AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782350878911
320 pages
Editions Héloïse d'Ormesson (17/08/2023)
3.17/5   30 notes
Résumé :
Cette fois, elle part. C’est décidé. Blanche refuse de finir dans un entrefilet du canard local comme l’énième victime d’un féminicide. Oui, elle se casse pour de bon. Tant pis si ce départ lui fait mal, ce ne sera pas pire que les gnons qu’elle encaisse. Elle va aller retrouver son frère à Bourgevel. C’est là, dans la station huppée dirigée par un truand de haut vol, qu’un chercheur invente un tissu révolutionnaire thermorégulé à partir d’une bactérie vorace. Qu’il... >Voir plus
Que lire après Tout blancVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
3,17

sur 30 notes
5
4 avis
4
4 avis
3
3 avis
2
1 avis
1
2 avis
Il nous en fait voir de toutes les couleurs

Frédéric Ploussard confirme toute l'originalité de sa plume avec ce second roman tout aussi déjanté que Mobylette. Cette fois, il imagine un savant débordé par son invention, une neige qui ne fond pas et va envahir la planète. Un roman noir tout blanc.

Longtemps elle aura retardé l'échéance – par peur, par honte ou par lassitude – mais cette fois tout est prêt. Blanche prend la fuite, quitte l'ouest et un mari violent. Ce n'était que «lorsqu'il n'était pas là ou trop saoul pour l'emmerder» qu'elle pouvait éviter les coups. Elle part pour les Alpes où elle espère retrouver son frère et se construire une nouvelle vie. Après une étape à Lyon chez Malika, une ancienne collègue, la voilà dans cette station qui dépérit et où pourtant elle espère pouvoir se construire une nouvelle vie, s'inventer un avenir radieux.
L'avenir radieux, c'est aussi ce qu'espère Arsène Tapelot, patron des textiles Tapelot, qui a investi dans l'invention de François Tapinski, le coton thermorégulé , c'est-à-dire qu'il permet au corps de rester toujours à la même température, peu importe le climat dans lequel se meut l'individu qui a enfilé cette invention. Si Arsène a très vite compris le potentiel de ces vêtements, les ventes ne décollent pas car «la couleur Allemagne de l'Est» de ce coton est rédhibitoire. Il faudrait trouver un moyen pour que l'on puisse teindre la matière. Alors le savant cherche…
C'est alors que le roman va basculer.
Ah, la figure du savant fou! On pense au Docteur Jekyll devenant Mister Hyde, à Mabuse, à Frankenstein ou encore au docteur Moreau de H.G. Wells. À cette liste, il convient désormais d'ajouter François Tapinski. Comme beaucoup de ses prédécesseurs, le chercheur est animé de bonnes intentions, mais va se laisser entraîner dans une dangereuse spirale. Pour relancer Bourgevel, la station de sports d'hiver qui se meurt – le réchauffement climatique a fait disparaître son beau manteau blanc – Tapinski a l'idée de créer une neige artificielle qui ne fondrait qu'à 36°C. Autant dire que le maire du village accueille à bras ouverts l'idée et le savant. Son premier essai ira bien au-delà de ses espérances puisque son usine va produire, produire, produire… Devenue une boîte de Pandore incontrôlable, sa fabrique va non seulement transformer la vallée, mais s'étendre bien au-delà. La neige s'accumule partout et ne fond pas. Il faut désormais se mouvoir dans des mètres de neige qui recouvrent le pays et bientôt le continent, avant de s'attaquer à la planète tout entière. Seul un petit archipel du Pacifique a pu éviter le désastre. Au milieu de ce «tout blanc», il ne reste qu'à fuir!
Et nous voilà partis dans un road-trip totalement improbable, passant de la motoneige au chalutier, mais qui va nous réserver son lot de surprises. On y croisera à nouveau Blanche et son frère, un tueur à gages finnois, Arsène et son épouse Mélina – qui va révéler son vrai visage –, un éleveur de chiens, un survivant de la station spatiale ou encore la Présidente de la République. Bref, vous l'aurez compris, il y a là de quoi vous régaler.
Creusant le sillon de Mobylette, Frédéric Ploussard laisse son imagination débordante envahir toutes les pages – encore blanches – pour nous offrir un roman noir. Ce faisant , il n'oublie pas en chemin son humour corrosif. En s'amusant et en nous amusant, on en oublierait presque que ce conte apocalyptique est aussi une mise en garde contre les excès de la science, contre les atteintes à la nature. Des mises en garde de ce calibre, on en redemande!


Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          231
Lorsqu'il se met à tomber cette drôle de neige sur la station de Bourgevel dans les Alpes, tout le monde pense que tant de neige en plein mois de mai, c'est presque un rêve.

Mais quand cette neige commence à recouvrir la Planète, ensevelissant des villes entières et édifiant sur la mer des falaises de glace, alors on se dit que, si l'on n'est pas dans un cauchemar, on n'en est quand même pas loin.

Et si tout venait de cette invention folle d'un tissu réfrigéré, le coton 19, qui conduit un chercheur français à concevoir une « neige tempérée » ne fondant qu'à 35°C, avec comme petit inconvénient de « solidifier » la plupart des personnes qu'elle touche.

Alors quand Blanche, fuyant un mari violent, débarque du Finistère dans cette petite station de ski, rien ne lui laisse présager que la fin du monde est peut-être proche.

Dans ce roman à l'originalité débridée, on retrouve pêle-mêle, un tueur à gage devenant narcoleptique à la vue de la neige, un directeur d'usine textile prêt à financer toute innovation malgré les risques avérés, un maire sans foi ni loi aux méthodes radicales d'élimination de ses contradicteurs, un musher en charge d'un refuge pour chiens anti-dépression et un cosmonaute fou qui commente en musique la catastrophe depuis la station spatiale. La liste des personnages est longue et on n'a pas fini de se régaler à les découvrir les uns après les autres, dans ce monde qui est en train de disparaître sous des montagnes de neige.

Après d'improbables courses-poursuites, en selle sur une moto-neige, au volant d'une dameuse ou aux commandes d'un chalutier, ce roman s'achève dans un final explosif et nous laisse ébahi et ravis de ce débordement d'imagination.

Au-delà du comique des situations et des dialogues, on peut imaginer que Frédéric Ploussard, avec cette fable d'anticipation, nous alerte sur ces apprentis sorciers qui jouent avec notre environnement, sans réfléchir aux conséquences désastreuses qu'ils peuvent engendrer.

Je suis ressortie aux anges de ce roman réjouissant mené tambour battant, qui m'a tenue en haleine de la première à la dernière page.
Commenter  J’apprécie          82
En grande fan de Mobylette, j'attendais avec impatience la sortie de Tout blanc. J'imagine la pression, pour un auteur, de sortir un deuxième roman !
Verdict ?
Ploussard a un style bien à lui, la plume est affirmée, on sent le plaisir à la rédaction, il s'amuse, oui, c'est certain. Des noms connotés aux clins d'oeil facétieux (la Dent du diable !), des situations totalement aberrantes aux idées loufoques, oui, Ploussard a trouvé sa marque de fabrique, c'est sûr. Au diable les chemtrails, l'auteur va bien plus loin et déverse un flot de neige sur le monde, apocalypse où certains, plus chanceux que d'autres, trouveront leur résilience.
L'histoire commence avec Blanche, empêtrée dans des violences conjugales et qui décide de fuir ; je l'ai adorée cette intro, tellement humaine et sensible, et forcément un brin déjantée : pas de cadenas ici, mais des explosions, à chaque personnage sa petite lubie 😉
Progressivement, les autres actants de l'histoire apparaissent et s'entremêlent : il faut un peu s'accrocher quand même pour raccorder tout ce beau monde et comprendre qui interagit avec qui… Alors pour le coup, alors que dans Mobylette aucun personnage n'est « en trop », j'ai trouvé là une petite surcharge pour ma part… Et alors que dans Mobylette, étrangement, j'ai trouvé les situations complètement crédibles, même les plus aberrantes, j'ai eu ici plus de mal à me projeter dans l'histoire. Et je ne vois à cela qu'une seule raison : dans Mobylette, j'ai senti la faiblesse et la force de l'auteur, j'ai senti son sensible, Dominique parlant à « je » comme une seconde voix. Dans Tout blanc, il m'a manqué un Dominique. Bien sûr que Salvetat le tueur narcoleptique est formidablement bien campé. Bien sûr qu'Anthony est passionnément attachant et qu'on est dégoûté pour ce pauvre Geoffrey. Bien sûr qu'on attend qu'il leur arrive des bricoles, au maire, au savant fou, et qu'à la fois on se fout pas mal de Kristie, de la présidente, et même de Matthias Lescut et de sa vision stellaire. Bien sûr que Gilles nous rassure : père rédempteur enfin ! Bien sûr que le décor est surréaliste et pourtant peut-être passablement prémonitoire (les rennes ont-ils survécu, du coup ? Ou ont-ils servi de nourriture aux fauves échappés ?). Mais mon Dominique est absent, c'est le Laurent caché derrière Dominique que j'ai traqué toute ma lecture et je ne l'ai pas trouvé…
Je vais aller de ce pas me commander un tee-shirt Tapelot pour contrer la canicule estivale et un Dep-Dog, aussi, l'idée est géniale. Même si je n'ai pas été aussi enthousiasmée que pour Mobylette, c'est une chouette lecture, très rafraichissante, qui fait sourire et grincer des dents. Bravo !
Commenter  J’apprécie          30
Un roman qui débute très sérieusement par le choix de Blanche de quitter son compagnon. Un choix courageux face à la violence quotidienne qu'elle subit. Non, elle ne sera pas un chiffre de plus dans les statistiques des féminicides. Blanche fuit en réglant ses comptes et cherche à se rapprocher de son frère. Elle trouvera un emploi dans la station prisée de Bourgevel (toute ressemblance avec Courchevel ne saurait être que fortuite). Elle sera vendeuse d'un produit innovant créé par un chercheur , un tissu thermorégulé à 19°C , qu'il fasse chaud ou froid. Ce même chercheur est en passe de produire une neige à température ambiante de quoi assurer l'enneigement des pistes toute l'année et la convoitise du maire de la ville. Pourtant dès le premier essai en pleine nature, la nouvelle invention va échapper à tout contrôle et se propager dans les airs pour recouvrir toute la région et plus encore d'un manteau tout blanc.

