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EAN : 9782070777327
176 pages
Gallimard (23/03/2006)
4.33/5   3 notes
Résumé :
«C'est vrai que nous aimons la vie, mais ce n'est pas parce que nous sommes habitués à vivre. C'est parce que nous avons l'habitude d'aimer.»
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
LA MUSIQUE AUX TUILERIES ET LA PALETTE DE MANET

Quelle mémoire m’occupe et m’appelle ici, maintenant, dans cette promenade où un tableau évoque je ne sais quelle intrigue mouvante, je ne sais quel soleil aujourd’hui caché, et ma vie dépendante d’un savoir (ça voir) et d’une géométrie secrète où l’histoire, le « sentiment d’humanité » de l’avenir, le « sens historien » que Nietzsche présente comme « la sédimentation de quelque chose de nouveau et d’étrange », m’entraînent, avec cette peinture de Manet (a mani ad vesperum) La Musique aux Tuileries, à me fixer en ce lieu, en ce point du temps où se célèbre « l’Apothéose de Voltaire » et le nœud brûlant de l’Athéisme qui, de Gassendi à Guy Patin, Gabriel Naudé..., compose cette société d’esprits libres « guéris du sot », que fréquentait le très libertin chevalier Giovanni Battista Marino, protecteur de Poussin, de l’admirable, du fabuleux peintre des fables, des saisons, de la fable des saisons et des saisons des fables, plus protégé à Rome qu’à Paris ?

Que sait-il Manet, ce républicain plus prompt à applaudir la République que le Peuple ou la Nation ? Que sait-il, que célèbre-t-il avec cette « Musique... » en 1862 ?

Que sait-il des Cérémonies religieuses de la Terreur, de la Déesse Raison, de la Guillotine, un moment installée place du Carrousel... ? Quelle sédimentation de quelque chose de nouveau et d’étrange se découvre dans La Musique aux Tuileries... dans la musique, dans la disposition du monde où nous vivons ?

Comment Manet n’aurait-il pas connu l’œuvre du peintre et graveur Gabriel de Saint-Aubin qui, avant de consacrer tout un carnet au « Couronnement de Voltaire », illustre, vers 1760, dans la grande allée des Tuileries La bonne société devisant serrée sur les chaises du jardin. De cette perception, de ce savoir dans l’ordre des sensations, il y va de l’espace et des énergies, du lieu et de l’information, du mouvement mouvant des formes et des transformations mutantes...

La Musique aux Tuileries, et aujourd’hui encore l’espace qui m’entoure, l’espace est histoire (Historia Argumentum Fabulaque), savoir (ça voir où l’on s’enfonce), récits, vie qui toujours recommence ...

Napoléon III a été plébiscité empereur par les Français en 1852. Manet termine La Musique aux Tuileries en 1862...

Dix ans, c’est assez !

En 1862, le palais des Tuileries, où Napoléon III tient sa cour, est un centre de vie luxueuse qui s’étend aux jardins où, deux fois par semaine, la musique attire un nombreux public. Manet vient très souvent y travailler en compagnie de Baudelaire, et décide finalement d’en prendre possession en y installant ses familiers. Le tableau a ceci de particulier et, bien évidemment, de voulu : située aux Tuileries chacune des figures, qui composent la foule des familiers de Manet, est identifiable.

La Musique aux Tuileries : partant de la gauche, et dans le sens de la lecture, on reconnaît l’artiste (en chef d’orchestre) il tient à la main droite une canne, une baguette que l’on pourrait confondre avec un pinceau (La Musique aux Tuileries — l’art et la musique du pinceau), puis vient le peintre Albert de Balleroy avec qui Manet a partagé son premier atelier. Entre eux, on identifie une figure qui pourrait être Champfleury. Assis en arrière-plan, Zacharie Astruc, grand admirateur, avec Baudelaire, de Lola Melea (Lola de Valence). Le journaliste Aurélien Scholl, qui écrit, en avril 1876 : « Le peintre Manet a eu, avec sa femme blanchissant des langes — Le Linge [qui fut un temps dans la collection de Paul Gallimard] —, un succès inespéré... ». Au centre d’un groupe, Baudelaire, dont on reconnaît le profil, sur le modèle de l’eau-forte que Manet a déjà faite de lui. Théophile Gautier (dédicataire des Fleurs du mal) et le baron Isidore Taylor grand amateur de peintures espagnoles. Fantin­ Latour qui, en 1864, fera figurer Manet dans son Hommage à Delacroix et réalisera un grand et très élégant Portrait de Manet, en 1867. Au premier plan, le magnifique portrait de Mme Lejosne accompagnée d’une femme identifiée comme une amie de la famille de Manet. Debout, au centre de la composition, Eugène Manet, frère de l’artiste. En arrière-plan, Jacques Offenbach, l’auteur de La Vie parisienne, et le peintre Charles Monginot, un ancien de l’atelier Thomas Couture où étudia le jeune Manet.

