Je sens qu'il y a, par delà les dernières lumières de l'horizon, toutes les âmes des apôtres, des vierges et des martyrs, l'innombrable armée des témoins et des confesseurs. Tous me font violence, m'enlèvent par la force vers une région morale plus élevée que celle où je vis aujourd'hui. Ce soir, nous désirons de tout notre amour leur pureté, leur humilité, leur pitié, leur chasteté, leur sagesse, leur force, leur science, leur piété. Nous concevons que l'on puisse aspirer à la perfection.
Quand je pense au problème de la foi, aucune des difficultés soulevées par l'exégèse moderne n'arrive à m'émouvoir. Les prétendues « contradictions des synoptiques » ne servent qu'à ceux qui sont, dès l'abord et avant tout examen, décidés à nier le surnaturel. Si ignorant que je sois, je sens bien que d'aussi misérables discussions ne sauraient entraîner une conviction, quelle qu'elle soit. En fait — toute la question est là — il s'agit de savoir si l'on désire un certain fond moral. un certain rejaillissement de l'âme, une sorte d'innocente pureté. Il s'agit de savoir si l'on a le goût du ciel, ou non ; si l'on désire de vivre avec les anges, ou avec les bêtes ; si l'on a la volonté de s'élever, de se spiritualiser sans cesse. Là est toute la question. A tout argument l'on peut opposer un argument, et ainsi apparaît la vanité de l'argumentation. Si donc ce désir d'agrandir son cœur, si donc ce goût de Dieu n'existe pas, nulle preuve ne peut être administrée utilement, nul argument n'est efficace. Mais si l'on aime à s'attarder à cette angoisse du chrétien qui n'est que le désir de la perfection, si l'on ne redoute pas l'absolu, mais qu'au contraire on se sente un cœur assez vaste pour le contenir, si l'on a assez de finesse pour désirer autre chose que la morale naturelle, si bienfaisante fût-elle — alors l'on n'est pas loin de dire, comme saint Paul foudroyé : « Seigneur, que voulez- vous que je fasse ? » (pp. 90-91)
Il me semble que Joseph de Maistre nous fait faire un grand pas, quand il prouve que le paganisme ne contenait que des vérités, mais des vérités corrompues. Car si l'on suit cette démonstration un peu loin, on reconnaîtra que l'homme n'a pas une seule idée qui ne corresponde à quelque réalité et qu'ainsi Dieu est prouvé par la seule idée que l'on a de Lui. Mais J. de Maistre nous touche davantage, quand il reconnaît dans le dogme païen des sacrifices, la grande idée du salut par le sang. Ce que nous admirons dans la Rédemption, c'est le couronnement infiniment surnaturel de cette idée naturelle, insérée depuis la création du monde dans les fibres mêmes de Thumanité. Or, aujourd'hui même, un champ de bataille n'est-il pas l'image temporelle de la miraculeuse grandeur du sacrifice ? Si nous croyons à la vertu du sang répandu au Calvaire, comment ne croirions-nous pas, d'une manière analogique, à la vertu du sang répandu peur la patrie ? La vertu de ce sang-là est aussi certaine dans l'ordre naturel, que la vertu de l'autre, dans l'ordre surnaturel. Oui, nous savons que le sang des hosties offertes à la patrie, nous purifie. Nous savons qu'il purifie la France que toute vertu vient de lui, que sa vertu est infinie — que toute patrie ne vit que de sa vertu.
Sine sanguine non fit remissio. Mais il n'est pas besoin du témoignage de la Bible. Nous savons bien, nous autres, que notre mission sur la terre est de racheter la France par le sang. (pp. 188-189)
Nous laisserons dire aux positivistes que le Sahara est le pays des mirages; mirages peut-être, mais qui nous aident à vivre et à mieux saisir la réalité.