Le récit va alors prendre des proportions apocalyptiques. On trouve des personnages forts et diversifiés chacun avec leur propre personnalité distincte et des motivations complexes. Il y a là un tueur à gage particulièrement retors, un maire arriviste aux dents longues, un homme d'affaire qui va de désillusion en échec, un chercheur sans aucune éthique et des personnages féminins qui n'ont rien à leur envier. N'oublions pas la trouvaille du siècle des chiens surnommé les Dep-Dog qui aspire la dépression de leur maître quitte à y laisser leur vie. L'auteur nous dépeint avec un humour piquant des situations incroyables, rocambolesques et complètement folles. On assiste à une description post-apocalyptique plus vraie que nature des paysages transformés, la rareté des ressources, les tensions grandissantes entre les survivants. Mais toujours même dans les situations les plus sombres, il peut y avoir des lueurs d'espoir et de résilience. Ce roman nous offre une réflexion sur la nature humaine, les comportements instinctifs et les choix que nous faisons en situation de crise extrême. Bonne lecture.
Lien : http://latelierdelitote.cana..
Commenter  J’apprécie          70
J'ai beaucoup, beaucoup aimé ce roman. Au fil de la lecture, on rit, on s'étonne, on s'emporte. On vibre quoi!
L'écriture est très rythmée, aucun temps mort! L'auteur, avec beaucoup d'humour nous fait réfléchir sur la science et ses progrès. L'évolution scientifique est-elle vraiment bénéfique ? Et l'Homme dans tout ça ? Vaste sujet...
J'ai beaucoup aimé la façon dont sont dépeints les personnages, tour à tours désarmés et combattants. Qu'aurions-nous fait à leur place? Sommes-nous capables de résistance ?
Je me suis laissée emporter de suite dans cette histoire satirique, drôle mais philosophique aussi. J'ai passé un très très bon moment de lecture!
Commenter  J’apprécie          42