Le kiosque à musique ne figure pas sur le tableau, et l’on ne peut alors s’empêcher de penser que Manet identifie musicalement, dans un jardin royal, la vie, la disposition et la composition de son Paris, de son monde.

C’est vu... « Monsieur Manet est un homme du monde au sourire fin et ironique... »

Manet identifie musicalement et politiquement en dialogue la disposition de ses familiers (comme l’a fait Gabriel de Saint-Aubin) qu’il ne réunit pas par hasard au jardin.

La Musique aux Tuileries... Où en sommes-nous en ces jardins ? On songe à ce que Edmond de Goncourt note dans son Journal, du 12 octobre 1866, à la suite de sa visite du musée Quentin La Tour :« Notre impression en entrant dans le musée de Saint-Quentin ... c’est mieux que l’art, c’est de la vie [...] Oui, une impression que nul autre peintre du passé ne nous a donnée ailleurs [...] Stupéfiant musée de la vie et de l’humanité d’une société. Toutes ces têtes paraissent prêtes à se tourner pour vous voir, tous ces yeux vous regardent, et il semble que vous venez déranger, dans cette grande salle, où toutes les bouches viennent de se taire, le XVIIIe siècle qui causait. »

Et comment ne pas retenir la belle citation d’un auteur du temps de Watteau, que Sollers cite dans La Fête à Venise :
« L’on trouve souvent aux Tuileries, pendant le mois de mai, des gens qui y vont le matin avec des luths et des guitares et autres instruments, pour prendre un divertissement. Les rossignols et les fauvettes viennent se placer presque sur le manche des instruments pour les mieux entendre... »

D’un très conscient et vigilant « mouvement rétrograde » avec ce premier grand tableau de La Musique aux Tuileries, Manet ne célèbre-t-il pas à sa façon en « Apothéose », l’esprit de Voltaire... la musique, l’esprit et l’art de vivre en intelligence, secrètement dans une même et tendre intimité...

J’écoute en vie tous ceux qui m’accompagnent...

La Musique aux Tuileries : Manet en son jardin... Les contemporains perçoivent confusément que c’est un geste politique (Manet et le second Empire — Manet, de Rio de Janeiro, à son cousin Jules de Jouy, en février 1849, il a tout juste dix-sept ans : « Que dis-tu, toi, grand politique, de la nomination de L. Napoléon ; n’allez surtout pas le nommer empereur, ce serait trop drôle. » Et à son père, un mois plus tard : « Vous avez donc eu des émotions à Paris, tâchez de nous garder pour notre retour une bonne république, car je crains bien que L. Napoléon ne soit pas très républicain »). La Musique aux Tuileries, un geste politique ou, plus encore, aristocratique.

En 1867, Manet est à Paris, pour l’enterrement de Baudelaire au cimetière Montparnasse. Il peint L’Enterrement (aujourd’hui au Metropolitan museum de New York) et travaille déjà à ce qui deviendra L’Exécution de l’empereur Maximilien (Maximilien d’Autriche empereur du Mexique), dont il réalisera trois versions... Les soldats mexicains du peloton d’exécution portent des uniformes sur le modèle des uniformes des soldats français...

