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Paul Dupont (01/01/1896)
4.5/5   2 notes
Résumé :
Venant de s'évader, Rochefort traverse plusieurs coins du globe et se réfugie à Genève où il continue la publication de ses articles déstabilisant le gouvernent de Mac-Mahon.
Il rentre triomphalement en France en 1880 après une loi d'amnistie et nous conte dans les moindres détails les dessous des scandales politiques ou judiciaires, particulièrement dans les premières années de la IIIème république sous Jules Grévy et la genèse mystérieuse du mouvement boul... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Peu après l'échec et l'humiliation de l'évasion de Rochefort, un article publié depuis le journal « New-York Hérald » signé par ce dernier achève d'humilier le gouvernement de Mac-Mahon. L'article dépeint avec malice les députés monarchistes cherchant désespérément une couronne à vénérer.
Le journal contenant l'article, prit d'assaut par une demande insatiable, s'imprime à plus d'un million d'exemplaires, un éclatant succès qui ridiculise la France sur la scène internationale.
Censurons ! Sanctionnons ! Avec son zèle coutumier pour la censure et les sanctions, le gouvernement français saisit promptement le journal américain en France. Tous les journaux français ayant osé reproduire les mots incendiaires de Rochefort sont visés, y compris Le Figaro, malgré ses tentatives de désamorcer le scandale en encadrant l'extrait de commentaire méprisant.

Reprenant la rédaction de son journal « La Lanterne » édité et envoyé depuis l'Angleterre, Rochefort rusa une nouvelle fois et dissimulait ses exemplaires parmi des journaux anglais pour les faire parvenir clandestinement en France.
Le stratagème démasqué, le gouvernement français réagit aussitôt en interdisant « le Hour », le journal anglais utilisé par Rochefort, ignorant que n'importe quelle autre publication aurait pu servir de couverture.
Une telle sottise poussa Rochefort à déclarer : « Je ne sais si le gouvernement de Mac-Mahon était le plus odieux de ceux qu'avait déjà subis la France, mais c'était certainement le plus bête. »
La paranoïa s'installa : les romans apolitiques de Rochefort étaient censurés, des articles de première page anonymes étaient proscrits par simple suspicion de sa présence en arrière-plan, et toute plume rappelant son style subissait la censure.

Rochefort se vengea férocement de ses confrères, notamment de Villemessant du Figaro. Celui-ci, après avoir déboursé une somme importante à un commandant de police, mit la main sur le précieux carnet personnel de Rochefort, s'empressant de divulguer quelques indiscrétions dans ses colonnes.
Or, cette prise était le fruit d'une saisie illégale, tout comme d'autres objets dérobés durant la perquisition de son domicile : bijoux, statues et même des vêtements portés par sa jeune fille…
Les preuves en sa possession ne laissaient pas place au doute de telle sorte que le gouvernement ne put masquer la situation.
Si le pillage perpétré par un officier fut judiciairement attesté, la complicité du renommé Villemessant demeura impunie, bien que dénoncée par quelques voix courageuses de la presse… Ce fut une double victoire bien que symbolique : on prouvait non seulement que l'armée versaillaise était susceptible de piller les communards et l'on faisait transparaître également toute la fourberie crasse et la malhonnêteté de certains grands journalistes.

L'image du général Mac-Mahon, doux et magnanime, irritait profondément Rochefort. Avec ses écrits acerbes, il se faisait un malin plaisir à rappeler les sévices de la Semaine sanglante, insistant sur l'impossibilité pour Mac-Mahon de rejeter toute responsabilité sur ses subordonnés.

Mac-Mahon était dé-glorifié : lui qui clamait descendre de rois irlandais illustres se retrouvait, grâce aux recherches archivistiques de Rochefort, dépeint comme le descendant d'un simple médecin irlandais.
Lui qui s'affichait en général intègre et brave était rappelé à sa blessure suspecte lors de la capitulation de Metz en 1870, blessure lui permettant astucieusement de déléguer la honteuse signature de la capitulation au général Bazaine.
Mac-Mahon mêlait politique et foi, et Rochefort se délectait à moquer ses obsessions religieuses, comme cette prétendue volonté d'imposer au clergé, à la fin des offices, la prière : "Domine Salvium Fac Mac-Mahonem" : "Seigneur, sauvez Mac-Mahon".