Citations et extraits (3) Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
Elle lisait le message qu’elle venait de recevoir sur son smartphone. Jérôme, son mari, dormait encore. Il s’était couché ivre au petit matin. Comme presqu’à chaque fois qu’il n’était pas d’équipe de nuit. Après avoir traîné au bar du port, il avait continué à boire à la maison, avec son pote, le gros Evan, celui qui avait perdu une jambe sous un container. Elle s’était pris une claque dans la nuit parce qu’elle leur avait demandé de baisser le son du match de baseball...Partir. Un thé infusait sur le plan de travail. Le message émanait de son beau-père. Il était en mer sur son chalutier à proximité des côtes anglaises et il avait pensé à elle. Blanche avait nettoyé et rangé le salon. Evan avait probablement dormi dans le canapé qu’il avait quitté à l’aube. Le salon, la cuisine, les chiottes. Un sac poubelle plein de merdouilles, puis elle s’était douchée, habillée, maquillée. Toujours un minimum de fond de teint à fort pouvoir couvrant pour cacher la misère, même s’il évitait son visage le plus souvent. Ce dont il se vantait. «Son cul et son visage, qu’est-ce qu’elle a d’autre?» Humour de docker.
Mais pas vraiment, pas cette nuit. Elle avait un bleu marbré sur la pommette en se levant.
Partir.
Il était dix heures. Par la fenêtre de la cuisine, elle aperçut la factrice devant l’immeuble alors qu’elle portait la tasse à ses lèvres. L’appartement était au troisième étage, les boîtes aux lettres au bord de la route, la fenêtre donnait de ce côté-là. C’était son anniversaire aujourd’hui. Le père de Jérôme le lui souhaitait dans son message. Trente-et-un-ans. Il lui demandait également des nouvelles de son frère. Blanche avait eu son frère au téléphone la veille au soir. Geoffrey lui avait annoncé avoir posté un cadeau. Il travaillait dans un atelier de confection à Bourgevel et chaque année, pour son anniversaire, il lui envoyait des grosses écharpes ou des moufles qui servaient peu dans le Finistère. Ça les faisait marrer avec Malika, sa meilleure amie. C’était l’intention qui comptait. Il l’avait appelée du standard de son foyer dans les Alpes, il avait perdu son portable, ce n’était pas la première fois. Elle avait toujours un pincement au cœur en pensant à son petit frère. Geoffrey ne s’était jamais complétement remis de l’accident de voiture qui avait coûté la vie à leur mère et dont Blanche était sortie indemne vingt ans plus tôt. Il avait été hospitalisé plus d’un an. Hébergé quelques mois avec elle en famille d’accueil à sa sortie pour ensuite être placé dans un premier foyer pour handicapés, puis un deuxième et, à sa majorité, un centre d’aide par le travail dans les Alpes qui l’hébergeait depuis onze ans. Elle le voyait peu. La dernière fois, c’était à son mariage. Son mari n’appréciait pas son beubeu de frangin, comme il l’appelait.
Blanche était restée dans la famille d’accueil. Leur père n’existait pas. Adolescente perdue et apeurée, une période tellement difficile, la pire. Quoiqu’aujourd’hui c’était la pire aussi, apeurée encore. Différemment.
Partir.
Elle le remercia pour son message. Le père de son mari, comme son mari, était un filou, mais lui n’était pas doublé d’un sale con. Elle frissonna en débouchant dans le hall. Son beau-père savait ce qu’elle endurait et il prenait toujours de ses nouvelles. Un filou délicat, le beau-père. Une fois dehors, elle se retourna pour regarder la façade de l’immeuble: la fenêtre de leur chambre, volets fermés, aucun mouvement derrière les vitres du salon, calme plat. Encore en train de cuver. Les meilleurs moments de sa vie de couple quand elle y réfléchissait.
Lorsqu’il n’était pas là ou trop saoul pour l’emmerder.
Au matin, elle ne craignait plus sa violence. Juste ses excuses ou son arrogance ; ce qui n’était pas moins douloureux. Elle se mit sur la pointe des pieds pour atteindre la boîte aux lettres. Capuche rabattue sur le visage, en sweat, ses longs cheveux auburn ramassés ; elle portait un jeans et des Vans bleues aux pieds. Une grosse enveloppe se trouvait bien à l’intérieur. L’écriture du petit frère en diagonale sur le papier, le cachet du foyer dans un angle. Elle s’en saisit. Geoffrey lui avait dit qu’elle serait fraîche, et c’était vrai. Elle la décacheta avant de remonter. Elle contenait un tee-shirt gris-noir qu’elle déplia. De taille 6XL au moins le maillot. Et un mot au feutre sur un papier à carreau qui lui glissa des mains : BONE ANNIVAIRSERE GRANDE SŒUR !
Entouré d’une trentaine de cœurs dessinés aux crayons de couleur.
Un tee-shirt toile de tente quasi-noir.
Il faisait chaud dans l’ascenseur mais le tee-shirt lui semblait bel et bien frais. Au téléphone, Geoffrey lui avait expliqué qu’ils ne produisaient plus de moufles pour les maisons de retraite. Les prisonniers leur avaient piqué le marché, moins chers, plus adroits et tout aussi disponibles. Eux cousaient désormais de la lingerie de corps dans un tissu fait d’une matière grise thermorégulée. De la matière grise, son frère en avait toujours eu à revendre mais l’accident avait tout rempilé autrement. Il avait ajouté qu’il avait eu super mal au ventre les jours précédents, parce qu’ils avaient mangé trop de nouilles chinoises pendant la semaine du goût. Elle était habituée à ses histoires sans queue ni tête. Elle ouvrit la porte de l’appartement et déposa le tee-shirt dans le vestibule en apercevant Jérôme assis à la table de la cuisine. Il s’était manifestement fait couler un café tout seul et c’était presque un deuxième cadeau d’anniversaire. L’apercevant, il lança :
– T’as une sale gueule Blanche !
Presque.

