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Plutôt qu'un pseudonyme, Fernando Pessoa a inventé des hétéronymes, vocable qu'il a choisi pour nommer ses doubles dont Alvaro de Campos. C'est sous ce nom qu'il a publié en 1934 ce poème déroutant intitulé « Bureau de tabac » dans la revue Presença. La traduction est moins heureuse que le titre original en portugais de Tabacaria.

Alors qu'il s'exprime dans des vers d'une belle architecture, j'ai dû reprendre ma lecture à deux fois n'ayant pas saisi la profondeur du texte la première fois. J'ai eu l'impression qu'il ne parlait que de lui en se plaignant de son sort mais en le relisant j'y ai lu plus de subtilités.
C'est la confession douloureuse du poète dans le cadre banal du quotidien puisqu'il est chez lui en face du bureau de tabac.
Dans ce texte d'introspection, on voit les souffrances d'un homme qui s'acharne à se rabaisser, à se détruire. « Je ne suis rien »… cruelle façon de dire sa déprime. Pourtant, le poète semble se transformer à la vue de la réalité du monde extérieur représenté par le marchand de tabac ou le client qui entre dans la boutique. Son désespoir semble se dissiper dans la fumée d'une cigarette bien qu'il reste sans idéal.

Si le texte est d'une grande virtuosité, il reste bien trop pessimiste pour moi. L'auteur passe quand même son temps à se dénigrer en tant que poète tout en écrivant mais c'est peut-être pour ça qu'il avait besoin d'un avatar pour signer ce poème.


