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EAN : 9782070253814
288 pages
Gallimard (24/04/1958)
4/5   3 notes
Résumé :
L'enfant aux yeux myopes, aux yeux tondus, voit s'ouvrir devant lui le monde. Il s'interroge sur soi-même, sur son destin ; il se sent impuissant et se désespère : ses actes ont des conséquences imprévisibles et lui attirent semonces et reproches. Il sent qu'il inspire autour de lui autant de pitié que d'inquiétude ; il se croit maudit, réprouvé. Quelle faute expie-t-il? Il l'ignore. Mais bientôt il accepte sa vocation, qui est d'aimer et aussi d'écrire : il découvr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Un livre étrange d'un auteur peu connu. Je ne connaissais Alexeï Remizov que de nom, en fait c'est un auteur oublié tant en Russie qu'ailleurs, et pourtant il fut connu, célèbre et a influencé la littérature russe du Xxème siècle. Lire ce livre pour découvrir cet auteur n'était pas, mais alors pas du tout, une bonne idée. En effet, il s'agit d'une oeuvre autobiographique où il raconte ce qui dans son enfance a influé sur son oeuvre, tant sur la forme que sur le fond. Difficile à comprendre sans avoir lu au moins une de ses autres oeuvres ! Il explique en effet comment sa vision du monde est née de ces treize années de forte myopie non corrigée jusqu'à ce qu'un professeur de géographie réalise qu'il ne voyait rien. Jusqu'au moment où il a eu des lunettes le monde de ses perceptions était essentiellement sonore, coloré et fantasmagorique. Ensuite, muni de lunettes il s'est plongé dans la lecture qui l'intéressait peu jusque là, peut-être pour retrouver dans les livres quelque chose du monde que les lunettes lui ont fait perdre. Pour ce qui est de son style, on en a apparemment quelques aperçus dans cette oeuvre autobiographique elle-même. Les chapitres se suivent sans suivre d'ordre chronologique. Cela commence par sa naissance, mais même après qu'il ait découvert grâce aux lunettes ce qu'était vraiment la nature autour de lui, il revient à sa petite enfance, chaque chapitre racontant un épisode qui lui tient à coeur, qu'il considère comme marquant et significatif. Une grande surprise de cette lecture a été l'impression de faire un bond fantastique dans le temps et dans un autre univers, très particulier. Car Remizov a pour ancêtres, tant du côté de son père que de sa mère, deux arrière-grands-pères serfs affranchis, son milieu familial est de religion orthodoxe mais avec, là aussi tant du côté paternel que maternel, un entourage nombreux de vieux-croyants (dissidents religieux depuis l'époque de Pierre le Grand). Il a des frères dont il parle, mais sans mentionner leurs prénoms et parfois sans qu'il soit bien clair du quel il parle. Il est très seul, à l'écart. Socialement il est d'un milieu aisé, son père est un commerçant, son oncle maternel est un riche industriel fondateur d'une banque d'affaire. Ce qui n'empêche nullement que sa mère était très proche des nihilistes. Lui-même plus tard sera proche tant des SR que des bolcheviks, et c'est contre sa volonté qu'il s'est retrouvé en Occident sans espoir de retour en Russie : il avait obtenu un visa en 1922 pour se faire soigner en Allemagne, et quand il a voulu rentrer en Russie a découvert que son passeport avait été annulé. Il est resté apatride pendant trente ans jusqu'à ce que sa nationalité soviétique lui soit rendue en 1952. Son enfance se déroule dans le Moscou des années 1880-1890 du temps des tsars Alexandre II et III. Dans Les yeux tondus le lecteur est donc facilement perdu dans un univers d'un autre temps, mais Remizov est un excellent conteur et, même si on ne comprend pas toujours tout, on comprend l'atmosphère qui entoure cet enfant, la fascination pour les chants religieux, les cloches des églises, sa solitude involontaire (ça paraît ahurissant que personne n'ait compris son problème avant qu'il ait treize ans!). En tout cas ce livre m'aura donné envie de découvrir mieux cet auteur et son univers si original et personnel.
Pourquoi ce titre, les yeux «tondus» ? N'espérez pas trouver la réponse à la lecture. Les contemporains de l'auteur se sont posés la même question, j'ai trouvé en russe deux explications données par Remizov, je n'y ai rien compris et je n'ai pas insisté vu que ses amis n'y ont rien compris non plus. Encore un truc qui relève de son univers personnel.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Le voisinage des potagers avait une influence sur le vocabulaire du Bouc. Ainsi il n'aimait pas les règles à dessin, qu'il comparait à un ver qui ronge le coeur tendre d'un chou. Une droite, tirée à l'aide d'une règle était sans vie, semblable à une racine morte, noire et desséchée. Nous avions cependant le droit de nous en servir pour encadrer nos dessins : "un châssis de verre était nécessaire aux semis de printemps". Il comparait volontiers les parallèles à des plates-bandes de terre noire en mars, dont les lignes régulières étaient soulignées par la neige qui restait intacte dans les sillons. Ce raies noires et blanches du printemps, je m'en souviendrai pour l'éternité !
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Quand j'eu mes lunettes, tout changea; je m'éveillai soudain dans un monde différent. Tout était devenu petit, décoloré, privé de sons. Tout était rétréci, pâli, muet; tout avait pris une forme et des limites.
...
Ce monde de bon sens, aux limites implacables, ce squelette mathématiques avide, qui guette chacun de nos pas, chaque regard, chaque mouvement. La voilà donc, la Nature !
...
Pendant 13 ans, j'ai vécu dans un élément rebelle et inapaisé. Un monstre de cauchemar, aux dimensions inconnues, baigné d'une lumière sonore, qui se répandait et pénétrait partout, éclairant les visages et faisant rayonner les objets - voilà la Nature qui, treize ans durant, m'isola du monde. Jamais, au cours de ces années, la conscience de mon isolement n'a été aussi brutale que maintenant, depuis que l'univers s'est révélé à moi, construit selon les données mathématiques et dans les mesures de la géométrie.
...
Maintenant, devenu esclave d'Euclide, j'étais privé de ce sens direct qui me guidait au milieu de l'élément déchainé qui se cache derrière la géométrie.
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Savez vous pourquoi, dans La nuit de Noël de Gogol, le Diable cherchait de toutes ses forces à distraire et paralyser Vakoula, le forgeron, lorsqu'il peignait le Jugement Dernier et saint Pierre chassant le Malin? C'est que Vakoula avait doté le Diable de cette hallucinante vulgarité humaine que l'on ne remarque plus et qui n'effraie personne.
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A cet instant, je vis un chemin qui s'ouvrait devant moi : ma voix se fera entendre comme l'appel de la cloche d'argent du Kremlin, à travers le tumulte sombre des autres cloches, non pour implorer la miséricorde de Dieu - elle parlera par ma volonté et au moyen de mes propres paroles pour le monde entier, pour tous ceux qui ne demandent pas mais exigent du secours.
Ce chemin me mènera en prison, et toute ma vie je serai pourchassé sans jamais trouver de place parmi les hommes.
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