Un mois plus tard, Blanche faisait défiler les photos qu’elle venait de prendre sur l’écran de son smartphone. Son buste, son cou, son visage, pris en reflet dans le miroir.
Un bip se fit entendre. Un autre SMS de Jérôme. Il l’avait déjà appelée deux fois depuis qu’elle était dans la salle de bains. Elle n’avait pas décroché. Aucun bruit derrière la porte. Le verrou était tiré. Elle alluma la radio. Une journaliste interviewait Matthias Lescut, un cosmonaute français. Blanche lut le message: «Tu sais les couleurs de nos vies, celles qui demeurent. J’avais besoin du tee-shirt et j’ai oublié le psy. La nuit sucrée nous sortira de cette journée acide. Sors et maintenant et demain...»
Patati patata. Ses excuses.
Les couleurs. Ses couleurs à lui, mais ses couleurs à elle aussi. Elle les voyait bien, là, dans la glace. Violacées. Sa poitrine sur tout le côté droit, mélange d’ancien et de nouveau. Son sein gauche, toujours le gauche, avec la trace de ses doigts. Et son œil qui bleuissait déjà. Sa lèvre. Elle prit un pantalon, un sweat. Sa naïveté.
La raison n’était pas importante. Il y en avait toujours une. Ce soir, deux. D’abord celle de ne pas foutre la main sur le tee-shirt. Jérôme l’adorait ce tee-shirt. Elle aurait dû se taire, ne rien ajouter, mais elle avait commis la maladresse de lui demander ensuite s’il était passé chez le psy, c’était lui qui avait proposé, et les coups avaient commencé à pleuvoir.
Les insultes habituelles. Poussée, secouée, acculée contre la porte de la salle de bains. Une bonne dérouillée. Réfugiée à l’intérieur.
Il était resté derrière la porte un moment. Elle, immobile contre la baignoire, à serrer les dents, à écouter sa douleur pulser. Elle avait préparé un sac. Caché dans le vaisselier. Toujours une raison. Elle n’avait pas répondu. Alors il avait mis un coup dans la porte. Puis il avait essayé de lui téléphoner. Deux fois. Puis de la chambre le message : « Sors et maintenant et demain... »
Et demain tout continuera.
Elle n’avait jamais pensé le quitter, jamais vraiment pensé le quitter. Jusqu’à la mort de Brune. Ils étaient en couple depuis plusieurs années, mariés depuis deux. Il l’avait toujours battue. Peut-être pas les six premiers mois, ou c’était sa mémoire qui la trahissait. Une claque au début. « Oh ! chérie t’arrêtes! » Des pincements, des tapes du dos de la main. Et ces dévalorisations incessantes: «Ce que t’es conne!», «Tu me pousses à bout princesse», «Je m’en veux poulette, tu es tout pour moi, mais t’abuses!» Elle l’excusait. Elle s’excusait aussi. S’excusait de le pousser à bout. Excusait l’inexcusable pour tout encaisser. Tout recommencer. Se rabibocher. Pardonner.
Jusqu’à la semaine dernière, Brune Parchoie, première goutte, et hier, deuxième...
Hier, son frère l’avait appelée pour lui annoncer qu’on l’avait changé de foyer. Elle ne l’avait pas eu depuis son anniversaire. Un problème d’intoxication à cause des nouilles chinoises, il y avait eu deux morts. Qu’elle ne s’inquiète pas, il allait bien. Les projets individuels avaient été reconsidérés: le sien étant équitation, il allait probablement se retrouver à bosser dans un chenil parce qu’un haras, fallait pas rêver !
Il n’avait toujours pas de téléphone, mais il en aurait un dès qu’il aurait rejoint son nouveau lieu de vie. Geoffrey lui avait demandé si le tee-shirt lui plaisait. Il paraissait tellement heureux. Elle lui avait dit que oui et même avoué que c’était devenu le tee-shirt préféré de Jérôme. Geoffrey n’avait rien répondu. Il n’aimait pas davantage Jérôme que Jérôme ne l’appréciait.
Après avoir raccroché, elle avait repensé à l’article du journal paru la semaine précédente, celui qu’elle avait photographié, qui lui avait donnée envie de remplir un sac. Il concernait la mort d’une femme appelée Brune Parchoie quelques jours plus tôt.
