Je suis professeur de français et je n'aime pas le théâtre. Oui, je sais, cela peut paraître bizarre. J'aime lire le théâtre, j'aime assister à une pièce de théâtre, j'aime animer des ateliers théâtre-forum avec des élèves mais je n'aime pas toutes les conventions liées au théâtre, que certains professeurs de théâtre s'acharnent à transmettre et m'ont mise à distance du genre théâtre. Voilà, c'est dit.
La tempête de
Shakespeare n'est pas mon oeuvre préférée de l'auteur – il s'agit de loin de
la nuit des rois. J'ai assisté à une représentation de cette oeuvre, voici quelques années, et je n'ai pu qu'être catastrophée par les choix de mises en scène – comme si la mise en scène comptait plus que l'histoire qui nous était racontée, plus que le texte lui-même. Bref, ce fut tout sauf concluant pour moi.
Ici, dans ce roman, nous suivons la journée de David, intermittent du spectacle en fin de droit, qui doit garder sa fille Miranda – la garderie est en grève, et sa femme, professeur, doit travailler. Après trois ans d'effort, il a dû mettre un point final à son projet de monter
la tempête de Shekespeare, et l'on découvrira, au fur et à mesure de la lecture, ce qui l'a contraint à renoncer.
Alors oui, l'on peut voir dans ce livre une dénonciation de la manière dont la culture est traitée en France (Note : j'y trouve un écho dans les dernières déclarations de la ministre de la culture après le festival de Cannes), où certains décideurs confondent volontairement ce qui est populaire, ce qui rapporte avec ce qui est véritablement de la culture. Comme du temps de
Shakespeare, à l'époque où les théâtres se montaient (avant, l'on jouait où l'on pouvait), à l'époque où une part d'improvisation importante était laissée aux acteurs, loin du respect à la virgule près tel qu'on peut le voir aujourd'hui. L'on peut voir aussi une mise en abîme des relations familiales difficiles, que ce soit au sein de l'oeuvre de
Shakespeare, ou au sein de la vie de David, fils aîné mal aimé, qui a trouvé sa voie, sans l'approbation de ses parents. Mouton noir de la famille ? Pour ceux qui veulent à tout prix rester dans la norme, dans le paraître, dans la réussite sociale à tout prix, oui.
Pour ma part, je vois aussi, en creux, le portrait d'une femme, Anne, qui porte la charge de son foyer, charge mentale, charge financière. L'on comprend, en creux, ce à quoi elle a dû renoncer, ce qu'elle a réussi à obtenir – c'est à dire avoir enfin un enfant. Certains, certaines, trouvent normal qu'une femme se sacrifie, « soit au service » de leur conjoint, pour leur permettre de s'épanouir. Mais Anne, quand s'épanouit-elle ? David sent bien qu'ils sont arrivés à un point de rupture dans leur relation – mais ce roman, comme toute oeuvre classique, se déroule dans une unité de temps (une journée), de lieu (un appartement) et d'action (refaire la mise en scène de
la Tempête alors qu'une tempête sévit à l'extérieur), nous n'en saurons pas plus, nous pouvons imaginer que peut-être…. ou pas.
Ma tempête – ou comme si les éléments exprimaient les tourments intérieurs de David.