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Avec ce (très) court recueil, je découvre un poète dont je ne savais rien auparavant. Ce poème correspond à l'hétéronyme Alvaro de Campos (il en a plusieurs pour lesquels il a écrit différents textes), et au cas où vous ne sauriez pas ce qu'est un hétéronyme, comme moi il y a peu, il s'agit d'un pseudonyme auquel on donnerait vie, lui façonnant une biographie ainsi qu'un style indépendant de soi.
Un homme, à la lucarne de sa chambre donnant sur une rue et un bureau de tabac, se trouve en ce point qui frôle le non-retour, où le moindre être vivant vaut bien plus que soi-même, où l'on n'est plus qu'un souffle, une feuille au vent. On suit ses découragements, sa défaite, son éloignement du monde jusqu'à ce que le bureau de tabac le ramène auprès de nous. Poème, très court récit, introspection, c'est un peu tout ça et c'est presque doux, de la douceur de la mélancolie.
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Toute une vie bien ratée de Pierre Autin-Grenier, dessine en épitaphe les premiers vers du poème Bureau de tabac de Fernando Pessoa, Je ne suis rien, je ne serai jamais rien …, je suis intrigué par ces mots, je recherche, j'arpente et déniche ce recueil, bilingue, traduit par Rémy Hourcade aux éditions Unes. Sous le nom de Alvaro de Campos, un des pseudonymes de l'auteur Portugais, écrit le 15 janvier 1928 à Lisbonne, ce poème navigue son écoulement pour être publié pour la première fois dans le numéro 39 de la revue Presença, en France, il aura deux parutions en 1955 et 1968, celles-ci sont épuisées, à l'occasion du cinquantième anniversaire de la mort de Fernando Pessoa, une édition prestige de 1000 exemplaires sur Centaure ivoire fut tirée. Ce court poème est comme une désolation de l'instant, où respire Cioran et ces Syllogismes de l'amertume, et de l'inconvénient d'être né, la mélancolie maladive d'Arthur Schopenhauer savoure l'instant de ces vers, venez-vous perdre dans ces mots et laissez-vous transporter dans cette réflexion métaphysique.
De sa fenêtre, un homme regarde ce que la vue lui offre, une rue, un bureau de tabac, puis s'échappent des pensées sur l'existence, sur lui-même, comme un Sartre dans La nausée, dès les premiers mots , il n'est rien, mais il porte tous les rêves du monde, sa rue oscille dans le va-et-vient continuel, étant une impasse des pensées, puis cette déambulation qui promène le poète vers des chemins de vies où la mort est présente, elle moisit les murs et blanchit les cheveux, la vérité et la mort errent ensemble, comme Pierre Autin-Grenier, Fernando Pessoa par l'homme qui regarde par la fenêtre dit « J'ai tout raté », est-ce lui cet homme, avec ce « je » , je n'ai pas voulu interposer le « je » avec l'auteur, pour fuir ce poème vers les lecteurs, qui pourront s'y identifier, mais je sais pertinemment que le « je » est bien l'auteur, cet homme dans l'année de ces 40 ans, en proie avec son alcoolisme, qui le tuera 7 ans plus tard, il est de la génération montante des modernes, fuyant après l'instauration de la dictature civile, ces propos sur la dictature militaire, il est dans ce poème, cet homme qui est dans le désenchantement, face à ce Bureaux de tabac qui trône devant sa fenêtre, lui, posé dans l'immobilité de son être, isolé dans sa chambre, regardant le vie et son quotidien.
Cette déambulation introspective, celle d'un promeneur dans les dédales de sa pensée, le bureau de Tabac face à lui, cette façade bien réelle, mais l'intérieur le rêve si échappe, en laissant cette réalité tournoyer de l'intérieur, celle de la nature et là la multitude l'angoisse, le nombre le rend invisible, la génie que Rimbaud touchera par la main de Dieu, cette main sera-t-elle celle de notre poète, résistera-t-il à l'histoire, sera-t-il le sommet de la montagne, ce vertige d'être ce génie, au lieu de devenir ce fumier qui consomme notre chair à notre mort, inconnu des autres, du monde qui élève le génie et laisse les autres dans des asiles pour avoir gouté au vertige du savoir, celui de la conquête, comme peut-être crédule Don Quichotte dans l'illusion de sa folie. le rêve emporte la réalité pour sentir palpiter cet espoir qui anime les hommes et les femmes, cette conquête que l'on souhaite, Napoléon reste ce conquérant inutile face aux rêves de notre narrateur, il est perdu dans ces songes de conquête comme aspiré par le virtuel de son être, statique face à la réalité, il se perd dans ces chimères, ces rhizomes qui transpirent son cerveau, Kant, le Christ sont des apprentis face au savoir qu'il créé dans son imaginaire, restant dans la mansarde, cet héros s'englue dans l'illusion du virtuel, laissant le réel aux autres, tous lui échappe, est-il dans un délire, ce poème est-il un rêve qu'il consume, ou une saoulerie qui le grise, cet homme étendu dans son lit, conquérant de literie, cet homme s'éveille de sa conscience pour cette métaphore du monde chocolat, cette gourmandise puis cet homme s'enlise dans les couloirs de son âme , il est en quête d'une muse, comme ceux d'une autre époque, comme si, dans l'égarement de son être, il voulait être ailleurs, dans un temps qui était, mais son coeur est un seau vidé, et soudain la réalité le regarde dans ses yeux au-delà de cette fenêtre, l'existence anime la vie de la rue, les boutiques, les trottoirs, les voitures passent, la vie est là devant sa fenêtre, La nausée est là pas très loin, L'étranger le ronge, comme Meursault de Camus, la narrateur regarde son existence encore et encore, comme si il ne l'avait pas vécu, tel le lézard dont sa queue coupée continue de s'agiter au-delà de lui, ce masque adhère à son être, il veut être celui qu'il désire être sans être celui qu'il pense être, son être devient inoffensif…..
Le temps érode les souvenirs, les existences se meurent et vivent à travers les choses que l'on n'oublie pas comme ces vers ou l'enseigne du Bureau de tabac, puis tout deviendra poussière, le cycle de la vie se perpétue dans cet espace, ce monde, cette galaxie, les vers et les enseignes renaitront dans une autre réalité, cette farandole constelle la vue de Fernando Pessoa, l'incertitude, je suis le tout, je suis le rien comme Nietzsche. La vie d'en face du Bureau de tabac réveille notre homme perdu dans sa méditation exploratoire, la cigarette se consomme en lui, la fumée est la route qu'il doit suivre, tout s'arrête en lui, cette métaphysique intime n'est qu'une indisposition, une échappée belle, une excroissance de son être, il devient soudain le fumeur, il est dans la liberté d'inhaler ce tabac qui goudronne ces poumons, le Destin lui accorde cette faveur pour faire durer cet instant, la liberté de fumer, et la main tendu d'un client du Bureau de tabac le sort de son exile métaphysique, c'est un ami Estève (Estève-n'a-pas-de-métaphysique), et soudain la vie continue, notre fumeur salue cette connaissance, faisant sourire le patron du Tabac et l'idéal et l'espoir resteront muet, la connaissance du l'univers venant s'effacer pour vivre sa vie, comme celle de Fernando Pessoa.

