Etoiles Notabénistes : *****
Clover No Kuni No Alice - Cheschaneko To Waltz
Traduction :
Tony Sanchez
Adaptation graphique : Clair Obscur
ISBN : 9782355926358
ATTENTION ! RALENTISSEZ L'ALLURE : RISQUES DE SPOILERS !
Ce tome cinquième du Cycle de Trèfle lève en partie le rideau sur le complot qui, visant la Chapelier Family, risque d'entraîner notre pauvre petite Alice dans les mailles de son filet. Fort heureusement, si elle ne se doute encore de rien pour l'instant, elle est, l'expression n'est pas trop forte, hyper-protégée.
Enfin, enfin, hosannah ! Nous avons une petite idée des sentiments que le Lièvre de Mars porte à la jeune fille. A ses yeux, parce que Blood lui a sauvé la vie en le faisant évader de la prison où il se morfondait en principe à perpétuité, le Chapelier est la personne qui compte le plus pour lui. Mais, comme tous les membres de son gang, March estime à sa juste valeur le courage qu'il faut pour vivre selon ses convictions, surtout si aucun rôle ne vous y contraint. Il admire donc énormément Alice et ne se gêne pas pour le confier à un Chat du Chester perpétuellement sur le qui-vive quand il est question des sentiments des autres hommes envers celle qu'il considère comme sa propriété exclusive et personnelle.
Cependant, au gré du découpage des planches et des non-dits qu'il est susceptible d'impliquer, il semble bien au lecteur que, sans aller jusqu'à l'amour - pour le Lièvre de Mars, Alice est avant tout Celle-Qui-A-Su-Toucher-Le-Coeur-De-Blood, et cela même si l'intéressé, sous sa nonchalance, consacre une énergie prodigieuse à prétendre le contraire - March éprouve envers elle un sentiment de tendresse à notre avis plus que profonde. Bien qu'il sache que, surveillée par Boris, la jeune fille ne risque pas grand chose, il garde néanmoins sur elle un oeil vigilant, tant dans les rues où l'innocente continue à se promener comme si de rien n'était, que dans le restaurant où Boris lui a déniché un emploi et, bien sûr, lors des Assemblées. En outre, il souhaite secrètement qu'elle cesse de servir de cible privilégiée à leurs ennemis.
Un autre qui, supérieur à tout le monde dans l'art de n'avoir l'air de rien quand il s'applique à une tâche qui lui est précieuse, c'est Ace. le début de ce tome, qui voit Boris arracher Alice aux mains d'un Sans-Visage qui, après l'avoir chloroformée, l'aurait certainement kidnappée, fait presque immédiatement surgir un Ace toujours aussi redoutable qui, avant que l'attaquant ait eu le temps de se rendre compte de sa présence (il arrive par derrière), le décapite proprement - façon de parler, bien entendu - d'un seul coup d'épée. Certes, on ne peut le nier, l'individu, se retournant contre Boris, avait l'intention de l'abattre avec son automatique et telle est la raison pour laquelle Ace a agi de avec une brutalité aussi rapide.
Mais avec ce personnage énigmatique que demeure le Chevalier de Coeur - et qui développera toute sa stature dans le Cycle suivant - les intentions meurtrières du Sans-Visage étaient-elles les seules à provoquer sa réaction ? Si le Chat du Chester est sceptique, nous sommes, nous aussi, assez dubitatifs. Car, si Boris ne fait que le soupçonner, nous savons, nous, pour peu que nous ayons pris la peine de décortiquer la saga de Coeur et, bien sûr, les quatre volumes précédents du Cycle de Trèfle, qu'Ace est un bien curieux numéro, dont le comportement change du tout au tout lorsqu'il se retrouve seul avec Alice. En d'autres termes, Ace a-t-il délibérément décapité l'agresseur pour l'empêcher d'être remis aux hommes du Chapelier qui, sans nul doute, eussent su le faire parler ? Ou n'est-ce qu'un hasard puisque - lui-même le reconnaît avec bonne grâce - il se sent un peu bizarre (!!) depuis le déménagement ?
