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Choisi mi- novembre 2023 / Périple 2 - Boulogne Billancourt

Lecture fort agréable achevée, il y a déjà
deux mois !... .Je retrouve mes notes mises de côté ...en attente ! le temps manque cruellement , et je me hâte de les retranscrire avant de les oublier ou les égarer !!

Ayant lu avec enthousiasme son récit personnel " Kiosque ", j'avais choisi spontanément son dernier opus, celui-ci étant la prolongation du précédent....
En sus de son métier de " kiosquier" sur lequel il revient, il s'attarde au début sur un de ses fidèles clients , aristocrate désargenté, érudit , bibliophile dicret, et stendhalien passionné et dernière qualité et pas des moindres, il fut le tout premier lecteur....de " notre kiosquier national" !
Un personnage attachant , complètement atypique, lecteur très assidu, pleinement habité par la Littérature, en qui, notre écrivain a la plus grande confiance , pour son amour de la culture tous
azimuts !

Parmi la galerie de personnages croisés, il y a les clients du " kiosque ", la mère de l'auteur, des plus réservées quant à la renommée littéraire de son fiston, ses rencontres avec Doisneau, photographe pour lequel il a la plus grande sympathie...les anecdotes sur les coulisses du monde de l'édition, la course aux prix littéraires, l'accueil divers de ses textes;parmi ceux-ci, il nous parle légitimement plus abondamment des " Champs d'honneur" , roman qui lui vaudra le prix Goncourt, en 1990, et changera sa vie...

J'allais omettre "Le Personnage "...qui l'accompagne et qu'il connait mieux que lui-même : Son Cher Chateaubriand !..

Récit plaisant qui nous offre le parcours d'un apprenti- écrivain gravissant toutes les marches pour parvenir à la consécration de son art !

Toutes les étapes et les efforts d'un homme qui ne pense qu'à une chose : Écrire et trouver un éditeur ....

Le titre donne aussi l'autre face de ce récit: une ironie certaine sur ce monde parisien de l'édition!!
le ton : " Comédie d'automne "...allusion assez évidente à la période des " Prix littéraires " , de la petite cuisine entre les éditeurs et les différents jurys!

"Pénible, la vente des journaux pouvait l'être, principalement les longs mois d'hiver où je désespérais de la venue des beaux jours.(...)

Quant au faible prestige de la profession, inutile de m'enfoncer davantage, j'étais parfaitement au courant.

"(...)Mais ça m'était égal à présent que mon manuscrit était accepté par l'éditeur. Je pouvais bien vendre des journaux à vie.J'avais désormais le seul passeport qui m'intéressait à présenter à mes semblables.On ,et quelqu'un dont le jugement valait de l'or, m'avait reconnu écrivain. Je figurais dans le même catalogue que Beckett et les auteurs du Nouveau Roman (...)"

Parmi les nombreux portraits, le plus fourni concerne de façon fort compréhensible,son tout premier éditeur, Jérôme Lindon, grand patron des éditions de Minuit.Portrait des plus contrastés, ombres et lumières mêlées suggérant fort bien la complexité de cette très importante figure de l'Édition française...La reconnaissance de Jean Rouaud subsiste bien envers lui, tout en ayant aussi un regard critique et lucide sur les contradictions et " idées bien arrêtées" de
"son découvreur"...

J'achève ce billet par un très extrait parlant fort bien de l'Écriture et de ses tourments :

"Mais la vérité, c'est que dans le choix binaire qu'offre la naissance, je partageais avec notre mère d'être un solitaire.L'esprit de camaraderie, vital pour l'enfant unique qu'était notre père, m'était étranger. Un avantage, parfois.Cette posture qui consiste à se débrouiller seul, sans jamais rien demander, convient parfaitement à l'écriture. L'écriture se condamne d'elle-même si elle appelle à l'aide.Le surgissement de phrases inédites sur un terreau de solitude, c'est sa récompense et son châtiment, sa vanité et sa prétention, son humilité et sa grandeur (..)"





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Ce nouveau livre de Jean Rouaud reprend les choses là où « Kiosque » les avait laissées, pour notre édification et notre amusement. le sujet de la parution de son premier roman, « Les champs d'honneur », en 1990, et de sa réception enthousiaste par la critique et les media, il l'avait alors contourné. Ce sera le coeur de ce récit, qui relate aussi les sentiments mitigés éprouvés par l'auteur pendant ces semaines éprouvantes, où il était réduit à incarner la sensation du moment : un écrivain issu d'un milieu populaire, qui travaillait encore comme vendeur de journaux.

