En épigraphe de «
La lune s'enfuit» l'auteur a placé cette phrase tirée du film de
Joseph Losey «Le Messager» : «Le passé est un lieu où les choses se passent différemment». Et le narrateur de cette histoire tragique va effectivement se retourner vers un épisode de son passé et nous faire traverser au cours des trois chapitres composant ce retour, «La joie», «Le chagrin» et L'expiation».
Le narrateur va comme les années précédentes, fin juin, à Latvala chez son Oncle Eino et sa tante Marjaana qui l'accueillent pour les vacances d'été. Il y retrouve ses deux cousins Léo et Sonja.
Au cours de cet été-là «nous courions tous trois avec frénésie vers quelque chose de très innocent, avec, au bout des doigts, la sensation des promesses redoutables de la vie.» p 18
Léo et Sonja étaient des créatures engendrées par quelque étrange vent de la nuit.(...) ils possédaient un univers qui n'appartenait qu'à eux, et où aucun adulte n'avait sa place.»
Léo idolâtrait sa soeur mais cet été-là leur cousin sent un changement dans le monde qu'ils lui avaient ouvert auparavant. Ils l'accueillent et l'enferment alors dans leur intimité.
Sonja est leur guide, elle les mène à la découverte d'un monde qu'elle crée et transforme au gré de sa fantaisie, un monde fait de rites païens où se mêlent pierres et arbres qu'elle sait emplir de mystères, de vie et de jeux érotiques. Sonja est en quelque sorte une déesse, une initiatrice pour les deux garçons.
«Sonja nous entraînait vers de mystérieuses ténèbres, fascinantes et brûlantes.» Elle les unit tous les trois dans un lien qu'ils souhaitent éternel.
Coupés du monde des adultes qu'ils rejettent et craignent mais auquel ils font habilement semblant d'obéir, leur monde est d'autant plus beau et fascinant qu'il est secret et doit le rester car leur union perdrait alors toute sa pureté. Un regard extérieur serait immédiatement accusateur, ne supporterait pas la transgression, la détruirait et la salirait.
Ils veulent tout, vivent sans le savoir dans l'excès, bravant les interdits le plus naturellement du monde.
Ils sont tous les trois avides de vie, captant et retenant avec grâce la moindre particule de joie. Ce récit est nimbé d'une grande pureté, d'un reste d'innocence venu de l'enfance, cette enfance qu'ils vont, contraints par les circonstances, devoir brutalement et tragiquement quitter. Les noms à consonnance nordique, la beauté sauvage de la nature environnante au solstice d'été ne font que renforcer la magie inquiétante de ce conte initiatique.