" Caius avait la taille haute, le teint très pâle, le corps mal fait, le cou et les jambes extrêmement grêles, les yeux enfoncés, les tempes creuses, le front large et menaçant, les cheveux rares, le sommet de la tête dégarni, le reste du corps velu. Aussi était-ce un crime capital de regarder d'en haut quand il passait, ou de prononcer le mot chèvre pour quelque raison que ce fût. Son visage était naturellement affreux et repoussant, et il le rendait plus horrible encore en s'étudiant devant son miroir à imprimer à sa physionomie tout ce qui pouvait inspirer la terreur et l'effroi."
Imaginons que dans quelque deux mille ans, les hommes existent toujours, savent toujours lire et s'intéressent encore à l'histoire. Imaginons que dans leurs livres d'histoire et les biographies à leur disposition, ils puissent lire quelque chose de similaire à l'extrait qui précède, en remplaçant le prénom Caius par, au hasard (!), Emmanuel. Vous trouvez cela complètement farfelu, et vous avez bien raison!
Alors pourquoi diable nombreux sont ceux à avoir pris, et à prendre encore pour argent comptant les billevesées de
Suétone, puisque c'est à lui qu'on doit l'extrait cité ci-dessus, tiré de sa "vie des douze Césars" ( je me suis toujours demandé pourquoi "des douze" et pas "de douze", mais je n'aime pas
Suétone et n'ai donc pas poussé plus loin la réflexion)?
Pour avoir un portrait juste et équilibré du deuxième successeur d'Auguste, pour se faire une idée précise du contexte et de la politique menée par le jeune César, et ce faisant se débarrasser des poncifs charriés par des siècles de sornettes assénées avec d'autant plus de force qu'elles sont souvent invérifiables (combien de témoins pour rapporter ce que faisait Caius devant son miroir? Quelle crédibilité?), il faut lire
Pierre Renucci. D'emblée, on est séduit par sa plume alerte et agréable qui fait que ses livres se lisent avec le même plaisir que celui qui accompagne la lecture des meilleurs romans. Quant au fond, la pertinence de ses analyses invite le lecteur à remettre les choses dans une plus large perspective, à s'interroger sur ce qui est crédible, plausible, probable, avec toujours cette honnêteté intellectuelle qui renforce la fiabilité du propos puisque, contrairement à tant d'autres arcboutés sur leurs certitudes,
Pierre Renucci a le courage d'écrire "je ne sais pas" quand l'hypothèse émise ne peut être étayée par la science. Car oui, l'histoire est une science, ce que n'oublie jamais cet auteur dont l'habileté et la maîtrise la rendent parfaitement accessible à tous.
En ce qui concerne les Julio Claudiens, je fais de
Pierre Renucci la référence suprême.