Le centenaire de la première guerre mondiale n'a pas fini d'inspirer les romanciers et après le Goncourt mérité attribué à
Pierre Lemaitre pour "
Au revoir...là haut" et l'extraordinaire "Chagrin des vivants" de la britannique
Anna Hope, la barre était placée très haut pour placer une intrigue romanesque dans ce contexte historique et réussir à émouvoir le lecteur.
Antoine Rault a t'il réussi son pari ?
Oui si l'on considère l'histoire de son héros Charles Hischeim, courageux soldat alsacien érudit et polyglotte qui a mené le combat depuis le début des hostilités pour finir totalement amnésique dans un hôpital de campagne qui, ne pouvant renvoyer ce malade vers son unité combattante, le transfère dans un hôpital psychiatrique où il subit de douloureux électrochocs sans pour autant retrouver la mémoire.
Mieux vaut d'ailleurs pour lui qu'il ne sache pas que le mari de sa mère bien-aimée préfère le faire déclarer mort pour la patrie que voir revenir le fils illégitime qu'il a toujours renié!
Quand les services de renseignement de l'armée française proposent à Charles une mission d'infiltration dans l'Allemagne de l'après-guerre en le parant de l'identité d'un soldat allemand décédé, il s'empresse d'accepter et de retourner au combat espérant que les situations extrêmes auxquelles il va se retrouver confronté, lui permettront si ce n'est de retrouver la mémoire, au moins de savoir quel homme il est vraiment .
Marionnette agitée au service d'une cause, ceux qui en tirent les ficelles ne seront pas toujours les mêmes et Charles se retrouve dans la situation inconfortable d'un agent double, menacé par les potentiels témoins de son passé et gagné par le désespoir.
Quel dommage que cette histoire émouvante soit ponctuée de longues, très longues digressions historiques sur un contexte qui certes n'est pas forcément connu du lecteur, mais qui aurait gagné à être rappelé plus succinctement.
L'auteur nous invite notamment à la table des négociations entre les quatre Grands chefs diplomatiques, Wilson, Lloyd Georges, Oralndo et Clémenceau, qui ont la tâche de préparer le Traité de Versailles en décidant du sort réservé à l'Allemagne vaincue et ce ne sont pas moins de 23 pages qui décrivent la scène !
Un peu plus loin , nous voici dans l'imposante biographie du Comte von Brockdorff-Rantzau, et hop, nous voici repartis pour d'interminables pages...
Que dire de la description minutieuse de la politique allemande après la fin de la guerre, de l'intervention de l'armée dans les pays de la Baltique, de la lutte contre les spartakistes et des tentatives d'alliance avec les Russes blancs....
Même si le lecteur n'est pas totalement ignare historiquement parlant, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il faut s'accrocher pour suivre ce propos qui trouverait davantage sa place dans une collection universitaire que dans un roman.
L'auteur parait s'être livré à d'importantes recherches pour situer ses personnages dans un contexte historique déterminé mais le mieux est quelquefois l'ennemi du bien et trop d'exposés didactiques ralentissent le rythme du récit au préjudice de l'intrigue romanesque.
Je dirai en ce qui me concerne que c'est dommage parce que débarrassé d'une partie de ces développements interminables, le roman n'en aurait été que meilleur.