Ses proches comme ses contemporains ne comprennent pas pourquoi Manet se situe délibérément sur le terrain de la « peinture d’Histoire » (Suzanne Manet : « Quel malheur qu’Édouard se soit acharné là-dessus ! Que de belles choses il aurait pu peindre pendant ce temps »). Et pourtant nous y sommes. La lithographie tirée du tableau sera elle aussi interdite... La censure comprend confusément que c’est une autre aventure, un autre engagement, une autre vie, une autre histoire dans l’Histoire, un autre argument dans une autre fable, un autre départ qui est pris. [...]
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Paris, lundi 1er novembre

Retour au même — Ce lundi 1er novembre, la Toussaint : Tous saints... la fête de tous les saints... Baudelaire, Rimbaud, Nietzsche... et tous les saints qu’évoque Marcel Proust, à propos de Baudelaire : « Comme si tous n’étaient que des épreuves un peu différentes d’un même visage, du visage de ce grand poète qui au fond est un, depuis le commencement du monde, dont la vie intermittente, aussi longue que celle de l’humanité, eut en ce siècle ses heures tourmentées et cruelles que nous appelons vie de Baudelaire, ses heures laborieuses et sereines que nous appelons vie de Hugo, ses heures vagabondes et innocentes que nous appelons vie de Nerval... »

Qu’en est-il de la sainteté... Dans le tableau des jours, la sainteté participe à la vie divine... Et ainsi la vie est une occupation de tous les instants... qui exhaussent la vie.

Retour au même. La bibliothèque... Nietzsche en ouverture (1888) : « Tant de choses étranges sont passées près de moi, en ces instants hors du temps qui nous tombent dans la vie... et où l’on ne sait tout simplement plus combien on est déjà vieux et comme on sera encore jeune... Je ne veux pas douter qu’il y ait de nombreuses espèces de dieux... il n’en manque pas que l’on ne puisse imaginer sans un certain alcyonisme et une certaine légèreté... Les pieds légers sont peut-être inséparables de la notion de "Dieu"... Est-il nécessaire de préciser qu’un dieu sait se tenir en tout temps au-delà de tout bon sens... »

Au-delà du bon sens, je m’y tiens encore. Je joue ma chance.

Retour au même — traversée... « Qu’est-ce qui peut nous rétablir ? Le spectacle de ce qui est accompli... » Je laisse errer mon regard autour de moi... Ce qui est acquis : le passage, le mouvement qui revient... le corps qui se fait et se refait plus ou moins brutalement dans l’histoire traversée, ici et maintenant... dans la langue... (trouver une langue)... L’enjeu, en France, l’entêtement... la résistance... la force, l’intention de renforcement... l’histoire en tête, les armes, les instruments de l’action... et toujours la chance... unique. Le corps, il faut comprendre... « tout est français, c’est-à-dire haïssable au suprême degré », écrit Rimbaud. J’y reviens. Le corps est immédiatement engagé dans cette opération en effet chirurgicale. Ce que je viens de vivre. Ce que je vis encore... Curieuse impression... ce risque c’est le même... déjà vécu, mais il fallait sans doute ainsi, qu’en force, et dans le sang, plus violemment, il parle. Ce n’est pas un rêve. Ce n’est pas un accident. Dans le tableau des jours c’est un pur effet de la sainteté... et de la chance... « un matin nous partons... »

Je laisse errer mon regard autour de moi... et je m’y tiens : Tel Quel, L’Infini, rien de semblable à cette aventure où je suis fondamentalement engagé... depuis toujours... Qu’est-ce que cet engagement que prolonge le corps ? Rien de comparable à cet engagement de vie qui passe et s’établit dans son actualité... rien de comparable à cet engagement guerrier... et théologique « par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens »...

Au départ, à l’évidence, spontanément, la chance, dans le français et pour cette tranche horaire : Rimbaud lecteur de Baudelaire. Encore faut-il avoir vécu comme force physique, le voyage. [...]