Il est toujours difficile de pouvoir critiquer un poème, j'ai plutôt navigué dans les émotions qui ont animées ma lecture, les sensations qui ont suées ma chair, le poème anime l'instant du poète mais aussi celui du lecteur qui souvent se l'approprie et le digère, il marque au fer rouge le lecteur de son empreinte et le poème comme le poéte sont aspirés dans le tube digestif du lecteur pour y être dissout dans l'essence même que le lecteur voudra bien se l'approprier. Fernando Pessoa a su me prendre la main pour voyager dans son univers, j'aime me perdre ainsi dans les mots d'un autre pour nager dans le contre-courant de ces vers, pour y sentir la saveur et la coucher dans mes mots plus humbles et maladroits.
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Un ami portugais m'a dit un jour qu'il ne fallait pas trop lire Pessao, que cela rendait neurasthénique. Je devrais peut-être suivre son conseil, mais pas tout de suite, car je viens de relire une fois de plus "Bureau de tabac", texte qui me fascine depuis que je l'ai découvert, parce que j'ai l'impression que, d'une façon ou d'une autre, le magistral Lisboète avait déjà, en 1928, couché sur le papier ce qui deviendrait la trame de mes pensées, une forme d'appréhension calmement désespérée, parce que lucide, de l'existence. Je trouve cela tragiquement beau, on me dit que c'est très triste, et je m'interroge: serais-je alors déjà très neurasthénique?
Mouvement impitoyable de la pensée qui éteint à peine formulés tous les espoirs qui osent l'assaillir, qui pose des questions dont il est inutile de chercher la réponse, qui nous mènerait vers la mort, tranquillement, comme la seule issue possible, si la chute ne nous ramenait pas le sourire d'Estève sans métaphysique.
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Ce poème de Fernando Pessoa a été écrit sous l'hétéronyme Alvaro de Campos en 1928. Il interpelle et déconcerte, ouvert à la fois sur le réel - une rue et un bureau de tabac que le poète observe de sa mansarde - et un monde intérieur fait d'interrogations et de fulgurances, à la lucidité parfois brutale. Si Pessoa, sous un nom d'emprunt, y exprime son pessimisme, s'il avoue son sentiment d'échec, non sans ironie, s'il remet peut-être même en question le pouvoir des mots et, partant, de la poésie à laquelle il voue son existence, "Bureau de Tabac" reste une oeuvre insaisissable et parfois étincelante.
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Fernando Pessoa (1888-1935) a été un homme de lettres génial, mais mal reconnu. Entre autres , il a écrit (en prose) "Le Livre de l'intranquillité", une oeuvre originale et d'une rare intensité. "Bureau de tabac" est une longue poésie qui, à juste titre, est passée à la postérité. Pessoa s'exprime fortement sur son vécu, partagé entre espoir et désespoir. Mais c'est ce dernier qui l'emporte nettement: il écrit: « Mon coeur est un seau qu'on a vidé ».
La dimension du poème est évidemment très personnelle, mais aussi métaphysique. Dans "Bureau de tabac", il y a beaucoup d'angoisse et une interrogation existentielle récurrente: qui suis-je ? qu'est-ce que je peux faire de ma vie ? Il écrit: « Que sais-je de ce que je serai, moi qui ne sais pas ce que je suis ? ».
On n'est pas très loin de l'existentialisme, mais ici l'intention n'est pas philosophique. L'auteur s'abstient de toute intellectualisation, de toute généralisation. Mélancolique, il pratique l‘autodérision et s'appuie sur quelques détails dérisoires de sa vie: sa mansarde, son intérieur négligé, le bureau de tabac en face de chez lui… Quoiqu'éloignés de son expérience vécue, les lecteurs du XXIème siècle sont pris à la gorge par l'authenticité du texte. Pessoa parle pour nous tous...
Ici, pas d'artifice littéraire, pas d'obscurités voulues et pas de joliesse travaillée. Cette poésie se lit très facilement, malgré la tristesse mortelle dont elle témoigne. Les mots employés sont simples, les phrases sont fluides, leur sens apparait immédiatement et l'auteur ne fait pas rimer ses vers. Je trouve pourtant que Pessoa a un talent poétique fou.
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Voici encore un poème atypique.