Autre événement qu'il convient de garder en mémoire : deux Sans-Visages appartenant au gang des Comploteurs parviennent, après avoir torturé à mort deux employés du Chapelier afin d'obtenir les mots de passe nécessaires, à pénétrer au Manoir et à se mêler ainsi aux autres domestiques. L'homme comme la femme sont persuadés d'avoir réussi leur mission. Mais ils ignorent que, parmi les deux mots de passe que les deux fidèles de Blood leur avaient donnés avant de mourir, l'un est entièrement faux. le Lièvre de Mars, qui les leur réclame avant de les faire entrer (les Jumeaux n'étant pas, une fois de plus, à leur poste), voit immédiatement la faille. Mais il n'en reste pas moins aimable : après tout, coincer au moins un de leurs adversaires était ce que souhaitait par-dessus tout le Chapelier. On verra bien, par la suite, ce que ces audacieux raconteront à leur tour, maintenant que le clapet de la souricière s'est refermé sans espoir sur eux. Et puis, il convient que la Pègre tout entière sache comment le Chapelier venge ceux qui lui sont demeurés fidèles jusque dans la Mort.
Une autre qui sent bien qu'il se prépare quelque chose et soupçonne son frère de se servir d'Alice comme appât, c'est Vivaldi, la Reine de Coeur, qui invite Alice à prendre le thé en son château et en profite pour avoir, avec Boris, une sérieuse discussion, tant au sujet des dangers que court la jeune fille que de l'avenir qu'il s'imagine à ses côtés.
Puis s'ouvre le premier volet de l'histoire-bonus qu'il NE FAUT ABSOLUMENT PAS MANQUER dans ce Cycle et intitulé "Le Premier Pas." Ce titre, que son romantisme béat devrait placer au-dessus de tout soupçon, confirme au contraire, dans un tourbillon de non-sens et un éparpillement de pièces de puzzle frappées de folie :
1) tout d'abord la preuve que les amours de Boris et d'Alice se vivent en rêve et que le Chat du Chester a accepté d'y tenir son rôle avant même que débute le songe ;
2) ensuite, qu'Ace est un véritable semeur de zizanie à moins qu'il ne cherche sincèrement à favoriser les amours d'Alice avec l'Horloger ;
3) et enfin, en dépit de la neutralité derrière laquelle il se protège, la toute-puissance de Nightmare planant au-dessus de la "partie" en cours
4) sans oublier, ce qui donne au lecteur la clef de bien des choses, voire du jeu tout entier, que ce que nous venons de lire jusqu'ici se déroule A LA FOIS au Royaume de Coeur, avant le Bal de Vivaldi, mais dans un "temps" ou un "espace" parallèle où c'est Goround - Alice vit d'ailleurs au Parc d'Attractions et non chez l'Horloger - qui se charge d'être le cavalier de la jeune fille, et, EN MÊME TEMPS, au Royaume de Trèfle, dans le songe créé par Nightmare (et peut-être l'imagination d'Alice et de quelques autres ...)
En résumé, un tome qui donne parfois l'impression d'être moins maîtrisé que d'habitude mais qui apporte beaucoup en définitive.
Que dites-vous ? Les scènes libertines ? Oh ! elles y sont, Alice godillant toujours entre la bégueulerie la plus éhontée et le désir sexuel le plus affolant et le plus affolé. A ce propos, sa peur quasi pathologique de l'abandon par un homme plus âgé qu'elle se précise. Quant à la sexualité de Julius, si je ne vous en ai rien dit, c'est parce que, selon moi, elle est de loin la plus simple (ce qui ne signifie en rien qu'elle soit dépourvue de certains fantasmes) : Monrey est bourru mais plein de tendresse, cela ne fait aucun doute. Mais cette simplicité serait-elle suffisante aux yeux d'Alice pour qui le mot "sécurité" semble indissociable du désir d'être dominée, en tous cas dans son intimité ? ... Tout est là. ;o)