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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
RENTREE LITTERAIRE 2020

Georges Pérec avait sa « Vie mode d'emploi », Jean Rolin aura son « Pont de Bezons ».
C'est un livre qu'il faut lire une carte Michelin à la main, pour le suivre dans ses déambulations entre Melun et Mantes. Parce que le Pont de Bezons, on le connaît surtout pour être une station de la ligne de Tramway, traversant la Seine entre, d'un côté Nanterre et Colombes dans les Hauts-de-Seine en rive gauche et de l'autre côté Bezons dans le Val-d'Oise, en rive droite.
Jean Rolin va arpenter une zone située entre Melun et Mantes, et entre les dates de Août 2018 à fin Août 2019 – c'est précis, il s'agit de « mener sur les berges de la Seine (…) des reconnaissances aléatoires, au fil des saisons, dans un désordre voulu ».
Avec Rolin on fait de l'histoire (un peu) et de la géographie (beaucoup). L'auteur narrateur déambule tout autour du pont, à pied, et découvre l'envers du décor, celui que ne verront jamais les Franciliens qui prennent l'Autoroute ou la Nationale 6 à proximité.

On y découvre la France périurbaine, comme disent aujourd'hui les sociologues, avec ses camps Rom, ses réfugiés, sa faune (oiseaux, poissons, ragondins … …) et sa flore locales, ses boutiques (12 salons de coiffure détaillés sur la « route de Paris ») souvent désaffectées, ses cafés tenus par toutes sortes de « minorités ou encore son postier qui nous fait bien sourire.
On y déambule, on circule, on découvre à hauteur d'homme, et on fait défiler une liste de communes de la grande couronne : Choisy, Ivry, Charenton, Corbeil, Argenteuil, Villeneuve-Saint-Georges, la Garenne Colombes… un véritable tour d'horizon de cette France de la périphérie de Paris.

On croise aussi des artistes : il y est question de Caillebotte, et peut-être d'une maison qu'il aurait habitée – chacun se fera une idée en regardant une représentation du tableau intitulé « Vue de la Seine et de la rive d'Argenteuil », mais aussi on va parler Céline, de Proust, De Maupassant ou même Mme de Sévigné.

Et puis enfin on y parlera de l'homme, Jean Rolin. de son enfance, de ses secrets de famille, de sa relation avec « Celui-des-Ours » qu'on ne connaîtra pas.

Rigoureux (pour ne pas dire maniaque dans son souci de tout décrire ce qu'il voit), mélancolique, teinté d'humour, pour moi « le Pont de Bezons » est une sorte de portrait en creux de l'auteur narrateur. Avec beaucoup de subtilité, sans faire la Une des actualités, avec un côté un peu « vieille France », Jean Rolin nous décrit son univers … et c'est l'auteur qu'on découvre autour détour d'une phrase.