*
La fête de tous les saints
Rimbaud : « Je voyais avec son idée le ciel bleu et le travail fleuri de la campagne, je flairais sa fatalité dans les villes. Il avait plus de force qu’un saint, plus de bon sens qu’un voyageur — et lui, lui seul ! pour témoin de sa gloire et de sa raison. »

La fête de tous les saints — le Roman...
Sur la terrasse, dans le ciel, le français m’entre dans la tête comme un bateau... Roman du français... Voyage dans le roman... Voyage au bout de la nuit... après le déluge : Tel Quel L’Infini... un prétexte... la navigation, le germe, le lieu, le vase alchimique actuel... la bonne disposition du temps... à la porte, l’arche (cette porte est une porte sans porte) Rimbaud lecteur de Baudelaire... un vrai Dieu, Rimbaud... Shakespeare... Homère enfant... le grec dans le français... au retour... les yeux, les oreilles des plus riches pensées...

Le Voyage : « Un matin nous partons... » Sur place, nous partons...

« La messe et les premières communions se célébrèrent aux cent mille autels de la cathédrale. Les caravanes partirent... »

Le Voyage : On ne part pas... Benjamin Constant 1797, Des effets de la Terreur en France : « La terreur a préparé le pays à subir un joug quelconque, elle l’a rendu indifférent, peut-être même impropre à la liberté, elle a courbé les têtes, elle a dégradé les esprits et les coeurs. »

Rimbaud 1871 : « Tout ce qui est français est haïssable au suprême degré »... au départ c’est toujours la même certitude... Trouver une langue... Et encore... l’être au monde : aucune lamentation... La fête de tous les saints.

Au départ, pour nous, l’Épopée : « Je veux, dit-il, atteindre ce point de lumière ordonnée... » (la France, la Grèce, l’Inde, la Chine...) façon de parler dans le roman.

En ce vendredi saint, Baudelaire, comment se déplace-t-il dans la lumière ? Baudelaire, la guerre et la paix, le plaisir sur tous les fronts gagnés.

Je regarde le ciel, son étendue, ses fantasmagories et ses trouées blanches, éblouissantes dans le gris... les masses nuageuses sans consistance et comme le remuement de la pensée... comme un cœur qui palpite... Tous ont été sous la nuée, tous ont passé à travers la mer... Il faut aussi savoir vivre de cette vaste habitation du ciel. Drôle de corps !

Au départ, je peux dire que la victoire m’est acquise, c’est ainsi dans l’air soyeux et grave d’aujourd’hui... les invisibles atomes de la victoire... Je m’échappe, je m’engage, je vois, je me perds dans la trouée, le bleu... l’échappée, le bien et le mal et comme ils travaillent de concert et comme ils sèment... [...]

*
Je tremble comme une feuille dans ce qui se pousse devant moi... l’esprit ne fait pas défaut... je le sais, l’Instant est là. L’Instant du Saint-Esprit... la gloire du soleil sur la mer violette... Et tout se renverse à nouveau... « Ô cerveaux enfantins »... l’Instant est une position imprenable... les caravanes partent... un jeu... « le combat spirituel est aussi brutal que bataille d’hommes, mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul »... les couleurs propres de la vie se foncent et dansent et se dégagent autour de la vision sur le chantier...

C’est ainsi. Un matin nous partons. Un matin dans le ciel... Un après-midi place de la Concorde... Hier au lever du jour sur le mont Valérien... À l’aube dans une salle d’opération... S’il m’est indifférent de gagner, de gagner ou de perdre... je ne le saurai jamais... Et maintenant je laisse... Rien d’autre... L’arbre et ses branches... au printemps... L’Un seul... Et un fleuve sort de l’Instant de notre éternité.

... sur cette voie... dans le roman... il y a toujours une faveur des dieux puissamment assis sur le banc des rameurs.
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Départ : Paris, dimanche 9 janvier 2005

LES ESPRITS LIBRES

[...]
Nietzsche : 1876-1886 ... Et aujourd’hui encore, et comme jamais, les esprits libres et le savoir-vivre, l’art d’aimer contre la maladie, l’isolement, l’exil, l’acedia, le désoeuvrement ...

Retour aujourd’hui et départ sous l’oblique et les figures de l’éternité : Baudelaire ... Manet dans l’affection et le bruit neufs en son Autoportrait à la palette (1879) ... en son monde

Je me suis fixé sur cet Autoportrait de Manet, en flash, dans l’autobus qui me conduisait pour la première fois à l’hôpital Foch ... « l’homme habite poétiquement » en sa
palette en flash, pensée pour Manet Baudelaire ... Mallarmé discrète intelligence de Manet son Autoportrait à
la palette ... son autoportrait dans la musique : La Musique aux Tuileries ...