La crise de 1877 :
C'est l'année où la presse subit les attaques les plus virulentes par le gouvernement. Après l'audacieuse dissolution de la Chambre par Mac-Mahon le 16 mai 1877, suivie des élections en octobre, les préfets reçurent la directive de limiter l'accès aux journaux dans l'espace public, en fermant nombre de kiosques et de cabarets. Une avalanche de procès s'abattit en outre sur la presse, pour un résultat totalement contreproductif : « c'était, à chaque procès, renouveler l'agitation. »

Critiques envers Gambetta et le parti républicains-gambettistes :
Avec la démission de Mac-Mahon en 1879 et la majorité républicaine en place, tous espéraient une amnistie pour les 2 000 communards condamnés à la déportation. Pourtant, la promulgation de cette loi fut sans cesse repoussée ; seule une amnistie partielle fut lâchement votée. Rochefort, relayé par d'autres journaux, dénonçait la timidité des républicains, redoutant que le retour des communards ne bouleversât leur édifice politique.
Il fustigeait le double jeu de Gambetta : d'un côté, prétendument favorable à l'amnistie, mais suggérant en coulisse à ses partisans de s'opposer à la proposition, protégeant ainsi son image tout en neutralisant ses rivaux. Quant à l'anticléricalisme, Gambetta vacillait : après avoir déclaré « le cléricalisme, voilà l'ennemi ! », il conseillait à ses suiveurs de ménager les sensibilités catholiques.
Pour ces raisons et bien d'autres, Rochefort le qualifia d'"opportuniste" dans une chronique, terme repris par la presse au point de substituer fréquemment "républicains" par "les opportunistes".
Enfin, l'amnistie totale fut promulguée le 10 juillet 1880. L'accueil triomphal réservé à Rochefort à Paris ébranla la presse, un journal allant même jusqu'à comparer ce retour, avec énormément d'exagération, à celui de Napoléon : « C'est comme une sorte de retour de l'île d'Elbe »

L'un des principaux enjeux pour Rochefort, à son retour, fut le scrutin de liste que Gambetta cherchait à instaurer. Il soupçonnait ce dernier de tenter de concentrer tous les pouvoirs à travers ce qu'il percevait comme une forme déguisée de plébiscite.
Cependant, non seulement le Sénat rejeta cette proposition de scrutin, mais quelques mois plus tard, en août 1881, Gambetta subit un autre revers. Cherchant à raviver son soutien populaire, il décida de prendre la parole à Belleville, quartier ouvrier et lieu symbolique de son discours de 1869 qui l'avait propulsé député. Si la foule était bien au rendez-vous, Gambetta fut cependant interrompu et conspué, le forçant à quitter précipitamment la scène devant 10 000 personnes. Malgré sa réélection avec une marge étroite, son aura populaire commençait à montrer des signes inquiétants d'érosion.

Rochefort, tout comme certains de ses confrères journalistes, mettait en lumière les étranges accointances qu'entretenait Gambetta avec des généraux impliqués dans la répression de la Commune.
Le cas le plus notable était celui du général de Galiffet, que Gambetta accueillait avec tous les honneurs, certains journaux évoquant même une sincère amitié entre les deux hommes.
Par ailleurs, le gouvernement de Gambetta semblait minimiser un scandale lié au général de Cissey, soupçonné d'avoir eu une liaison avec une espionne russe. Bien que les preuves formelles manquaient, l'agitation médiatique autour de cette affaire fut intense, et le général de Cissey sembla jouir d'une étonnante clémence de la part du gouvernement.