La comédie sociale est donc au premier plan. Si les coulisses de l'édition, avec ses manoeuvres, nous sont dévoilées petit à petit, le monde de l'auteur gravite pourtant encore autour de ce kiosque de la rue de Flandre et, notamment autour d'un de ses clients habitués, Albert, qui jouera un grand rôle dans cette histoire.

Cette attention soudaine et générale des media pour un écrivain était encore une exception à l'époque, moins hystérisée que la nôtre. C'est sûrement un exemple précoce de la puissance du « storytelling », mais dans le cas de Jean Rouaud il y avait tout de même un excellent livre derrière ce battage, dont le déclenchement n'était d'ailleurs probablement pas intentionnel.

Jean Rouaud, sans jamais le nommer directement, révèle le rôle ambigu et déconcertant joué par Jérôme Lindon dans la genèse de ce qui devait se limiter à une trilogie de ses origines. le succès d'édition était une obscénité : l'auteur autant que l'éditeur en étaient persuadés ! On peut donc dire qu'ils ont été dépassés par ces évènements aboutissant à l'obtention du prix Goncourt. Il n'y avait pas vraiment de chance pour que le Favori de chez Gallimard ne l'emporte pas cette année-là. C'était sans compter avec la volonté de ce prestigieux jury de se refaire une virginité après quelques années d'accusations récurrentes de copinage flagrant…

Le portrait que Jean Rouaud dresse de lui-même n'est pas dénué de zones d'ombres. Si la plupart des figures de pouvoir ne sont pas nommées, deux portraits plus lumineux émergent du récit, ceux de Bernard Rapp et de Robert Doisneau.

Pour ma part Jean Rouaud fait partie des écrivains que j'apprécie vraiment, précisément depuis « Les champs d'honneur ». Je remercie les éditions Grasset et NetGalley.
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Déjà ce titre allèche.
L'automne et ses « fins de journée pénétrantes, pénétrantes jusqu'à la douleur » et puis la comédie tour à tour légère, ironique, noire, cruelle aux hommes qui « sentent ».

Et puis il y a ce style qui nous emmène, nous fait sursauter, dit les choses cachées, demande relecture d'une phrase qui contient tant de ressentis.

Parcours biographique, rencontres porteuses de mondes différents, kiosquier au regard acéré, attitudes réservées, relations familiales, obsessions de l'écriture, exemples littéraires, une envolée dans les rêves et les réalisations d'un auteur en devenir.

Puis le basculement, le monde littéraire, la maison d'édition, les médias jusqu'à la curiosité malsaine, l'exploitation publicitaire, les rivalités et l'homme qui découvre l'autre monde, se tient en retrait, se préserve et reçoit mépris et honneurs.

Lucidité attachante qui des années après ce fameux prix dit les faits comme il l'a senti, perçu, vécu et cela pique et cela montre l'envers qui n'est pas toujours glorieux.

Attachant par son humanité, ce livre ouvre les yeux et remet les choses à leur juste place et les êtres aussi.
Un beau témoignage est celui consacré à Robert Doisneau, c'est bien donc pour cela que ses photos nous touchent tellement…