Ce qui est vécu, ce qui se propose en flash dans l’Instant, est sans mesure ... se creuse sans mesure ... Les « esprits libres » se déplacent à la vitesse de la lumière ... il y faudrait des volumes, toutes les bibliothèques et tous les monuments ... et encore l’air vif qui passe entre les volumes ... La peinture est un art savant dans la tête sur ce qui se divise et s’impose et s’invite en divisant ...

Ce matin au réveil j’ai toute la peinture et tous les livres ... l’expérience intime et sensuelle, les couleurs de la vie ... des rivières de romans derrière les yeux ... derrière les yeux, le feu nourrit le feu, la terre s’augmente de son propre corps, l’éther ajoute à l’éther ... et encore ce matin, proche et lointaine, mais la même, la Laura de Giorgione, la Vénus à la
fourrure de Titien, et comme elle se présente le Concert
champêtre ... la musique ... Poussin, les Saisons « La grappe
de la Terre promise » derrière les yeux ... la nuit et la lumière ...
et de l’une à l’autre et la ville ce matin ... et toutes les vies
des anciens peintres et la danse dans les yeux ... et cette
fixation, le regard, la main peinte de Manet en son Autoportrait à la palette ... et tout ce qui se propose dans ce trait ... te l’homme habite poétiquement » sur sa portée ... Manet, sa palette et toute la musique peinte dans son jardin ... la vie musicale, l’autoportrait comme monde ... La Musique aux Tuileries ... l’univers de Manet. [...]

Je me suis fixé ce rendez-vous dans la tête, l’esprit libre ...
L’Autoportrait à la palette et La Musique au Tuileries, un dimanche matin.

Aujourd’hui, en ses jardins, l’arc de triomphe du Carrousel et, sur sa lumière rose, la copie des chevaux du palais des Doges à Venise... La lumière emportée dans le rose, le lion, l’étendard de la république vénitienne, l’étendue dans le vent... Plus loin, l’hommage à Cézanne : le savoir métaphysique des Grandes Baigneuses ... Çà et là, au centre des parterres, Maillol... en volume la voluptueuse musique de Maillol : la Rivière, la Nuit, la Méditerranée, l’Hommage à Cézanne, Vénus, Pomone, l’ Île de France, la Baigneuse drapée, les Nymphes... les déesses, les jeunes géantes renversées... « J’eusse aimé vivre auprès d’une jeune géante... Parcourir à loisir ses magnifiques formes ; ramper sur le versant de ses genoux énormes, et parfois en été, quand les soleils malsains, lasse, la font s’étendre à travers la campagne, dormir nonchalamment à l’ombre de ses seins, comme un hameau paisible au pied d’une montagne.

Saurai-je l’entendre ? L’âme n’est rien qu’un mot pour quelque chose qui est du corps...

Olympia... « Ta tête, ton geste, ton air, sont beaux comme un beau paysage »... Sur les pelouses... le rire joue en ton visage... Je me souviens !... J’ai vu tout, fleurs, source, sillon, se pâmer sous son ?il... comme un coeur qui palpite ... le sensuel abandon... « J’eusse aimé voir son corps fleurir avec son âme »... Et aujourd’hui encore à Paris... dans la tête en fête, dans la clarté lumineuse et d’un inimitable gris.

Manet à Antonin Proust : « Ah ! les femmes. Hier j’en ai rencontré une rudement bien sur le pont de l’Europe. Elle marchait comme savent marcher les Parisiennes, mais avec quelque chose de plus enlevé. »

Toutes les femmes des anciens peintres ... Giorgione, la
Laura...Titien, Vélasquez, Chardin, Boucher, Fragonard... Manet La Musique aux Tuileries, la multitude, l’infini...