Un grand roman sur le temps et l'espace donc, plutôt intemporel, avec un vrai regard à hauteur d'homme sur des lieux qu'on ne regarde plus, penchés que nous sommes sur nos écrans de téléphone portable, une sorte de contre-feu allumé par le narrateur pour nous rappeler à être un peu plus dans l'ici et maintenant – presque un manuel de sagesse donc.
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Voilà un carnet de route le long des rives de la Seine, d'amont en aval, de Melun à Mantes, Paris excepté. Il faut tout le talent de l'auteur pour nous attirer et nous retenir en ces lieux. C'est presque à contre coeur que nous le suivons dans ses vagabondages, sur ces berges souvent boueuses, plus ou moins accessibles, encombrées d'obstacles, décorées d'entrepôts délabrés et d'usines obsolètes, habitées par des êtres en marge, roms, émigrés plus ou moins clandestins, et où seule une faune aviaire bien vivante nous laisse penser qu'ici comme ailleurs la nature aura la patience de reprendre peu à peu tous ses droits.
C'est le moral en berne que le lecteur tournerait les pages, s'il n'y avait le talent de l'auteur, son ironie discrète et désabusée, son élégante mélancolie, ses fausses naïvetés semées mine de rien au hasard des pages, bref s'il n'y avait un ton et un style.
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J'adore les livres de Jean Rolin et "Le Pont de Bezons", sa dernière création, ne déroge pas à la règle. Mais, contrairement au "Traquet kurde" ou à "Crac", pas d'exotisme géographique cette fois. Juste une petite promenade le long de la Seine entre Melun et Mantes-la-Jolie. Une très belle traversée à la fois mélancolique, humoristique et ironique au plus près du réel, une marche attentive pour voir ce que le proche a à offrir. le projet peut sembler modeste ou léger voire ennuyeux et pourtant Jean Rolin réussit un livre très beau en ne partant de presque rien et en restant profondément humain. Mélancolique, car en plus de descriptions dans les trois dimensions de l'espace, Jean Rolin ajoute celle du temps. Observant le présent, le lecteur découvre ce qu'il y avait avant, du temps de Caillebotte ou des guinguettes De Maupassant. Mélancolique, mais pas nostalgique, car Jean Rolin s'intéresse aux vivants, à ceux qui vivent dans cette France périphérique, dans ces quartiers populaires, dans cette banlieue parisienne qu'il arrive à décrire (on se demande comment) finement et justement, sans rendre l'entreprise ennuyeuse. Son écriture est d'une très grande précision, attentive aux moindres détails. On croise donc pêlemêle des commerces de banlieue, des poissons, des coiffeurs, des oiseaux, des installations militaires, des plantes, des friches industrielles, des personnages historiques ou familiaux et quelques personnages récurrents comme « Celui-des-ours » dont on ne sait pas grand-chose (seulement qu'il accompagne le narrateur) et puis monsieur Loutre, facteur étonnant au nom encore plus surprenant. C'est drôle, mais sans être caustique ou méchant. Jean Rolin écrit à hauteur d'homme et son grand talent, c'est cette affection, cette humanité, une forme de tendresse sans naïveté et sans mièvrerie qu'il arrive à mettre dans des choses modestes ou ridicules, sans se moquer ou sans ricaner. On est presque navré pour lui de ce lavabo de McDo bouché qui menace de déborder, on sourit au fameux lever de soleil sur le pont de Bezons qui revient plusieurs fois, on rit gentiment de notre narrateur qui sans complaisance nous raconte qu'il se « casse la gueule » bien qu'il s'y « attende depuis un bon moment ». Inclassable, "Le Pont de Bezons" est vraiment un excellent livre, bourré d'humour et de tendresse, où le merveilleux et les rencontres se produisent de la manière la plus simple, où il n'est pas nécessaire d'aller à l'autre bout du monde pour vivre d'étonnantes aventures. Il suffit de passer le pont.
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Jean Rolin est un auteur que j'ai eu des difficultés à appréhender, avec un style bien à lui.
Mais je peux écrire au passé car ses derniers livres m'ont conquis et j'ai plaisir à voyager en sa compagnie en dehors des sentiers battus.
Après "Crac" et ses châteaux moyenâgeux au Moyen-Orient, j'ai apprécié cette découverte des berges de la Seine en Ile de France, où la trace de l'homme est omniprésente et bien loin de respecter ce fleuve !
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Le pont de Bezons est un beau livre qui rapporte les promenades le long des berges de la Seine faites dans un ordre tout à fait aléatoire par Jean Rolin de Melun (Seine et Marne) à Mantes (Yvelines) en passant par l'Essonne d'août 2018 à l'été 2019.
Maupassant et Céline ont évoqué le pont de Bezons, Caillebotte et les impressionnistes ont peint des paysages évoqués dans le livre. Ce qui fait la richesse de ce « reportage » c'est l'intérêt accordé à une vie urbaine méconnue, celle d'une périphérie très particulière, celle des rives. Jean Rolin s'attache à décrire avec une précision extrême des détails, du presque rien, des traces de l'activité humaine récente et plus ancienne. Les périodes de l'Histoire se coudoient, se superposent. le texte dit le mouvement permanent des camps Roms entre carrières de sable et cultures maraîchères, les nids de poules d'eau, les rossignols et le coucou, la carpe avec M.Loutre, Flins et l'usine Renault. A travers l'évocation d'enseignes, de pancartes, de cafés ou de conversations à Villeneuve-Saint-Georges, Corbeil, Argenteuil, Conflans, le livre laisse entrevoir une diversité ethnique où l'on croise des curés africains, des Kurdes, des Daces, des Tibétains. L'auteur égrène aussi au fil de ses flâneries quelques souvenirs familiaux.
Il suffit de prendre le temps de regarder pour découvrir des merveilles et cela fait du bien.
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En 2019, Jean Rolin initie son projet « qui consiste à mener sur les berges de la Seine, entre Melun et Mantes, des reconnaissances aléatoires, au fil des saisons, dans un désordre voulu. » Avec le pont de Bezons, il en fait un livre, certes très descriptif mais plutôt intéressant.

