Portés sur la boisson ! Là-dessus, tous les observateurs insistent d'une même voix. Les Flamands, prétend un ambassadeur vénitien, s'enivrent tous les jours. Vraie ou très exagérée, cette affirmation en entraîne bien d'autres et expliquerait, selon certains, le goût généralisé pour les bagarres, souvent sanglantes. Peut-être plus sobres, en tout cas choqués par ces excès, les pédants du cru attribuaient au nom de Belge une double étymologie discutable, mais révélatrice : les mots balg et balgen, dont l'un voulait l'outre, et l'autre la chamaillerie ou la rixe.
A vingt-cinq ou vingt-six ans, surtout à ces époques, la jeunesse se termine et l'âge d'homme commence, ce qui, ausujet de Guillaume, inspire à Felix Rachfahl quelques lignes bien venues qu'on nous permettra de citer : « Il est maintenant un homme qui peut bien se perdre parfois dans l'étourdissement vertigineux de la vie, mais ce n'est jamais pour très longtemps ; au total, nous avons affaire à un homme dont la nature est capable des sentiments les meilleurs et les plus nobles.
La Flandre, elle, est tout aussi riche, mais sa prospérité tient moins aux données naturelles qu'au travail acharné de l'homme. Dans ce pays de plaines et de molles ondulations rarement supérieures à 30 mètres d'altitude, coupé de haies vives qui en font une contrée moyennement pénétrable, le sol lourd et gras, composé d'argiles et de sables, est systématiquement enrichi depuis des siècles. A côté d'activités variées qui unissent dès ce moment élevage et cultures – céréales, plantes tinctoriales et plantes industrielles, comme le lin –, est en train de se produire ici, avec l'exploitation encore récente d'espèces sarclées et d'espèces fourragères, une évolution capitale qui, plus tard, bouleversera l'agriculture européenne.
S'il était bien introduit, le voyageur avait la chance de découvrir les tableaux qui ornaient non seulement les plus belles églises, mais aussi les réfectoires des couvents et les demeures de l'aristocratie urbaine, terrienne ou aulique. S'il possédait un peu de culture ou de curiosité littéraire, il avait eu ou aurait l'occasion de découvrir l'excellente poésie, latine, française ou néerlandaise, que l'on composait là. Il connaissait évidemment de réputation la prestigieuse université de Louvain et respectait le nom de Didier Erasme, le grand Hollandais, l'humaniste parfait qui semblait résumer en sa personne toute la vie intellectuelle de son temps.
La vie intellectuelle et artistique est en effet surtout le fait des citadins. On continue à construire ou à reconstruire des édifices religieux et publics en style gothique flamboyant et, de plus en plus, dans ce qu'on appellera par la suite le goût « Renaissance allemande ».