Entre nous existerait toujours l’inévitable froissement de deux natures opposées qui cherchent à s’exprimer, à s’imposer. Moi, je capitulais vite, laissant la victoire à Iris, mais j’étais lasse de ces joutes perpétuelles, lasse des persécutions de Mina qui me détestait parce que je lui ressemblais, lui rappelant une jeunesse brillante alors qu’elle était sur son déclin. C’est pourquoi j’étais partie, dans un grand sursaut de révolte, dans un désir éperdu de me trouver, de savoir exactement ce que j’étais. Dans l’espoir aussi de me réaliser.
Il était parti un matin… Je n’ai jamais oublié ses yeux pleins de larmes tandis qu’il se penchait vers moi pour m’embrasser, ses épaules courbées, cet air de chien battu qui m’attendrissait. J’avais une dizaine d’années, mais cette scène est gravée pour toujours dans ma mémoire. Il est mort quelques années plus tard, en France, dans le Midi. Je me souviens encore du ton dédaigneux de Mina lorsqu’elle commenta cette mort, je me souviens de sa froideur, de ses yeux secs, de son mépris.
J’éprouvais de l’horreur, du dégoût, une extrême fatigue aussi et mon cerveau embrumé ne parvenait plus très bien à clarifier les pensées qui se bousculaient dans ma pauvre tête. A l’agaçante inquiétude qu’iris avait fait naître en moi au sujet de ce Luigi était maintenant lié le grave problème d’Agnès. Réellement je ne pouvais rien faire, ne sachant rien de ce garçon !