Un superbe livre…, beaucoup d'humanité comme d'habitude… loin des considérations de tous bords.
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Voilà une Comédie d'automne qui s'impose comme une évidence en cette rentrée littéraire et qui clôt en beauté La Vie poétique de Jean Rouaud, sa série autobiographique commencée il y a douze ans, série aux airs de Monde d'hier (Stefan Zweig).
S'il ne s'agit pas pour l'auteur de raconter sa vie, mais plutôt de retracer un chemin d'écriture en s'interrogeant sur son époque, Comédie d'automne revient de façon pittoresque sur son premier roman, Les Champs d'honneur (Minuit, 1990), dont l'éditeur ne pensait vendre que 350 exemplaires. Surprise, le roman sera couronné par le Prix Goncourt. Repéré avant parution par quelques libraires, révélé par quelques journalistes (dont Jean‐Louis Ezine du Nouvel Observateur qui, l'ayant lu avec enthousiasme, écourta ses vacances pour remonter précipitamment à Paris remettre son article), le livre va vite s'imposer auprès du public. le succès des Champs d'honneur réhabilite le roman balzacien et enterre le Nouveau Roman, voilà ce que raconte aussi cette Comédie d'automne qui retrace le parcours inédit d'un primo romancier dont la profession était alors kiosquier – marchand de journaux ! presque un affront dans le monde des lettres. L'ouvrage évoque aussi son engagement sincère et jusqu'au‐boutiste pour la poésie, le rapport à son éditeur, les entourloupes du Goncourt, la vie autour du kiosque de la rue de Flandre, dans les anciens faubourgs de Paris, ou encore sa rencontre avec le photographe Robert Doisneau. L'ensemble se révèle étonnant, émouvant parfois, drôle souvent, et comblera le lecteur curieux d'en savoir un peu plus sur les coulisses littéraires, celle du Goncourt bien sûr et comment on l'obtiend, mais aussi sur la naissance d'un écrivain - et d'une oeuvre. Génial.
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Ce livre est une friandise, plus spécialement un cocobat (tube de réglisse fourré à la pâte d'amande): intense et sucré tout à la fois. Rouaud raconte avec intelligence et subtilité les derniers jours avant l'obtention du Goncourt pour son premier roman. Il oppose son désir d'être écrivain à la clique germanopratine, qui comptabilise prioritairement ses intérêts éditoriaux : l'absurde de la littérature quand elle veut être rentable.
Ici on ne parle pas de transfuge de classe, terme malheureusement en vogue, renvoyant à une époque prérévolutionnaire, et qui permet encore aujourd'hui de rappeler aux uns et aux autres d'où ils viennent et où ils doivent aller. Rouaud est à sa place, celle d'un grand écrivain de langue française ; pas de volonté d'être devenir autre chose et encore moins un mondain du Café de Flore.
Son récit ne se circonscrit pas à ce seul évènement. Rouaud évoque le parcours de l'écrivain débutant, tel Sisyphe, construit par la volonté et la ténacité. Il parle de ses amitiés, de son amour distant avec sa mère, et de son admiration pour quelques compères.
L'écriture est magnifique, profonde et intelligente, pleine de sens et de vérité.
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C'est le sixième et dernier volume de la Vie poétique de Jean Rouaud, entamée chez Gallimard et achevée chez Grasset. le précédent, Kiosque, était très réussi. Comédie d'automne l'est tout autant.

Dans Kiosque, Rouaud racontait sa vie de... kiosquier rue de Flandre (7 ans tout de même), dans une France, un Paris et un dix-neuvième arrondissement d'un autre âge. Nous étions dans les années 80 (du siècle dernier) : tout cela parait très loin.

Comme son titre l'indique (c'est le cas de tous les titres De Rouaud) (très explicites), Comédie d'automne raconte les quelques mois de tension qui ont précédé et suivi la publication de son premier roman, les Champs d'honneur, et l'obtention consécutive du Prix le plus convoité de la littérature française (qui en compte un sacré paquet), obtention qui n'allait pas de soi entre nous soit dit (on imagine : un inconnu de 38 ans, kiosquier de surcroît, publié chez Minuit par dessus le marché).

- C'était il y a plus de trente ans.

Comme toujours avec Rouaud (c'est son vingt-deuxième livre), le récit est magnifiquement écrit. le lire procure un réel plaisir, celui de voir la pensée de l'auteur, qui explore toujours l'intime, son moi, les siens et leur monde englouti avec la minutie d'un entomologiste délicat, se déployer dans des phrases longues, souples, élégantes et précises ; elles se referment avec un petit Clac d'aise, comme une pièce d'ébénisterie.

Lire Rouaud, c'est revenir au vingtième siècle - et s'y lover. Tout s'y ordonne et se complète. Albert Camus, qui écrivit le Premier homme, disait que la pensée d'un homme est avant tout sa nostalgie. Jean Rouaud est un bel écrivain de l'intime et de la nostalgie.
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L'auteur a obtenu le Prix Goncourt en 1990 pour "les champs d'honneur". Je l'ai lu en son temps, comme tout le monde à l'époque et aimé.

Je n'avais pas eu l'occasion de le relire avant "Kiosque" (merci Keisha) qui m'avait plu également ; l'auteur y racontait les années passées comme vendeur de journaux dans le 15e arrondissement de Paris.

"Comédie d'automne" est présenté comme une sorte de suite. Nous retrouvons en effet la narration fragmentée, les digressions, les époques mélangées, les états d'âme du kiosquier.

Mais c'est surtout l'histoire de ce prix Goncourt inattendu, il n'était même pas dans les premières sélections. L'auteur raconte avec une certaine ironie sa rencontre avec le prestigieux patron des Editions de Minuit, sa décision de sortir "les champs d'honneur" dont il ne devrait pas vendre plus de 300 exemplaires.

Sans connaissance du milieu médiatico-littéraire, le jeune auteur mettra des années à comprendre ce qui s'est passé à ce moment-là et les raisons, peu glorieuses, qui l'on amené à avoir le Goncourt.