À mesure que la popularité de Gambetta déclinait, Rochefort affirmait qu'il se montrait toujours plus tyrannique. Un incident particulier que Rochefort souligne en atteste : après avoir qualifié le gouvernement de « gouvernement de crocheteurs », le député Baudry d'Ausson fut littéralement enfermé dans une salle de l'Assemblée Nationale. Incarcéré pendant quelques jours, on dit que Gambetta lui proposa de lui offrir la liberté à la condition qu'il ne prenne plus jamais la parole à l'Assemblée.

L'incohérence de la position du gouvernement de Gambetta se manifesta clairement lors des funérailles du courageux, mais polémique, Auguste Blanqui.
Bien que Blanqui, ce radical-socialiste, ait été pourchassé toute sa vie, ses funérailles attirèrent une foule imposante de 100 à 150 000 personnes sans subir d'interférences du gouvernement. de plus, neuf discours avec des sous-entendus politiques, critiques envers le gouvernement de Gambetta, furent librement prononcés.

Cependant, cette tolérance changea dramatiquement un an après.
À l'occasion de l'anniversaire de sa disparition, Louise Michel, accompagnée de quelques complices, organisa une commémoration paisible au cimetière du Père-Lachaise. En dépit de la modeste assemblée, le préfet de police, soutenu par le gouvernement de Gambetta, dispersa brutalement les présents, allant jusqu'à procéder à des arrestations.
La justification, jugée grotesque par une majorité de la presse, était que ce rassemblement de 250 à 350 personnes représentait une "procession" illégale.

Louise-Michel fut persécutée et poursuivie pour avoir soi-disant insulté un policier, traité "d'assassin et de fainéant", ce qui semble très étrange au vu de son tempérament habituel.
Ce même stratagème sera employé ultérieurement lors d'une grande manifestation réunissant 50 000 personnes, où Louise Michel fut tenue responsable du saccage d'une boulangerie. Sa seule notoriété d'anarchiste suffisait, aux yeux de ces despotes, à la rendre coupable de chaque écart.

Les controverses autour de Jules Ferry :
D'après Rochefort, le choix de Jules Grévy d'investir Jules Ferry avait un objectif clair : contrer l'influence grandissante de Gambetta, surtout en sachant que ces deux figures politiques nourrissaient une animosité réciproque ancrée par une querelle de longue date.
Il fut tout autant voire plus déstabilisé que Gambetta.

La menace des Khroumirs, que Rochefort jugeait comme étant artificiellement amplifiée, fut invoquée par Ferry comme justification à la colonisation de la Tunisie.
Il ne s'agissait que d'intérêts stratégiques français profitant de l'instabilité politique en Tunisie, d'enjeux personnels et des actes de corruption autour de cette colonisation. Rochefort alla même jusqu'à impliquer Gambetta et le consul Roustan dans des manipulations concernant la dette tunisienne.

Accablé par ces accusations, Jules Ferry engagea un procès contre Rochefort, mais cette stratégie fut désastreuse pour lui : le scandale prit de l'ampleur, des dénonciations fusèrent, mettant en lumière les abus et malversations de l'administration française en Tunisie.
Rochefort fut finalement acquitté, et la corruption partiellement reconnue. Ce triomphe attesta du fait que Rochefort était bien plus qu'un simple polémiste comme certains ont cherché à le dépeindre.

Un schéma similaire se déroula concernant l'expédition au Tonkin, où, cette fois-ci, l'excuse officielle avancée était de venger la mort du commandant Rivière…

S'il fallait une énième preuve de la cupidité de Ferry, ce serait l'affaire anecdotique et amusante de la « sorcière de Saint-Denis »
Cette femme, à l'aide d'une baguette magique, affirmait qu'un trésor était caché dans la basilique Saint-Denis, avait obtenu une autorisation officieuse en vue de fouiller et excaver les lieux, appuyée par une lettre de Jules Ferry et d'un autre ministre.
Ces fouilles ne menèrent à rien. La moquerie publique à l'encontre de cette femme, mais aussi de Ferry, s'est amplifiée, poussant les autorités à mettre un terme aux excavations.
Les journaux, Rochefort en tête, se sont délectés de cette situation embarrassante pour Jules Ferry et quand ce dernier tenta de se disculper, la femme brandit la lettre d'autorisation signée par Ferry.
Rochefort suggéra même qu'un arrangement financier concernant la découverte du trésor liait la sorcière au ministre.

