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EAN : 9791092616200
480 pages
Post-Editions (21/11/2018)
4.75/5   2 notes
Résumé :
Recueillis pour la première fois depuis leur publication entre 1950 et 1969, les textes critiques de Jacques Rivette constituent une trajectoire étincelante et radicale à travers le cinéma moderne. Au sein des expériences collectives des Cahiers du cinéma et de la Nouvelle Vague, et parallèlement à la poursuite de son propre travail de cinéaste, Rivette invente une écriture critique singulière et passionnée, attentive aux transformations incessantes de l'art de la «... >Voir plus
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Le beau noiseux

Le parcours de Jacques Rivette l'a amené tout naturellement à sa carrière de réalisateur, comme on peut d'autant plus s'en rendre compte dans Textes critiques. Il se passionne très jeune pour le cinéma et fréquente assidûment les ciné-clubs et la Cinémathèque quand il arrive à Paris, à l'âge de 21 ans. C'est là qu'il rencontre ses futurs collègues des Cahiers du cinéma, en particulier Jean-Luc Godard, Éric Rohmer ou François Truffaut. Ses activité de critique s'étaleront sur une vingtaine d'année, et continueront ainsi au-delà du moment où il devient cinéaste. Car à partir des années 1960 il va mettre en pratique les enseignements qu'il s'est forgé en regardant les films des autres, tout en apportant une pierre nouvelle à l'édifice sans cesse en mutation de l'histoire du septième art. Jusqu'ici, l'ensemble de ses écrits n'avait jamais été compilé, contrairement à ses comparses, c'est donc une mine d'archives, ainsi que le judicieux ajouts de textes inédits, qui nous est proposé dans cet ouvrage.

De son vivant, Jacques Rivette n'a jamais souhaité collecter dans un même ouvrage l'ensemble de ses textes critiques, considérant qu'ils faisaient partie d'une époque révolue et mettant plus particulièrement en avant son oeuvre en tant que réalisateur. Il semble que c'est cette activité de cinéaste qui a très tôt forgé son appétence pour le cinéma, et selon ses dires ses années de journalismes n'étaient le fruit que du hasard ou de la nécessité. Reste que les écrits de Rivette témoignent d'un niveau de réflexion élevé, qu'il a systématiquement souhaité contextualiser avec une histoire du cinéma en mouvement. Ainsi on sent que des thématiques comme la modernité ou la place de l'auteur sont essentielles pour comprendre le cheminement de sa pensée critique. Ainsi peut-on analyser l'ensemble de son oeuvre, qu'elle soit écrite ou filmique, tant ces deux activités sont cohérentes et tant on retrouve de résonances dans l'une comme dans l'autre.

Dès ses textes les plus anciens, on ressent la qualité de l'écriture de Jacques Rivette. Il a très tôt développé une prose raffinée, maniant les mots et ne ménageant ni ses enthousiasmes, ni ses piques, avec un style qui dénote en comparaison avec la production journalistique moyenne. C'est tout l'intérêt de ces textes critiques que de pouvoir montrer une pensée en action, en évolution, y compris avec ses contradictions. Bien sûr on voit très tôt apparaître la ligne de fracture qui va s'accentuer entre les anciens et les modernes. La plume acerbe du jeune critique n'y va pas de main morte envers les Jean Delannoy ou bien les Claude Autant-Lara, sans compter son célèbre texte sur Kapo, et va aussi chercher des noises avec ses confrères journalistes sur tel ou tel article. C'est une cinéphilie éclairée et en constante mutation qui apparaît ici, avec des constantes claires et des soutiens indéfectibles envers Roberto Rossellini ou bien Jean Renoir, cinéastes parmi lesquels les réalisateurs en herbe de la Nouvelle Vague vont puiser leurs influences.

On peut donc voir dans Textes critiques les éléments qui vont faire de Jacques Rivette et de ses contemporains des cinéaste de la modernité. Pour exemple, l'irruption du Cinémascope au début des années 1950 lui faire dire qu'une nouvelle génération de cinéphiles est en train d'émerger. Bien sûr le texte phare qui a marqué le sceau du passage à la modernité cinématographique reste sa critique du Voyage en Italie de Roberto Rossellini, qu'il considère comme une révolution dans la façon d'aborder les thématiques, en particulier sa prise avec le réel. Des jalons vont petit à petit se poser et constituer le socle de la Nouvelle vague : simplicité, budgets modestes, poussant les réalisateurs à l'ingénuité, et parfois les acteurs à l'épuisement. Ces caractéristiques se dessinent en opposition avec ce qui était le sel des films de l'époque. Ainsi Rivette pousse-t-il parfois jusqu'à mettre en exergue une certaine inutilité du scénario, et va-t-il se pourfendre contre les facilités, les ficelles narratives, le sentimentalisme trop souvent à l'oeuvre.

On en vient à un des concepts majeurs théorisé par les critiques des Cahiers du cinéma de l'époque, celui de la politique des auteurs. Dans Textes critiques, Jacques Rivette revient souvent sur la place que l'on doit accorder au metteur en scène, qui devrait être privilégié par rapport au scénariste, trop souvent mis en avant par le système hollywoodien ou le « cinéma de papa » à la française. Il insiste ainsi sur le fait qu'un film réussi est plus souvent le fruit d'une réflexion individuelle, de l'agencement opéré par un réalisateur, qui met en place sa pensée au travers d'une mise en scène, d'une écriture, et que ce que l'on considérait alors comme l'assemblage de plusieurs talents (le réalisateur, le scénariste, les techniciens…) n'est en fait abouti que si ces éléments sont orchestré par une sorte de deus ex machina. Il n'hésite d'ailleurs pas à remettre en cause les failles d'une telle approche, qui pourrait amener certains à adouber systématiquement l'oeuvre d'un auteur sans l'examiner correctement.

La richesse des divers documents que constitue Textes critiques réside bien entendu dans l'analyse opérée par Jacques Rivette. Il aime s'aventurer dans des comparaisons entre les auteurs qu'il défend, effectuer des ponts, des résonances, des correspondances entre les oeuvres citées. Ainsi va-t-il chercher dans le cinéma d'Howard Hawks ou de Friedrich Wilhelm Murnau des comparaisons avec l'oeuvre de Molière. Aussi a-t-on envie, quand il compare le maquillage avilissant de Cary Grant à la scène de L'ange bleu où Emil Jennings se regarde dans le miroir, de pousser le parallèle à la scène finale des Liaisons dangereuses, avec la figure de Glenn Close qui se démaquille, laissant apparaître tout à coup son vrai visage. C'est que, comme il l'écrit si bien, « la seule critique véritable d'un film ne peut être qu'un autre film ». En ce sens, la suite de sa carrière et son expérience de réalisateur sont-ils aussi un prolongement de son travail critique.
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