L’Autoportrait à la palette, les fleurs et les femmes ... La musique ... Le rôle des femmes peintes et mises en scène dans la musique ... Suzanne Leenhoff (musicienne), Victorine Meurent et sa guitare (« il y a des duretés »), Jeanne Duval (Maîtresse de Baudelaire), Lola Malea, dite Lola de Valence (« le charme inattendu d’un bijou rose et noir »), Berthe Morisot, petite fille d’un descendant de Fragonard : Le Balcon ; La Femme au soulier rose ; Berthe Morisot à l’éventail ; Berthe Morisot au bouquet de violettes...
[...]
, Suzon, la serveuse de Un bar aux Folies-Bergère (aujourd’hui au Courtauld Institute de Londres) [...]« Les Folies françaises »... les femmes, les fleurs, les fruits, une partition « de la manière dont nous voyons la nature »...

Paul Alexis écrit dans Le Voltaire du 25 juillet 1879 : « Édouard Manet est un des cinq ou six hommes de la société actuelle qui sache encore causer avec une femme. »

« [...] J’ai eu la chance (car en collection particulière) de découvrir ce tableau à l’exposition Manet au Grand Palais en 83, pour le centenaire de sa mort (pendant les manifestations d’étudiants que je séchais...). Son intensité m’avait longuement retenu ; je ne l’ai jamais oublié...
Un peintre se montre, peignant, quelques mois après les premiers signes de ce qui l’emportera...
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Hôpital Foch, Suresnes-Mont Valérien, dimanche 17 octobre [2004]

P. m’accompagne.[...] Je ne suis pas mon corps cancéreux... mais atteint... touché... ce qui détermine chez moi une sorte d’horreur... une profanation... Noli me tangere. « Ne me touchez pas »... vécu ici avec une extrême violence

[...]

Au sixième étage, chambre 648, les fenêtres donnent sur une colline boisée...

[...]

...Maintenant... Je serai opéré demain à la première heure. Je ne m’attendais pas à ce que cette situation me fasse à ce point voyager, et me précipite avidement dehors... sur la colline voisine... les moindres détails, les bonnes et les petites choses et tout ce qui commerce avec l’abondance du monde...

[...]

Voyage... Odette au téléphone ce matin... Chaque appel, chaque signe, chaque parole... et c’est encore le même fil rouge... tout un roman [1] passé...

[...]

Ma solitude est surprise par l’intelligente et présente attention de Sollers, par l’amitié de Gérard Piltzer. L’un et l’autre se sont, quasi quotidiennement inquiétés, de mon engagement dans ce plus ou moins décisif tour.

L’envoi, dédicace des Ecrits de Jacques Lacan à Philippe Sollers : « On n’est pas si seuls, somme toute ! »

L’enquête de cette solitude se poursuit...
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La Musique aux Tuileries : partant de la gauche, et dans le sens de la lecture, on reconnaît l’artiste (en chef d’orchestre) il tient à la main droite une canne, une baguette que l’on pourrait confondre avec un pinceau (La Musique aux Tuileries-l’art et la musique du pinceau) [...] Au centre d’un groupe, Baudelaire, dont on reconnaît le profil, sur le modèle de l’eau-forte que Manet a déjà faite de lui.