La description de ses premiers pas dans ce monde littéraire est savoureuse, notamment la circonspection des medias devant cet inconnu qui va brusquement troubler le jeu. Un marchand de journaux ! autant dire un plouc.

Nous passons des réactions de la famille de l'auteur à celle des habitués du kiosque qui commentent les évènements au fur et à mesure, des medias qui commencent à rôder dans le coin.

L'auteur, tranquille, reste relativement serein. Si son livre ne marche pas, et bien il reviendra vendre des journaux. Si personne n'est nommé, c'est assez facile de reconnaître les protagonistes du prix de cette année là et de saisir les manoeuvres destinées à éliminer le favori.

Certains passages m'ont touchée, comme par exemple les premiers contacts de l'auteur avec le regretté Bernard Rapp et son élégance naturelle.

Si j'ai aimé retrouver la vie autour du kiosque, avec notamment Albert, et le chemin d'écriture de l'auteur, j'ai fini par me lasser de cette comédie dans le petit monde germanopratin des prix. Ce n'est pas reluisant et je ne suis pas sûre que ce soit vraiment mieux aujourd'hui.

C'est le 6e et dernier opus du cycle poétique de l'auteur.
Lien : http://legoutdeslivres.haute..
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Le cycle se termine pour l'écrivain avec le prix Goncourt. de l'apprenti écrivain à la consécration, s'écoule nombre d'années avec les interrogations, les doutes permanents sur la légitimité, le talent et le destin possible de celui qui écrit. Dans chacun des ouvrages de Jean Rouaud, l'on retrouve la multiplicité de situations, à chacune d'entre elles se rattachent des ressentis décrits, décryptés avec moult détails, d'une grande finesse. L'apparente placidité de l'homme enregistre le moindre pli d'une robe, l'anfractuosité d'un mur disjoint, le geste anodin dans la construction d'un meuble. Dans le ressort qui meut la volonté d'un homme, il trouve enfoui un traumatisme ou une éducation d'un autre temps. La modestie, ou plus exactement l'humilité sous-tend l'entièreté de la démarche intellectuelle. L'humour distancié, moquerie légère envers un prochain ou réflexion acerbe sur la médiocrité de notre temps le protègent d'une duperie dont nous sommes très souvent les victimes consentantes.
Il fait ce qu'il peut semble-t-il dire à chaque page, s'excuse d'être là, puis se ravise, par curiosité plus que par intérêt, et respecte, suit le mouvement, s'étonne tout en ne laissant pas sa part au chat.
Il doute encore à la fin, mais oui, ce n'est pas l'autre, le bouffi de vanité qui aura le prix, dont il tait le nom, par élégance. Les acteurs de cette pantomime sont absents, rappelés dans un monde meilleur, soulignant au passage, 33 ans plus tard, que la mémoire est sélective et ne laisse que peu de place à la raie nature des êtres.
Un plaisir de lecture assurément.
Un autre titre de Jean Rouaud en lecture, "L'invention de l'auteur", sur la genèse enfouie, archéologie d'une vocation et d'un travail d'écriture, dont il faut reprendre la lecture tant sont riches les digressions venant se greffer sur le corpus d'un texte déjà brillant et fort précis.
Même constat pour le livre d'aujourd'hui, en plus léger.
Merci
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Comédie d'automne est un récit qui s'inscrit dans la suite logique de son précédent ouvrage Kiosque, paru en 2019 chez Grasset, dans lequel il racontait sa vie, son métier de Kiosquier, au 101, rue de Flandre, à Paris, dans le 19e arrondissement. Cette fois encore, il revient sur sa vie d'avant, sur ses rencontres, ses relations avec les habitués mais il évoque surtout, comment il a fini par quitter son emploi pour entrer de plain-pied dans le monde de la littérature.

Comédie d'automne nous donne ainsi l'occasion de pénétrer dans les coulisses du milieu littéraire, de comprendre comment les grands éditeurs (Grasset, Seuil, Gallimard…) se sont (pour ainsi dire) partagés les prix entre eux durant tant d'années grâce à un jeu d'influences entre les membres de l'Académie Goncourt.

Et quant un auteur issu d'une petite maison d'éditions comme Minuit s'invite à la fête et, qui plus est, par le biais d'un illustre inconnu, il y a tout lieu de penser qu'il s'agit là d'une erreur. Car ni Jean Rouaud, ni, son éditeur Jérôme Lindon n'auraient imaginé recevoir une telle recompose pour un livre qui avait bénéficié, pour sa sortie, d'un premier tirage très modeste… Un Jérôme Lindon jamais cité dans le livre, tout comme la plupart des personnages publiques évoqués, hormis le regretté Bernard Rapp, qui a contribué à faire connaître Les champs d'honneur quand il a invité Jean Rouaud pour la première de son émission Caractères, qui avait la lourde tâche de remplacer Apostrophes de l'indéboulonnable Bernard Pivot.

