est quasiment le seul personnage adulte à avoir des répliques, se retrouvant seul pendant toute une journée avec son bébé qui se contente d'émettre des réactions souvent non verbales.
Le texte, comme dans le théâtre classique, respecte les trois unités : il se déroule sur une seule journée, ne sort jamais de l'appartement, et a pour seule intrigue la réflexion intérieure d'un homme seul face à l'adversité. Un passionné, qui a peut-être eu le tort, d'après son entourage, de croire trop fort à son projet, en dépit des réalités économiques, des circonstances contrariantes telles que la pandémie qui a porté atteinte à tout le secteur culturel. Un grand enfant du point de vue des adultes raisonnables, ceux et celles qui se lèvent le matin pour aller travailler et gagner leur vie de façon stable et régulière. Un homme qui, au lieu de chercher un emploi, préfère passer la journée à jouer avec sa fille.
Au début, il semble d'ailleurs n'y avoir que le simple plaisir du jeu. Démarrant avec une scène de bain où l'enfant s'amuse de voir son père utiliser une embarcation en plastique pour simuler le début de l'oeuvre. de pièces en pièces, d'heure en heure, David fait feu de tout bois, utilise peluches et Playmobils pour figurer les personnages, s'accoutre lui-même, contrefait sa voix, et à mesure que l'
histoire se déploie pour le plaisir de la spectatrice unique, surgit peu à peu tout un arrière-plan qui mêle les problématiques auxquelles l'homme est confronté dans sa vie personnelle et une réflexion politique plus large sur la place de l'art dans la société contemporaine.
D'un côté, il y a ce type paumé qui n'a plus d'autres repères que son enfant dans la vie, qui ne sait pas ce qu'il adviendra de son couple s'il ne se plie pas à la contrainte de trouver un travail, qui a déjà trop vu l'impact de ses choix sur ses relations avec une famille arc-boutée sur sa vision du monde capitaliste. de l'autre, l'histoire du théâtre depuis l'époque élisabéthaine, celle où les femmes n'avaient pas le droit de monter sur scène, où un petit groupe d'hommes se travestissait en coulisses pour incarner tous les personnages, où il fallait une reconnaissance royale pour exercer en tant que comédien, où chaque épidémie de peste entraînait des fermetures. David, et à travers lui l'auteur, tire le fil jusqu'à aujourd'hui, la pandémie, les subventions, l'économie de marché, la culture qui dans l'esprit de certain(e)s est réduite à un divertissement, un produit comme un autre, une soupe à servir à des consommateurs/trices qu'il ne s'agit jamais de considérer comme des esprits, des êtres capables d'apprendre, de découvrir, de s'ouvrir, et surtout pas de réfléchir. Dans un même mouvement, l'intensité de
la tempête augmente alors que les pensées du personnage se bousculent, que ses sentiments s'agitent, que ses colères lui échappent.
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