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EAN : 9782140347597
366 pages
Editions L'Harmattan (31/08/2023)
5/5   1 notes
Résumé :
Durant le Mandat britannique, le sionisme a généré la matrice de son avenir. Pire encore, la partition entre Arabes et Juifs a engendré un fossé inscrit dans la géographie. Le 15 mai 1948, Israël possédait déjà les institutions constitutives d'un pouvoir régalien, prêt à prendre la place des Britanniques : les infrastructures politiques, économiques et militaires d'un État colonial. La Palestine mandataire était duelle. Elle l'est restée mais dans un système d'Apart... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Les français sont majoritairement peu connaisseurs de l'histoire du moyen-orient en général (Lorsqu'ils ne confondent pas Libye et Liban, c'est déjà bien) et de l'histoire de la Palestine en particulier. Ce qui a permis avec le temps et de la détermination de fabriquer un récit qui sert souvent maintenant de « vérité » médiatique adaptée à tous les plateaux de télévision. Je crois qu'il est utile ici de donner la définition de propagande :
« La propagande est un ensemble de techniques de persuasion mises en oeuvre pour propager, par tous les moyens disponibles, une opinion ou une idéologie. Ces techniques sont exercées sur une population afin de l'influencer, voire de l'endoctriner. Elle se caractérise par une manipulation mentale qui mélange sciemment l'information et l'opinion, afin d'éliminer le pluralisme des points de vue et d'empêcher l'exercice de l'esprit critique. »
J'espère qu'une bonne partie des lecteurs potentiellement susceptibles de lire ma « critique » de ce livre réfléchira encore un peu à cette notion en relation avec les actualités récentes, voire très récentes.
Lorsque mon libraire m'a proposé d'acquérir ce livre, ce n'était pas innocent : « paru avant les évènements tragiques de cet automne », « écrit par quelqu'un peu susceptible d'être soupçonné de conflits d'intérêts », « auteur au parcours de vie remarquable » etc...
J'ajouterai personnellement : ni juif, ni musulman...
Des ouvrages sur le conflit israélo-palestinien, il y en a beaucoup, j'en ai lu... Des avis sur la question, tout le monde en a, même ceux qui ne savent placer Gaza sur une carte que depuis que c'est un champ de ruines. Français ayant fréquenté les médias depuis toujours, les ayant progressivement délaissés par dépit, je reste intéressé par les mécanismes régissant les relations internationales. Alors un livre d'histoire de plus ? Sur ce sujet épidermique en plus ? Et puis un commentaire sur Babelio ? Pour voir mes condisciples lecteurs être outrés que je puisse commenter positivement un tel ouvrage ?
Mais, puisqu'on titillait ma curiosité, je me suis laissé tenter...
Faisons bref et soyons précis. Et tant pis pour ceux qui n'aimeront pas.
Si on commence par la fin, la bibliographie, on est sur du sérieux : aucun article de Libération, d'analyse d'Enrico Macias ni de BHL (désolé pour les amateurs de ce dernier, je sais qu'il y en a et cela me surprend toujours, surtout chez les lecteurs éduqués et amateurs d'histoire et de politique... biais affectif ?). On est sur du solide, exemple « Bénichou Delphine (Textes choisis et édités par), le sionisme dans les textes, CNRS Éditions, Paris, 2008 » ou encore « Abdel Jawad, S., Zionist Massacres : the Creation of the Palestinian Refugee. Problem in the 1948 War, in Benvenisti, E.,, Gans, C., and Hanafi, S., Israel and the Palestinian Refugees, Springer, New-York, 2007 » ou encore « Ben Gourion David, Les Arabes, les Palestiniens et moi, Éditions des presses du temps présent, Paris, 1974 » ou « Herzl Theodor, The Complete Diaries of Theodor Herzl, Edited by Raphael Patai, Herzl Press and Thomas Yoselof, New York & London, 1960 ».
Voici parmi tant d'autre les pages dont sont issues les différentes assertions développées par l'auteur, les citations consultables et vérifiables. J'en ai vérifié deux accessibles par principe d'autodéfense intellectuelle lorsqu'il s'agit d'essais de ce type. Mes choix de sources citées ici ne sont pas anodines, les plus affutés d'entre vous comprendront la diversité et la solidité des références.
Mais c'est un essai historique et non un inventaire de tout ce qui a été produit de pertinent sur la question. Et donc il y a un « angle » d'attaque, une prise de position. Non pas sur les hommes (désolé mesdames...) mais sur la situation. Si je devais résumer grossièrement, je dirais que cela ressemble à : le sionisme est une entreprise coloniale très bien pensée et humainement indéfendable. Ce qui ne l'empêche pas de se réaliser concrètement.