Comme bon nombre d'écrivains débutants, Jean Rouaud n'avait pas d'autre ambition que celle d'être publié et de continuer sa petite vie de marchand de journaux, bien tranquille, lui le natif de la Loire-inférieure (comme aimait le préciser Lindon) et qui avait écrit avant tout pour rendre hommage à un père disparu et aux soldats tombés au champ d'honneur de la grande guerre. Et puis finalement, le hasard, la chance, et le talent ont fait le reste. Car, rappelons qu'en cette année 1990, le prix Goncourt était, parait-il, pour ainsi dire déjà acquis à Philippe Labro. Et une fois de plus, certains allaient dénoncer un prix qui récompensait toujours un auteur issu d'une maison bien représentée dans le jury du Goncourt… Sauf qu'Hervé Bazin, alors président du Jury en 1990, en a décidé autrement. Histoire de redorer le blason du Goncourt, il a décidé d'inviter dans la partie Les champs d'honneur. On connaît la suite…

C'est toujours un grand bonheur que de retrouver la prose de Jean Rouaud, de parcourir le récit de vie de cet homme modeste, racontant ses souvenirs, se replongeant dans la fin des années 80 et le tout début des années 90, au moment où débute la première guerre du Golfe, de l'écouter parler de ses liens d'amitié avec un client fidèle venant chaque après-midi acheter la première édition du Monde. Touchant aussi quand il parle de sa mère, de son rapport à ses origines, dressant, au fil des pages, un autoportrait sans complaisance duquel ressort une forme sincérité et de droiture évidente, lui qui a toujours voulu resté éloigné du petit monde germanopratin.

Comédie d'automne est aussi un livre rempli d'anecdotes charmantes, notamment celle qui concerne sa rencontre empreinte de timidité avec Robert Doisneau, le jour de la remise du prix Goncourt. Un Livre ponctué d'humour, d'intelligence et de subtilité, racontant le parcours d'un écrivain pour lequel aujourd'hui on évoquerait sans doute le terme de « transfuge de classe », et qui continue, 33 ans après son Goncourt, de nous régaler, de nous faire passer encore de très bons moments en compagnie de ses mots et de ses souvenirs.




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En dehors du plaisir de retrouver un de mes chouchous (j'assume mes goûts), ajoutons celui de découvrir le récit de la parution des Champs d'honneur, suivie après quelques péripéties de l'attribution du Goncourt 1990. Comédie d'automne, la bien nommée, et je n'allais pas rater l'actualité concomitante.

C'est avec Kiosque (2019) que j'ai découvert l'auteur (ensuite j'ai englouti quasiment tout comme on le ferait d'un pot de caramel beurre salé), et dans ce nouvel opus l'on retrouve notre homme kiosquier dans le 19ème arrondissement, son manuscrit accouché à la Flaubert remis aux bons soins des éditions de Minuit.

Quelques portraits traversent le livre, un certain Albert acheteur du Monde, bien sûr l'éditeur de Minuit et ses conseils parfois étonnants, et qui n'avait pas poussé Rouaud en premier à cette rentrée là, et puis Doisneau, avec lequel un Rouaud pétri d'admiration semble avoir développé une belle amitié.

Sans oublier quelques rappels incontournables sur sa famille, on ne se refait pas.

Donc les Champs d'honneur paraissent, les lecteurs, beaucoup de lecteurs aiment, les journalistes s'y intéressent, les voilà en mission dans ce 19ème arrondissement pour rencontrer ce vendeur de journaux (il sait rendre la monnaie, bien sûr, mais sait-il lire? et puis cette histoire d'humbles ploucs, franchement!).

Pour des raisons de cuisine interne dans le comité Goncourt, le roman est ajouté tardivement à la liste des sélectionnés, alors que jusqu'ici l'auteur se contentait du bonheur d'avoir été édité (et lu, quand même), ça bouillonne, le Favori est écarté et ta-dam, le Goncourt 1990 est attribué à. Les médias se bougent.

La plume ironique de l'auteur fait merveille pour narrer tous ces épisodes et bien évidemment on se demande si la comédie d'automne ne revient pas fréquemment?
Lien : https://enlisantenvoyageant...
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