La Musique aux Tuileries ... Où en sommes-nous en ces jardins ? On songe à ce que Edmond de Goncourt note dans son Journal, du 12 octobre 1866, à la suite de sa visite du musée Quentin La Tour : « Notre impression en entrant dans le musée de Saint-Quentin ... c’est mieux que l’art, c’est de la .vie » [...]
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Videos de Marcelin Pleynet (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marcelin Pleynet
Édouard Manet (1832-1883) : Nuits magnétiques par Jean Daive (1983 / France Culture). Diffusion sur France Culture le 8 juin 1983. Peinture : Édouard Manet, "Autoportrait à la palette", 1879. Par Jean Daive. Réalisation Pamela Doussaud. Avec Philippe Lacoue-Labarthe (critique, philosophe, écrivain), Dominique Fourcade (écrivain), Marcelin Pleynet (écrivain, critique d'art), Jean-Pierre Bertrand (artiste peintre), Joerg Ortner (graveur, peintre), Jean-Michel Alberola (artiste), Constantin Byzantios (peintre), Isabelle Monod-Fontaine (conservatrice au musée Georges Pompidou) et Françoise Cachin (conservatrice au musée d'Orsay). Lectures de Jean Daive. Édouard Manet, né le 23 janvier 1832 à Paris et mort le 30 avril 1883 dans la même ville, est un peintre et graveur français majeur de la fin du XIXe siècle. Précurseur de la peinture moderne qu'il affranchit de l'académisme, Édouard Manet est à tort considéré comme l'un des pères de l'impressionnisme : il s'en distingue en effet par une facture soucieuse du réel qui n'utilise pas (ou peu) les nouvelles techniques de la couleur et le traitement particulier de la lumière. Il s'en rapproche cependant par certains thèmes récurrents comme les portraits, les paysages marins, la vie parisienne ou encore les natures mortes, tout en peignant de façon personnelle, dans une première période, des scènes de genre : sujets espagnols notamment d'après Vélasquez et odalisques d'après Le Titien. Il refuse de suivre des études de droit et il échoue à la carrière d'officier de marine militaire. Le jeune Manet entre en 1850 à l'atelier du peintre Thomas Couture où il effectue sa formation de peintre, le quittant en 1856. En 1860, il présente ses premières toiles, parmi lesquelles le "Portrait de M. et Mme Auguste Manet". Ses tableaux suivants, "Lola de Valence", "La Femme veuve", "Combat de taureau", "Le Déjeuner sur l'herbe" ou "Olympia", font scandale. Manet est rejeté des expositions officielles, et joue un rôle de premier plan dans la « bohème élégante ». Il y fréquente des artistes qui l'admirent comme Henri Fantin-Latour ou Edgar Degas et des hommes de lettres comme le poète Charles Baudelaire ou le romancier Émile Zola dont il peint un portrait : "Portrait d'Émile Zola". Zola a pris activement la défense du peintre au moment où la presse et les critiques s'acharnaient sur "Olympia". À cette époque, il peint "Le Joueur de fifre" (1866), le sujet historique de "L'Exécution de Maximilien" (1867) inspiré de la gravure de Francisco de Goya. Son œuvre comprend des marines comme "Clair de lune sur le port de Boulogne" (1869) ou des courses : "Les Courses à Longchamp" en 1864 qui valent au peintre un début de reconnaissance. Après la guerre franco-allemande de 1870 à laquelle il participe, Manet soutient les impressionnistes parmi lesquels il a des amis proches comme Claude Monet, Auguste Renoir ou Berthe Morisot qui devient sa belle-sœur et dont sera remarqué le célèbre portrait, parmi ceux qu'il fera d'elle, "Berthe Morisot au bouquet de violettes" (1872). À leur contact, il délaisse en partie la peinture d'atelier pour la peinture en plein air à Argenteuil et Gennevilliers, où il possède une maison. Sa palette s'éclaircit comme en témoigne "Argenteuil" de 1874. Il conserve cependant son approche personnelle faite de composition soignée et soucieuse du réel, et continue à peindre de nombreux sujets, en particulier des lieux de loisirs comme "Au Café" (1878), "La Serveuse de Bocks" (1879) et sa dernière grande toile, "Un bar aux Folies Bergère" (1881-1882), mais aussi le monde des humbles avec "Paveurs de la Rue Mosnier" ou des autoportraits ("Autoportrait à la palette", 1879). Manet parvient à donner des lettres de noblesse aux natures mortes, genre qui occupait jusque-là dans la peinture une place décorative, secondaire. Vers la fin de sa vie (1880-1883) il s'attache à représenter fleurs, fruits et légumes en leur appliquant des accords de couleur dissonants, à l'époque où la couleur pure mourait, ce qu'André Malraux est un des premiers à souligner dans "Les Voix du silence". Le plus représentatif de cette évolution est "L'Asperge" qui témoigne de sa faculté à dépasser toutes les conventions. Manet multiplie aussi les portraits de femmes ("Nana", "La Blonde aux seins nus", "Berthe Morisot") ou d'hommes qui font partie de son entourage (Stéphane Mallarmé, Théodore Duret, Georges Clemenceau, Marcellin Desboutin, Émile Zola, Henri Rochefort).
Sources : France Culture et Wikipédia
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