Après deux chapitres développant la notion de sionisme, notion complexe nécessitant de comprendre les mécanismes historiques ayant lentement mûris en Europe, l'avènement des états-nations, le rôle du facteur religieux, tout ce qui permettait de faire coïncider mythes religieux et mythologie nationale, on débouche sur la narration assez factuelle de la construction de cet état d'Israel. L'intérêt de ce livre est de revenir sur les débuts de cette entreprise, de démonter le mythe soigneusement rabâché du « Terre sans peuple (les palestiniens étaient là) pour un peuple sans Terre (les juifs) », voire sans leur Terre puisque un livre historique sérieux (l'ancien testament) semble leur avoir octroyé ». Les mémoires des premiers colons sont convoquées : « Dans le navire qui l'emmène vers la Terre promise, il constate que les Arabes, « les véritables habitants de la Palestine » dit-il, sont « élancés, vigoureux, portant l'habit traditionnel fait de riches vêtements ornés ». Ils manifestent, note-t-il, joie et gaieté, plaisantent, s'amusent et prennent du bon temps et se sentent citoyens d'un pays que, lui, considère comme la terre de ses ancêtres. Avant de conclure : « Et moi leur descendant, je revenais à cette terre comme un étranger, fils d'une terre étrangère, d'un peuple étranger. Je n'avais sur cette terre de mes pères ni droit politique ni citoyenneté. J'étais ici un étranger, un métèque ». Citation vérifiée de Ben Yehouda Eliezer (« le rêve traversé, p. 66 »), créateur reconnu, fin XIXème siècle, début XXème, de l'hébreu comme langue parlée de la future communauté juive qui s'installera en Palestine.
L'auteur s'attache à montrer que la construction de l'état d'Israël est loin de la représentation simpliste qui en est faite et le chapitre trois : « Mise en place du pouvoir colonial (1917-1923), Déclaration Balfour : l'invention d'une terre, deux peuples » devrait être largement diffusé pour comprendre le cadre politique ayant permis l'installation de l'état d'Israël. Rôle de la puissance coloniale britannique, intérêts occidentaux, institutions déjà présentes... Tout ne commence pas en 1948...
Les chapitres suivants décrivent les étapes de la colonisation et des sous-chapitres comme « La violence comme auto-défense » résonnent cruellement au moment où j'écris ces lignes.
« Or, se présenter comme une victime potentielle justifie l'usage de la violence préventive contre ceux qui, en définitive, loin d'être les agresseurs, ne sont que les victimes d'un processus colonial dont ils auraient volontiers fait l'économie. »
« Ainsi, la tentative de préserver par la force le fait accompli de la colonisation devient le paradigme de l'auto-défense et le symbole d'un nationalisme héroïque et conquérant. »
« Par contre, le coeur des colonisateurs, de ceux qui font semblant de ne pas comprendre que la violence coloniale suscite aussi la volonté de se défendre – une autodéfense que le colon appelle terrorisme – peut alors être comparé à un puits sans fond de générosité, dégoulinant de discours de paix »
Je vais arrêter ici. Vous l'avez compris, et peut être pas aimé, ce livre est une dénonciation de l'entreprise coloniale entreprise par les Juifs essentiellement européens. Pas une dénonciation morale mais un narratif factuel mettent en lumière les mécanismes politiques et de propagande ayant accompagné cette réalité indiscutable : les colons juifs israéliens ont constamment grignoté les terres des palestiniens rendant aujourd'hui la vie de ces derniers impossible.
« L'adoption par la Knesset de la loi de juillet 2018, ethniciste et raciste, qui légalise des mesures discriminatoires envers les Palestiniens et qui accorde à l'État-nation du peuple juif le droit de propriété exclusif sur la Terre de Palestine permettra alors de mettre aisément en oeuvre une politique de remplacement devenue légale. Il suffira d'attendre que des circonstances politiques ou militaires favorables rendent possible la poursuite d'un processus d'expulsion et de remplacement que la communauté internationale n'a depuis des années jamais vraiment condamné. »
Ce livre a été rédigé avant le sursaut terrible de cet automne mais bien sûr cet épisode, malgré la narration qui en est faite, s'inscrit tellement parfaitement dans le cheminement colonial décrit que ce livre en devient presque rétrospectivement prophétique.
« Aujourd'hui, la conquête territoriale de la Palestine est terminée mais l'appropriation des terres progresse chaque jour pour finalement parvenir un jour à une occupation de toute la Palestine qui deviendrait ainsi la base territoriale d'un véritable Judenstaat. L'enracinement dans le sol d'Eretz Israel cesserait alors d'être symbolique et donnerait naissance à un État totalitaire qui accomplirait les prophéties auxquelles croient les colons les plus radicaux. »
Inutile donc de me faire des commentaires m'expliquant que l'auteur a tort sur ceci ou cela, je vous invite si la contradiction de celui-ci vous tente (ce n'est ici qu'un commentaire permettant d'imaginer un contenu et de se l'approprier ou non), de lire comme moi ce livre, et de le commenter de la manière qui vous siéra, ce sera beaucoup plus intéressant.
Pour ceux qui ont l'impression confuse qu'ils gagneraient à mieux connaître la question, ce livre est indispensable. Au moins pour commencer.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Le rapport colonial aux Arabes constitue le fondement de la violence systémique qui, jusqu’à nos jours, a hanté l’entreprise sioniste et participé à la ruine du Moyen-Orient. Avec le colonialisme sioniste et sa politique de dépossession sont nés une mauvaise conscience non pas individuelle mais collective qui engendre une peur originelle, tapie dans la nuit coloniale, celle de celui qui sait que sa terre n’est pas à lui et que l’Autre n’acceptera jamais que la terre qu’il a prise soit à lui.
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