Je découvre le travail de
Sandrine Roche, sa démarche littéraire, théâtrale, collaborative.
Elle met en plateau, en situation, propose, et voit, écoute ce qui se passe puis écrit. Expérience. Recherche.
Matière « in vivo » qui rend d'autant plus vivante son écriture. Gestuelle, musicale, corporelle, rythmique, l'écriture devient matière .
Après avoir visionné plusieurs interviews de l'auteure j'ai choisi de commencer ma lecture par son texte «
Ravie » au Editions Théâtres II Jeunesse, texte répondant à une commande du marionnettiste Luc Laporte.
Editions que je découvre par la même occasion et qui est une mine d'or pour qui voudrait trouver matière à proposer à de jeunes acteurs. Non pas des textes « adaptés » à leur âge ,mais adaptés à et par leur langage.
Car le théâtre vaut par son accessibilité, c'est là une de ses magies, puisqu'il est capable de nous transporter par transposition vers les lieux les plus intériorisés , les plus proches ou les plus reculés de nos vies et de nos mémoires.
William Shakespeare écrivait dans
Hamlet que "Le théâtre a pour objet d'être le miroir de la nature, de montrer à la vertu ses propres traits, à l'infamie sa propre image, et au temps même sa forme et ses traits dans la personnification du passé."
le site des Editions théâtres II Jeunesse propose en accompagnement de certains de ses textes des carnets artistiques et pédagogiques .
Sandrine Roche a pris comme point de départ un conte d'
Alphonse Daudet :
la chèvre de Monsieur Seguin. Ainsi le fait elle revisiter , le fait elle réentendre aux enfants .
Nouvelle proposition nouvelle appropriation, et cela fonctionne.
Et l'on comprend toute la dimension pédagogique, philosophique de cette adaptation car il est question ni plus ni moins du choix ou du non choix de notre liberté.
Question du choix, de la prise de risque , du non retour
« Je souhaitais parler de la peur. Cette peur atroce de la liberté, de notre propre liberté. Je voulais parler de ce monde où l'on nous offre de grandir dans un polissage extrême, avec le poids des menaces perpétuelles au dessus de nos têtes : celles du chômage de longue durée, du travail où l'on finit par se suicider, de l'insécurité permanente, du terrorisme latent, de la maladie que 'on crée, de la révolte d'une nature que l'on essaie de dompter. Plus nous allons vers une société policée, sécurisée, ordonnée, plus la bataille fait rage, chez l'homme et dans la nature. Comme si d'instinct , l'animal, la bête qui sommeille en nous essayait de prendre le dessus malgré tout. »
Que gagne t on que perd t on à être libre, que gagne t on que perd t on à ne pas l'être.
Permettre aux enfants et adolescents de se saisir de ces textes, de les entendre sur ces questions , de leur soumettre ces problèmes , nourrir le texte de leurs réflexions sur leurs vies, leurs peurs, leurs pensées sur le monde, leurs rêves, leurs relations au monde , à la violence des mécanismes qui nous amènent à nous construire.
Visions croisées entre le monde adulte de l'auteur et celle d'un groupe d'enfants acteurs de neuf à dix ans qui portent langage sur l'éthique de nos vies : prise de risque, défit, désobéissance, résistance, soumission, renoncement, acceptation.
Questionnement également sur nos systèmes éducatifs où morale collective et peur affrontent systématiquement les notions de plaisir et de recherche individuelle de mieux être.
« la liberté c'est toujours la liberté de celui qui pense autrement ».
Rosa Luxemburg.
« Le théâtre doit faire de la pensée le pain de la foule" écrivait
Victor Hugo.
Ce qui nous rend éternellement bêtes c'est de manger du foin, mais ce qui nous rend passionnément libres sera toujours de penser un peu plus loin.
« Je cherche, travaille, écris, sur le rapport physique que l'homme entretient au monde ; sur la marge de manoeuvre singulière et autonome dont l'individu dispose au sein d'une communauté ; sur les limites et paradoxes des libertés individuelles et collectives. Ce questionnement conduit à la recherche d'une forme théâtrale qui donne pleinement la mesure de la violence et de la force physique de la langue, qui la mette en abîme, l'interroge… »
Sandrine Roche.
Perspective Nevski est une association à géométrie variable qui regroupe des comédiens, danseurs, musiciens, éclairagistes, scénographes, plasticiens… autour de l'auteure
Sandrine Roche.
Ensemble, ils expérimentent différentes formes de représentations. Centrés sur le son et le mouvement des mots, les spectacles de Perspective Nevski utilisent le corps comme pivot de la création. Un corps brut, singulier, souvent soumis à une langue qui essaie de dire.
Créée en janvier 2008, l'association est implantée à Rennes depuis 2010. Elle a produit quatre créations professionnelles, et trois créations en relation avec des groupes amateurs.
Sandrine Roche intervient régulièrement auprès de comédiens et danseurs pour des ateliers « corps et voix ».http://www.associationperspectivenevski.fr
Astrid Shriqui Garain