Considéré à son époque comme le quatrième grand du théâtre français du 17em siècle, sa mort prématurée qui a précocement interrompu sa carrière littéraire, a sans doute contribuée à faire oublier sa mémoire. Pendant un temps, auteur officiel de la troupe de l'Hôtel de Bourgogne, à qui ses pièces appartenaient, une partie en est en plus perdue.
Mais c'est surtout que Rotrou correspond beaucoup moins à l'image du classique, ses oeuvres sont pleines de bruit et de fureur, et ont souvent du mal à entrer dans le carcan des règles. Il reste baroque, dans la langue, dans les personnages, dans les récits.
Faisant sans doute partie des pièces écrites pour l'Hôtel de Bourgogne et jouée en 1629, la pièce n'est publiée qu'en 1635, après la séparation de l'auteur avec la troupe. C'est une comédie, à une époque où celle-ci se cherche, entre la farce de la foire, jugée grossière, et la tragi-comédie qui peu à peu a évacué l'aspect comique au profit d'une action compliquée. Une comédie mettant en scène des personnages d'un rang social élevé, évitant le rire grossier, accordant un grand soin à la langue s'élabore, Corneille à ses débuts va beaucoup y contribuer, et Rotrou sera un maillon important de cette nouvelle comédie.
La bague de l'oubli est l'adaptation d'une pièce de Lope de Vega, c'est la première imitation connue d'un auteur espagnol dramatique, pratique qui sera largement utilisée par de nombreux auteurs dramatiques français par la suite. Nous sommes dans un royaume de fantaisie, Léandre, amoureux de Léonor, la soeur du roi de Sicile, pour pouvoir l'épouser et usurper la puissance royale, imagine y arriver au moyen d'une
bague ensorcelée, qui fait perdre la mémoire et son bon sens à celui qui la porte. Il substitue la bague magique à celle que porte le roi. Lorsque celui-ci a le bijou au doigt, il ne reconnait plus les gens, ordonne le contraire de ce qu'il a précédemment commandé, et s'apprête à remettre au final le royaume aux soins de Léandre et Léonor. Le comique consiste beaucoup à alterner les scènes où le roi porte la bague, et celles où il l'enlève et retrouve ses esprits, oscillant d'un extrême à l'autre, tenant des discours opposés et annulant ses actions précédentes sans que personne n'y comprenne rien.
Cela reste une oeuvre de jeunesse, sans doute écrite rapidement (les contraintes d'un auteur à la solde d'une compagnie l'imposait). Il y a donc quelques incohérences et facilités, le style de Rotrou n'est pas aussi maîtrisé et personnel qu'il le deviendra par la suite. Et puis ce type de comédie un peu empesée, où ne pas choquer le spectateur est un critère important, paraît un peu datée. Ce n'est pas inintéressant, mais pas passionnant non plus.
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Rendu par cet aveu le premier des humains,
Que j'égare mes voeux sur les lis de ces mains
Qui m'ont si doucement la franchise ravie,
Qui sous de si beaux fers ont mon âme asservie.
Dieux ! qui résisterait à de si beaux discours ?
Cet arbre et ce rocher sont amoureux ou sourds,
Et je crois qu'à t'ouïr ces fleurs et ces fontaines
Ont quelque souvenir de leurs premières peines.
Jean de ROTROU — Qui est-il ? (France III Nationale, 1960)
L'émission "Anthologie française", par Jean de Beer, diffusée le 2 mars 1960 sur France III Nationale. Lecture : Jean Topart, René Clermont, Henri Poirier, Pascal Mazzotti, Jacques Toja, Denise Noë et Régine Blaess.