Pour rien, pour tout, une autre couleur, Brune, Blanche, effacée l’une, l’autre...
Brune Parchoie avait été tuée par son compagnon lors d’une querelle dans leur appartement. Après l’avoir frappée, il l’avait jetée du deuxième étage devant leur fille. Un étage de moins que le sien dans un quartier tout proche. Parce qu’elle avait refusé ses avances. L’homme, comme Jérôme, travaillait sur les docks. Quelques affaires, du maquillage, un disque dur: Blanche avait préparé un sac. Partir avant. Brune était morte trois jours plus tard sans avoir repris connaissance. Avant l’inéluctable. Jé
Commenter  J’apprécie          20
Les ateliers Tapelot avaient fourni l’eau de la semaine du goût organisée par l’institut d’aide par le travail qui sous-traitait une partie de la production de la collection Désir d’opaque. Arsène n’en avait été informé qu’au troisième jour. Cette eau était le résidu des dernières expérimentations du chercheur. Elle avait connu la haute pression de l’opaque profond et de sa bactérie vorace avant de cuire les pâtes à l’institut. Deux pensionnaires étaient décédés dans la semaine. Le premier assis dans son fauteuil, dur comme du bois. Le deuxième, dans l’escalier. Le chef de service avait dû faire scier la rampe.
– Une légère constipation pour les autres, le chef de service a flippé c’est tout, se justifia Tapinski. La mort fait pleinement partie de la prise en charge dans ce genre d’établissement. Que ça tombe la semaine du goût les a un peu embarrassés, mais pour ta gouverne, ils ont connu d’autres problèmes depuis, des soucis de canalisations dans les sanitaires. Les aléas du quotidien au crépuscule.
– Franchement je m’en tape de savoir qu’ils ne peuvent plus tirer la chasse. On peut dire que tu sais me rassurer François.
Commenter  J’apprécie          60
Une vibration. «T’as pas fini, qu’est-ce que tu fous ma belle?»
Belle, elle ne l’était plus, mais ça reviendrait.
Elle le connaissait si bien. Il s’énervait de ne pas pouvoir s’excuser, comme un con allongé sur leur lit, à mater n’importe quoi sur Netflix. Il s’impatientait. Il appellerait. De plus en plus fort. Est-ce que la bouteille allait exploser? Il finirait par descendre, s’étonnant de l’écran noir normalement toujours allumé le soir. Il hésiterait un instant peut-être. Il tenterait d’allumer l’écran – faut tout faire bordel ! –, il découvrirait l’absence du câble et...
BOUM ! la bouteille de bourbon lui chaufferait les miches dans l’idéal.
Il ouvrirait en grand la porte de la salle de bains.
Il ouvrirait en grand celle du couloir.
Le silence.
Le prochain train partait dans six minutes. Paris-Montparnasse. Blanche verrait pour la suite là-bas. Elle avait faim.
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Frédéric Ploussard (8) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Frédéric Ploussard
À l'occasion de la 45ème édition du festival "Le livre sur la place" à Nancy, Frederic Ploussard vous présente son ouvrage "Tout Blanc" aux éditions Héloïse d'Ormesson. Rentrée littéraire automne 2023.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2879937/frederic-ploussard-tout-blanc
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Linkedin : https://www.linkedin.com/in/votre-libraire-mollat/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Vimeo : https://vimeo.com/mollat
+ Lire la suite
Les plus populaires : Littérature française Voir plus
Livres les plus populaires de la semaine Voir plus


Autres livres de Frédéric Ploussard (1) Voir plus

Lecteurs (73) Voir plus



Quiz Voir plus

Des livres à la rue

Dans quelle rue trouve-t-on la sorcière de Pierre Gripari ?

Mouffetard
Vaugirard
Gérard
Vieillard

10 questions
172 lecteurs ont répondu
Thèmes : Rues , littérature française , littérature étrangèreCréer un quiz sur ce livre

{* *}