L'histoire détournée est une uchronie assez bien imaginée, dans laquelle les Allemands auraient gagné la seconde guerre mondiale, grâce au lancement de bombes nucléaires sur les grandes villes alliées, quelques jours après la mort d'Hitler. L'action se situe 50 ans après la victoire, et se déroule sur seulement trois jours. Les tensions entre l'Allemagne et le Japon deviennent tendues, les deux grands leaders mondiaux voulant prendre l'ascendant sur l'autre. Ces tensions pourraient déboucher sur une troisième guerre mondiale qui permettrait aux pays vaincus d'en tirer profit.
L'histoire est racontée en petits chapitres courts où l'on passe d'un détail de l'action à un autre, dans différents lieux, avec des protagonistes aux intérêts très différents. le ton offre une certaine neutralité, l'auteur imagine qu'il s'agit d'une suite de témoignages ou enregistrements recueillis et cumulés par des historiens après les évènements. le suivi de ces trois jours est bien clair, la construction du récit est particulièrement soignée, les divers points de vue sont élaborés avec subtilité, et les imbrications entre les éléments s'articulent parfaitement. Il est évident que
Jean Mazarin s'inspire de
Philip K. Dick et son roman “
Le maître du haut château”. C'est sans doute pour ne pas trop marcher sur les plates-bandes du maître qu'il a choisi la fin de cette période de la fin de ce règne, comme une suite et un hommage à l'auteur américain, bien que quelques points diffèrent, nécessaires à son récit, comme par exemple, l'ouest des Etats-Unis est ici sous domination allemande.
J'ai trouvé sa construction politique, sociale et économique particulièrement bien imaginée, le récit est bien mené, les passage d'un lieu à l'autre plaçant la chronologie des évènements en avant est aussi très réussie, le suspense est fort, la tension dramatique est là.
Et pourtant, il m'a manqué quelque chose. le roman est court et celà ne laisse pas le temps de s'attacher aux personnages (à part peut-être le jeune juif), on survole l'action comme un élève dans un cours d'histoire, et les motivations des personnages restent superficielles, bien calculées mais sans nuances, celles de l'auteur aussi malheureusement. La dimension romanesque manque de souffle, c'est un peu dommage, il y avait le potentiel, c'est sans doute trop court pour y mettre tout ce qu'il aurait fallu, l'auteur y a placé tous les évènements, la structure géopolitique, et même l'action, sacrifiant au passage l'attrait pour ses personnages et aussi une véritable réflexion autour de l'histoire.
Conclusion : vraiment très bien imaginé, mais un peu frustrant du point de vue romanesque.