La littérature sur Carriès se faisant particulièrement rare, il faut bien faire flèche de tout bois pour se renseigner sur ce sculpteur et céramiste à la vie brève et tout à fait exceptionnel en son genre. Ce petit ouvrage, publié à l'occasion de l'exposition que lui avait consacré le Petit Palais en 2007-2008, se révèle une bonne porte d'entrée pour découvrir cet artiste encore très méconnu.
On y trouve l'essentiel sur la vie et le travail très particulier de Carriès, notamment sur son intérêt pour l'artisanat, pour les thèmes et les figures fantastiques, hybrides, monstrueuses et, bien entendu, sur ce qui fut son grand-oeuvre, jamais achevé : la Porte monumentale. Les illustrations, nombreuses et plutôt bien choisies, donnent une juste idée de ce que fut son univers. À noter d'ailleurs que la présentation de quatre versions différentes de son Faune montre parfaitement la variété de ses recherches sur l'émaillage.
Je trouve juste dommage qu'on ait pas davantage tiré partie du format de ce livre. En effet, les hors-série des Découvertes Gallimard se présentent comme des objets un rien ludiques, où les pages se déplient pour se déployer en format A4. Il aurait donc été souhaitable que la totalité de ces pages soient réservées uniquement à l'oeuvre de Carriès : en consacrer une à son portrait par Louise Breslau relève un peu du gâchis. de plus, j'adorerais que Gallimard aille un peu plus loin dans la confection d'un livre au format si spécifique, en s'inspirant peut-être des albums animés pour enfants (où l'on peut tirer, déployer en volume, etc.) : ça aurait particulièrement bien convenu à Carriès. Mais j'imagine que c'est un peu compliqué à réaliser.
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Le grand œuvre de sa vie est une commande faite par Winaretta Singer, riche héritière américaine, d'un encadrement de porte en grès émaillé de près de 6 mètres de haut sur 8 mètres de long pour l'atelier de son hôtel particulier parisien : la "Porte monumentale", dite aussitôt "Porte de Parsifal". Eugène Grasset, dessinateur et décorateur, théoricien de l'Art Nouveau, en a dessiné le projet, qu'elle approuve en 1890.
De cet univers tout empreint de légendes wagnériennes, sur lequel règne l'image même de la commanditaire, Carriès va bientôt faire un spectacle de cauchemar. Winaretta prend peur ; d'autant que la mise en œuvre prend plus de temps que prévu ; et l'artiste réclame toujours plus d'argent pour la mener à bien.
Carriès divise la Porte en plus de 600 carreaux de formes irrégulières. Ses recherches de terres et d'émaillages donnent des résultats aléatoires : à la cuisson, les terres ne se rétractent pas de la même manière, la position de l'objet dans le four suffit à faire varier l'effet de surface. La perte au défournement n'est pas négligeable, rendant d'autant plus précieuses les réussites. Cet objet d'art gigantesque devient le lieu de son martyre ; à en surveiller les étapes, il y perd la santé et meurt sans l'achever.
En 1888, il s'installe près d'un gisement de terre à grès en Puisaye, dans la Nièvre, voyant là l'occasion de renouveler son art par la céramique : d'un moule, il peut tirer plusieurs grès qu'il émaille lui-même. Il finance ainsi les œuvres majeures de la fin de sa carrière. A travers ces processus de reproduction artisanaux, ses œuvres échappent à la fabrication industrielle pour devenir chacune une œuvre unique.
Carriès multiplie les recherches empiriques d'émaux, prenant pour modèle la céramique d'Extrême-Orient, et faisant tenir à ses ouvriers des cahiers de "recettes" dans lesquelles il se perd lui-même. Un temps, il engagera un chimiste de la Manufacture de Sèvres pour y mettre un peu d'ordre. Il trouve bientôt des émaillages rares : effets de peau de requin, coulures aléatoires, rehauts d'or et d'argent.
Colloque Les grandes expositions des musées de la Ville de Paris - Mutation&publics - Partie 1 .Paris Musées et l' Institut national d'histoire de l'art (INHA) ont organisé les 11 et 12 mars 2016 un colloque portant sur les grandes expositions des musées de la Ville de Paris. Samedi 12 mars 2016 « La grande mutation des expositions et la question des publics » La dialectique entre collections, expositions et public ; Libertés et contraintes. Gérard Audinet (conservateur général, directeur des Maisons de Victor Hugo), Amélie Simier (conservateur en chef, directrice du musée Bourdelle) Programme du colloque : http://parismusees.paris.fr/sites/etablissement_public/files/cp_dp_visuels/communiques_de_presse/cp_colloque_expositions_des_musees_de_la_ville_de_paris.pdf
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