Descriptif…Nous suivons l'auteur sur les chemins, découvrant avec lui la faune et la flore. L'auteur est un contemplatif solitaire.
« Heureux qui a vu le jour se lever sur le pont de Bezons »
Il nous cite les noms des rues, des quartiers, des bâtiments et commerces qu'il découvre en chemin. Quand on ne connaît pas personnellement les environs, il est peu aisé de s'émouvoir. Et pourtant!

Intéressant…L'auteur insère quelques références historiques générales ou personnelles en fonction des lieux traversés. Une maison du parking proche de l'usine Safran n'appartenait-elle pas au peintre Caillebotte ou n'apparaît-elle pas sur Les coquelicots, le célèbre tableau de Monet?
Toute l'histoire de la France passe par Bezons, disait Céline. le pont a sauté plusieurs fois pendant la seconde guerre mondiale. Anciennes zones militaires, entrepôts en ruine, usine des Mureaux où l'on construit l'étage principal de la fusée Ariane, cimetière des chiens où repose Clément, le chien de Michel Houellebecq entre autres. On croise des endroits où séjournèrent Madame de Sévigné, Berthe Morisot ou Elvire Popesco. Et à Carrières-sous-Bois, l'auteur se souvient de sa jeunesse en retrouvant l'ancienne maison familiale de son père.

L'ensemble est aussi et surtout une vision de l'abandon des berges de la Seine depuis les constructions des autoroutes et RER. Immeubles en démolition, déchets envahissants sur les berges et sur les eaux. Habitations, cafés et restaurants ont disparu. Tout un passé qui se perd. Certaines zones sont le refuge de ROM ou de réfugiés malgré l'astuce de soulever les terrains en vaguelettes pour empêcher l'installation de campements.

Seules les îles qui ne sont accessibles qu'en bateau entre Melun et Mantes semblent des zones privilégiées.

Malgré le sujet peu porteur, Jean Rolin capte et garde l'intérêt du lecteur tout au long de ces promenades. Écrivain et journaliste, l'auteur a un excellent don de l'observation, le style et les connaissances pour partager élégamment ses découvertes. Plusieurs fois, il a croisé des hommes, ROM, kurdes, tibétains mais, peut-être à cause de la langue, il n'y a pas trace d'échanges avec eux. Dommage, j'aurais aussi aimé partager cette expérience humaine.

Quand vous acceptez de vous aventurer sur des chemins inhabituels, vous découvrez parfois des beautés cachées. Sans ma participation au jury pour le prix du roman Fnac, je n'aurais pas eu l'occasion d'explorer sous l'agréable écriture de Jean Rolin des coins oubliés mais riches d'histoire des bords de Seine.
Une belle découverte !
Lien : https://surlaroutedejostein...
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Récit de marche dans cette Bande périurbaine de la région parisienne où le pont de Bezons est choisi pour repère. Libre évocation de lieux abandonnés, détruits par une urbanisation peu responsable et débordante et au milieu de ce spectacle navrant de belles émotions que seule la nature même entravée peut offrir.
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