La caresse du loupCatherine Robert
1er roman
L'Iconoclaste 2020, 176p
C'est un roman qui met d'emblée mal à l'aise. Il parle -et il le faut, la littérature a pour rôle de dire les choses- d'une agression sexuelle sur une petite fille, Chloé, de huit ans.
C'est l'anniversaire de sa soeur, Clara, qui fête ses sept ans. L'anniversaire sera célébré à la plage. La maman est affairée avec ses deux derniers et très jeunes enfants. Les trois autres préparent leurs sacs. Chloé remonte dans sa chambre chercher son maillot de bain.
Jean-Loup, un violoniste doué, ami de la famille, la petite quarantaine, se trouve dans la chambre du fond, en peignoir. Pour y accéder, il faut passer par la chambre de Chloé et de sa soeur. Il appelle Chloé, lui dit de ne pas avoir peur. Chloé sent qu'il ne faut pas répondre à l'appel, mais quand son père ou sa mère l'appelle, elle y va, donc
Jean-Loup l'appelle, sans doute pour lui montrer son violon, parce que Chloé joue elle aussi du violon, elle y va. Or
Jean-Loup se caresse la verge avec la main de l'enfant. Chloé vient de quitter l'enfance. Toute l'après-midi, elle sera comme morte. La mère ne s'aperçoit de rien ; le soir, elle demandera d'aller dans l'autre chambre, sa mère ne sera pas alertée ; désespérée elle demande alors à sa soeur de la cacher dans son lit. Clara accepte et lui propose de mettre sa poupée dans le lit vide.
Jean-Loup, qui veut Chloé, n'insiste pas devant la ténacité de sa soeur qui lui répète qu'elle dort. Clara oublie l'événement, Chloé du jour au lendemain ne veut plus entendre parler de tout ce qui fait une fille, la fille. La mère ne s'étonne toujours pas.
Dix ans plus tard, l'épisode revient à la mémoire de Clara qui en parle à la famille. Chloé ne parle pas, quant à elle, de l'agression proprement dite. Les parents sont sidérés, les autres membres de la famille sont dérangés par cette révélation, et préfèrent l'étouffer.
Nombre d'années plus tard encore, il s'agit d'obtenir réparation, les soeurs portent plainte, trop tardive, la prescription joue, puis veulent faire reconnaître, de manière plutôt rocambolesque, ses torts au pervers. Enfin Chloé imagine une vengeance qui laisse perplexe, et qui cadre mal avec le personnage renfermé.
On dit de ce roman qu'il est un conte noir ; à un moment, Chloé est comparée au chaperon rouge, et
Jean-Loup, naturellement, au loup. Je m'intéresserai au personnage de la grand-mère, Laurence, par qui le drame arrive : c'est elle qui a présenté
Jean-Loup à sa famille, elle qui l'a accueilli dans son atelier (Laurence aime les arts et les artistes), par amour pour la musique et parce qu'elle apprécie la façon dont il la joue.
Jean-Loup, d'une certaine façon, a trahi la grand-mère pour qui il a joué lors de la messe de funérailles. La grand-mère n'a donc pas cerné le personnage. Et pourtant chacun de se rappeler qu'il a vu
Jean-Loup nu arrosant ses plantes, et se cachant, lorsqu'il est aperçu, derrière son arrosoir. Mais personne ne dit rien. La gêne, la honte... ou le scandale que ce fait - qui se répète- provoquerait dans un certain milieu ?
Les frères aînés, tout comme les enfants cadets, de Chloé restent bien silencieux et passifs devant le drame. le père de Chloé ne fait pas grand-chose non plus. Si
Jean-Loup s'est conduit ainsi avec sa fille, peut-être d'autres fillettes sont-elles victimes. Il s'engouffre dans sa prostration.
Cette passivité m'a heurtée. Elle s'oppose violemment à l'indignation de la policière qui ne veut pas que des pervers agissent en toute impunité. Alors naturellement la volonté de Clara qui se démène pour faire payer le criminel, l'amour qu'elle porte à sa soeur qu'elle voit détruite, me touchent. le portrait du pervers est aussi bien traité, celui qui se cache sous sa mèche soignée, sous son statut d'artiste, et qui pervertit tout. Lui est malade, mais les bien-portants laissent faire.
Ce premier roman ne me semble pas abouti ; les dialogues manquent de force, et les personnages de profondeur. L'ensemble, écrit avec sobriété, manque de naturel. C'est dommage, car le sujet, bien que douloureux, est fort.
Catherine Robert a-t-elle été touchée de près par un drame de ce genre ?