Nous allons nous promener dans la forêt.
Promettez moi et regardez moi bien
dans les yeux, assurez moi que vous n'allez pas frémir?
Cette escapade sylvestre est faite de rencontres, inattendues, amicales, parfois moins.
Philippe Jalbert vous tend la main et vous guide dans ces bois en noir et blanc.
C'est intriguant, deux personnages vaquent à leurs pensées, suivent leur destination et il nous semble reconnaitre le chaperon et même le loup.
Les double-pages naviguent sur deux visions, à l'unisson.
Ils vont se croiser, c'est certain, nous connaissons l'histoire.
Et nous voyons.
Tandis que l'enfant d'un côté prète attention aux bienveillances accueillantes sylvestres (comme d'habitude), la vision du loup, plus sombre, tapi derrière des feuilles, épiant derrière les arbres et dans l'ombre offre un contraste inquiétant qui fait monter la tension.
Nous la connaissons cette histoire et pourtant, c'est comme si "il était une fois".
Le bois, bien qu'ayant perdu ses couleurs, est à l'honneur.
Le texte joue aussi de tonalité, une comptine innocente chantonné d'un coté, "À la claire fontaine, m'en allant promener"(pauvre enfant!), les râles gustatifs du filou qui accompagnent l'imminente apparition de l'autre narrateur dans son champs de vision (l'air de rien, ce loup. Voyou!).
On peut frémir de peur ou d'excitation, ou les deux, d'un plaisir de petit lecteur à aimer se faire peur, à apprécier aussi le soin de la mise en scène avec ce détail de rouge dans la "verdure" ( cela a bien du être vert à une époque).
Philippe Jalbert nous donne le vertige, avec ces vues de promenade, à nous perdre dans l'immensité naturelle, mais est-ce bien raisonnable de se montrer aussi insouciant, petit Chaperon.
Nous restons dans le fameux conte de prudence.
Rouge.
Le costume se reflète dans le regard du loup dont nous finissons par apercevoir le museau.
Loup, mon Grand, que cette truffe est énorme!
L'approche du conte est originale et superbe, fascinante, bien posée sur sa magie duelle.
Nous sourions. Nous entendons les pensées du loup qui choisit le bon moment pour se mettre à table.
Nous imaginons l'enfant tourner la tête ci et là allègrement, offrant des instantanés de sa promenade dans la forêt aux lecteurs (elle est gentille, cette petite).
Une véritable approche cinématographique, du Brian de Palma, pour les petits. Un film d'horreur, donc! Brrrr...
Ce réalisateur pour les parents qui ne se couchent pas à l'heure des poules, pour la petite histoire, départageait l'écran de certains de ses thrillers en deux, sur des temps de suspens insoutenables, offrant des simultanéités tandis que le danger se profile comme un aileron de requin.
Philippe Jalbert semble user de la même recette de cinéaste et gage que cela portera ses fruits, ravira.
On aime bien les fruits.
On aime les jolies albums aussi.
A cet âge, on aime aussi se faire peur avec de bonnes histoires.
Bref, tout le monde a faim et ce n'est pas le loup qui pourrait contredire.
Une approche esthétique et narrative à conseiller à partir de 7-8 ans pour ne pas en perdre l'intention travaillée, il ne fait pas parti des titres premières découverte de ce Conte en direction maternelles. Ou bien préparez les alèses pour le pipi au lit.
La 1ère de couverture est assez éloquente.
Attention! Album magnifique!