J'ai un gros rhume,
Et tout le monde sait comme les gros rhumes
Altèrent le système de l'univers.
Ils nous fâchent avec la vie,
Et nous font éternuer jusqu'à la métaphysique.
J'ai perdu la journée entière à me moucher.
J'ai mal confusément à tout mon crâne.
Triste condition d'un poète mineur !
Aujourd'hui je suis vraiment un poète mineur !...

Je ne me sentirai pas bien tant que je ne me verrai pas au fond de mon lit.
Je ne me suis jamais senti bien autrement que couché dans l'univers.

Excusez un peu … le bon gros rhume bien physique !
J'ai besoin de vérité et d'aspirine.
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Une nouvelle tout en poésie.
Le meilleur de Fernando Pessoa
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Une lecture impromptue, en fouinant à "Mémoire 7", à Clamart, avant de me rendre à une de mes obligations professionnelles !
Besoin de recharger les batteries avec un peu de poésie ...

La poésie était au rendez-vous... mais fort sombre, digne du ton de Cioran...

Ce "Bureau de tabac" magnifiquement imprimé sur un beau papier,avec des illustrations noir et blanc de Fernando de Azevedo, est complété en deuxième partie par le texte original, en portugais..

Un texte lapidaire où se rejoignent désespérément l'amour de la vie ainsi que l'incompréhension d'être sur terre, et le
POURQUOI de tout cela !!

Restent la poésie, la musique et le magie des mots, pour nous apaiser quelque peu...

"Aujourd'hui je suis vaincu comme si je savais la vérité (...)
Aujourd'hui je suis lucide comme si j'allais mourir
Et n'avais d'autre intimité avec les choses
Que celle d'un adieu, cette maison et ce côté de la rue
devenant
Un convoi de chemin de fer, un coup de sifflet
A l'intérieur de ma tête,
Une secousse de mes nerfs, un grincement de mes os à
l'instant du départ. (...)
J'ai tout raté.
Comme je n'avais fait aucun projet, ce tout n'était
peut-être rien.
J'ai enjambé la formation qu'on m'a donnée
Par la fenêtre de derrière
Et je me suis enfui à la campagne, plein d'espoirs.
Mais là je n'ai trouvé que de l'herbe et des arbres;
Quand il y avait des gens, ils étaient pareils aux
autres. " (p. 15-16)

"Nous conquérons le monde avant de sortir du lit;
Mais nous nous éveillons, il est opaque,
Nous nous levons, il est étranger,
Nous sortons de chez nous, il est la terre entière,
Plus le système solaire, plus la Voie lactée,
plus l'Indéfini. (p. 23)
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L'étrangeté de vivre rend perplexe, semble dire Alvaro de Campos dans Bureau de tabac. Dans ce poème, il accumule les négations, les négations de négations. Il soumet l'existence au rayons X des pensées, emboitées les unes dans les autres comme des poupées russes. Examinons ces pensées à la loupe, au microscope, jusqu'à leur disparition complète. Vous avez dit dérisoire ?

"Je ne suis rien. Je ne serai jamais rien. Je ne peux vouloir être rien. Cela dit, je porte en moi tous les rêves du monde".

"J'ai tout raté. Comme je n'avais aucune ambition, peut-être que ce tout n'était rien".

"J'ai vécu, j'ai étudié, j'ai aimé, et j'ai même cru,
Et maintenant j'envie chaque mendiant pour la seule raison qu'il n'est pas moi (...)
Peut-être n'as tu existé que comme un lézard auquel on a coupé la queue,
Et finalement c'est la queue du lézard qui continue d'exister, et de façon fort agitée !"

Alvaro semble déboussolé. Il a tout manqué, a horreur de lui-même, s'autoflagelle. Intoxiqué de négativité, il oscille entre scepticisme et sentimentalité.

"Mange tes chocolats, fillette, mange donc tes chocolats !
Écoute, à part le chocolat, il n'y a pas de métaphysique au monde.
Écoute, toutes les religions n'enseignent rien de mieux que la confiserie.
Mange, petite cochonne, mange !
Ah ! Si seulement j'étais capable de manger des chocolats avec ton naturel !"

Alvaro de Campos jouit de voir ses pensées s'évaporer comme fumées de cigarettes. Il porte tant de masques que certains collent à son visage. le torticolis de son âme perçoit tout de travers. Métaphysique du chocolat ou de l'absurde ? Salut, Alvaro !
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