Ferry s'est également montré lâche et servile, faisant preuve, avec ses ministres, d'une trahison manifeste envers la nation.
Ils se sont abaissés, multipliant courbettes et révérences, devant le roi d'Espagne de l'époque, Alphonse XII, lors de son passage à Paris, quelques jours seulement après que ce dernier ait accepté un titre honorifique de colonel au sein d'un régime prussien en Alsace-Moselle.
Une démarche perçue par les Français comme une provocation de la part de la Prusse, et une manigance de Bismarck pour éviter une alliance franco-espagnole. Les Parisiens, percevant dans le roi le reflet de leur humiliation, lui ont réservé un accueil hostile, glaçant et humiliant.

Face à cette hostilité prévisible, Ferry, au lieu d'assumer sa naïveté, a préféré accuser Rochefort d'avoir orchestré cette manifestation. Rochefort, pour sa part, n'a pas manqué de souligner l'ineptie de Ferry, arguant que ce manque d'anticipation démontrait sa naïveté flagrante.

Les funérailles de Victor Hugo, un duel silencieux entre cléricaux et anticléricaux :
Revenant à ses combats anticléricaux, Rochefort nous détaille les coulisses des funérailles de Victor Hugo : on n'en retient qu'une pharamineuse cérémonie, un nombre infini de fleurs, une foule immense… Mais c'était avant tout un enterrement civil ! Un adieu sans rituel religieux, sans que le cortège ne pénètre une église, ce qui détonnait beaucoup à cette époque.
Le désir de Hugo pour des obsèques civiles était de notoriété publique. L'archevêque de Paris, dans une dernière tentative, voulut changer la donne en rendant visite au lit de mort du poète, mais on lui refusa sèchement.

Il faut lire alors tout le fiel de certains journaux monarchiques et cléricaux, on n'avait jamais vu auparavant un tel enterrement civil.
Et que dire de l'inhumation au Panthéon, qui autrefois était l'église Sainte-Geneviève ?
Leur colère et leur indignation était évidente, presque comique : « Dieu a été exclu des obsèques d'hier, c'est entendu ; le Panthéon païen a été conquis sur la Croix de Sainte-Geneviève ! » s'offusquaient-ils. D'autres s'écriaient, la plume tremblante : « une immense parade d'athéisme ! » ou encore voyaient des ombres de la « de Franc-maçonnerie ».
Rochefort insinue que les funérailles d'Hugo ont sans doute inspiré une vague d'obsèques laïques, pour le plus grand désarroi des cléricaux outrés.

L'abandon politique de Rochefort :
Lors de son mandat de député en 1885, il n'eut le temps que de proposer une loi d'amnistie d'amnistie en faveur de mineurs ayant pris part à une manifestation ainsi qu'à un journaliste, M. Cyvoct. condamné en 1883 pour « excitation à l'assassinat » suite un article publié dans son journal. Il démontra toute la fragilité de la récente loi du 29 juillet 1881 en faveur de la liberté de la presse…
Si, dans un premier temps, sa demande d'urgence sur l'amnistie fut approuvée par une nette majorité de l'Assemblée, le vote final en sa faveur s'avéra moins fructueux. de nombreux députés, cédant à des accords et compromis officieux, se rétractèrent.
Face à cette inconstance, Rochefort, désabusé, remit sa démission. Il déclara : « Tant de versatilité indiquait suffisamment le degré de confiance que mettait une Assemblée où, en huit jours, près de deux cents bulletins blancs s'étaient changés en bulletins bleus. Je compris que pendant les quatre ans de cette législature personne ne pourrait arriver à un résultat pratique qu'à l'aide de marchandages, d'engagements et de contrats qui, presque tous, se rompraient au dernier moment. »

Après tant de nobles luttes, Rochefort va en partie dégénérer à partir du tome V... (1886-1896)
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