Faites votre 180° ! : Vous avez tout essayé. Et si vous tentiez l'inverse !

Les prémisses de l'école de Palo Alto et notamment son principe fondateur absolument dépathologisant nous font toujours nous poser dans ce type de situation la question suivante : « qu'est-ce qui empêche cette personne de faire ce qui réglerait son problème de façon définitive ? Et plus précisément dans ce cas (où elle a déjà expérimenté une première fois l'efficacité du principe), y a-t-il des risques liés au fait que ce problème soit résolu ? » Cette question est souvent mal accueillie par la personne qui souffre, il faut très fréquemment la poser de façon non culpabilisante, et concrétiser pour obtenir des réponses. « Dites-moi, Yasmin, imaginons que Justine dorme à 20 h 30 comme tous les enfants de son âge chaque soir. Que feriez-vous de vos soirées ?
- Je me retrouverais avec mon mari.
- Oui. Et?
- Eh bien, nous aurions à nouveau une vie de couple.
- C'est-à-dire ?
- En fait... ce serait un peu ennuyeux parce que, depuis l'accouchement, je n'ai plus du tout de désir pour lui. Il me le reproche sans arrêt, je lui dis que je suis fatiguée, mais il me dit que maintenant que Justine fait des nuits complètes, il ne devrait plus y avoir de problème. - Je vois. Vous avez donc une excellente raison de ne pas tenter d'appliquer le plan que nous avions conçu ! Parce que si, en plus, Justine se couche rapidement, vous n'aurez plus aucune raison de ne pas répondre favorablement aux sollicitations sexuelles de Monsieur point et cela mettrait sans doute votre couple en danger puisque vous devriez lui dire que vous n'avez plus de désir. Alors que si Justine continue à faire durer le soir, cela vous protège d'une discussion difficile et que, peut-être, vous n'êtes pas prêt à avoir avec votre mari pour l'instant.
- Oui, je ne m'en étais pas rendu compte.

Watzlawick amphi l'objet d'une expérience édifiante. Il demanda un jour à Don Jackson de recevoir en consultation un diagnostiqué paranoïaque qui n'avait de cesse d'essayer de convaincre tout le monde qu'il était psychologue clinicien. II demanda en parallèle à ce dernier de bien vouloir se laisser filmer avec un malade paranoiaque qui cherchait à convaincre tout le monde qu'il était psychiatre. Il mit en scène en réalité sans qu'ils le sachent la confrontation de deux vrais psys qui ne se connaissaient pas. Chacun mit toute son énergie à tenter d'apaiser I'autre sur la foi des informations préalables : plus I'interlocuteur se comportait comme un psy (une obligation, puisque chacun pensait avoir en face de lui un patient très atteint), et plus ce comportement confirmait son prétendu délire aux yeux de son collègue méconnu. Watzlawick en conclut que le diagnostic s'apparente parfois à une « étiquette » douteuse, induite par une idée préconçue, venue d'un tiers faisant autorité.

La moindre des difficultés d'apprentissage va donner lieu à un diagnostic « dys» de plus en plus précis. Chaque petite différence va être scrutée, observer, décortiquer pour donner lieu à l'élaboration d'une étiquette, qui sera très souvent strictement décontextualisé et issu d'un décodage linéaire:«Quel est le problème qui a dans sa tête ? » Ce qui dédouane évidemment l'entourage adulte d'une quelconque responsabilité, ne serait-ce qu'interactionnelle dans la persistance du problème. En ce sens, le diagnostic est soulageant. Mais on ne verra pas que les enfants diagnostiqués « dys » sont des enfants que nous qualifions dans nos centres de consultations Chagrin Scolaire, d'« enfants microscopes »: scrutés, observés, pris en charge, à qui on dénie parfois toute autonomie. Un diagnostic qui n'est pas psychodégradable. En ce sens qu'il prend le risque de maintenir définitivement l'enfant dans son incompétence et son manque d'autonomie.

Au même titre que des millions d'homosexuels ont été « guéris » en un clin d'oeil et sans traitement lorsque les psychiatres du DSM ont déclaré que l'homosexualité n'était plus une maladie, des milliers d'enfants en bonne santé mais pas exactement dans la norme - sont aujourd'hui diagnostiqués « malades » parce qu'ils rencontrent des difficultés d'apprentissage ou relationnelles. Or, je suis convaincue que cette scrutation permanente et le diagnostic déresponsabilisant qui en découle contribuent largement à cristalliser les suscités problèmes. Parce qu'être sous le microscope même bienveillant, même expert d'une dizaine d'observateurs par mois rend a minima nerveux et au pire un peu caractériel. Pourtant, c'est bien souvent pour cette raison que les parents prennent rendez-vous avec nous ; un des étranges paradoxes modernes.

C'est bien souvent notre perception de ce qu'est une bonne mère, un bon époux, un bon manager ou un bon prof et la façon dont nous nous accrochons à cette définition pour gérer nos difficultés dans la tenue de ces différents rôles qui génèrent de la souffrance, chez nous et chez les autres. Notamment parce que ces perceptions, qu'on peut apparenter à des croyances, nous poussent fréquemment à faire toujours un peu plus de la même chose pour résoudre nos problèmes, dans une persévérance qui devient rigidité. Nous transforme en une statue de verre, infiniment vulnérable et de moins en moins adaptable.