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EAN : 9782246803829
288 pages
Grasset (30/08/2023)
3.86/5   37 notes
Résumé :
« Comédie d’automne constitue le sixième et dernier épisode de « La vie poétique ». Je travaillais au kiosque quand « le tournant de la rigueur » nous a précipités dans une course à l’argent. Parmi les habitués se trouvait un homme d’une soixantaine d’années, Albert, dont j’appris au fil du temps qu’il était rentier, d’où son intérêt pour la seconde édition du Monde et des cours de la bourse. Spécialiste de Stendhal, il sera mon premier lecteur, et un conseille... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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Choisi mi- novembre 2023 / Périple 2 - Boulogne Billancourt

Lecture fort agréable achevée, il y a déjà
deux mois !... .Je retrouve mes notes mises de côté ...en attente ! le temps manque cruellement , et je me hâte de les retranscrire avant de les oublier ou les égarer !!

Ayant lu avec enthousiasme son récit personnel " Kiosque ", j'avais choisi spontanément son dernier opus, celui-ci étant la prolongation du précédent....
En sus de son métier de " kiosquier" sur lequel il revient, il s'attarde au début sur un de ses fidèles clients , aristocrate désargenté, érudit , bibliophile dicret, et stendhalien passionné et dernière qualité et pas des moindres, il fut le tout premier lecteur....de " notre kiosquier national" !
Un personnage attachant , complètement atypique, lecteur très assidu, pleinement habité par la Littérature, en qui, notre écrivain a la plus grande confiance , pour son amour de la culture tous
azimuts !

Parmi la galerie de personnages croisés, il y a les clients du " kiosque ", la mère de l'auteur, des plus réservées quant à la renommée littéraire de son fiston, ses rencontres avec Doisneau, photographe pour lequel il a la plus grande sympathie...les anecdotes sur les coulisses du monde de l'édition, la course aux prix littéraires, l'accueil divers de ses textes;parmi ceux-ci, il nous parle légitimement plus abondamment des " Champs d'honneur" , roman qui lui vaudra le prix Goncourt, en 1990, et changera sa vie...

J'allais omettre "Le Personnage "...qui l'accompagne et qu'il connait mieux que lui-même : Son Cher Chateaubriand !..

Récit plaisant qui nous offre le parcours d'un apprenti- écrivain gravissant toutes les marches pour parvenir à la consécration de son art !

Toutes les étapes et les efforts d'un homme qui ne pense qu'à une chose : Écrire et trouver un éditeur ....

Le titre donne aussi l'autre face de ce récit: une ironie certaine sur ce monde parisien de l'édition!!
le ton : " Comédie d'automne "...allusion assez évidente à la période des " Prix littéraires " , de la petite cuisine entre les éditeurs et les différents jurys!

"Pénible, la vente des journaux pouvait l'être, principalement les longs mois d'hiver où je désespérais de la venue des beaux jours.(...)

Quant au faible prestige de la profession, inutile de m'enfoncer davantage, j'étais parfaitement au courant.

"(...)Mais ça m'était égal à présent que mon manuscrit était accepté par l'éditeur. Je pouvais bien vendre des journaux à vie.J'avais désormais le seul passeport qui m'intéressait à présenter à mes semblables.On ,et quelqu'un dont le jugement valait de l'or, m'avait reconnu écrivain. Je figurais dans le même catalogue que Beckett et les auteurs du Nouveau Roman (...)"

Parmi les nombreux portraits, le plus fourni concerne de façon fort compréhensible,son tout premier éditeur, Jérôme Lindon, grand patron des éditions de Minuit.Portrait des plus contrastés, ombres et lumières mêlées suggérant fort bien la complexité de cette très importante figure de l'Édition française...La reconnaissance de Jean Rouaud subsiste bien envers lui, tout en ayant aussi un regard critique et lucide sur les contradictions et " idées bien arrêtées" de
"son découvreur"...

J'achève ce billet par un très extrait parlant fort bien de l'Écriture et de ses tourments :

"Mais la vérité, c'est que dans le choix binaire qu'offre la naissance, je partageais avec notre mère d'être un solitaire.L'esprit de camaraderie, vital pour l'enfant unique qu'était notre père, m'était étranger. Un avantage, parfois.Cette posture qui consiste à se débrouiller seul, sans jamais rien demander, convient parfaitement à l'écriture. L'écriture se condamne d'elle-même si elle appelle à l'aide.Le surgissement de phrases inédites sur un terreau de solitude, c'est sa récompense et son châtiment, sa vanité et sa prétention, son humilité et sa grandeur (..)"





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Ce nouveau livre de Jean Rouaud reprend les choses là où « Kiosque » les avait laissées, pour notre édification et notre amusement. le sujet de la parution de son premier roman, « Les champs d'honneur », en 1990, et de sa réception enthousiaste par la critique et les media, il l'avait alors contourné. Ce sera le coeur de ce récit, qui relate aussi les sentiments mitigés éprouvés par l'auteur pendant ces semaines éprouvantes, où il était réduit à incarner la sensation du moment : un écrivain issu d'un milieu populaire, qui travaillait encore comme vendeur de journaux.

La comédie sociale est donc au premier plan. Si les coulisses de l'édition, avec ses manoeuvres, nous sont dévoilées petit à petit, le monde de l'auteur gravite pourtant encore autour de ce kiosque de la rue de Flandre et, notamment autour d'un de ses clients habitués, Albert, qui jouera un grand rôle dans cette histoire.

Cette attention soudaine et générale des media pour un écrivain était encore une exception à l'époque, moins hystérisée que la nôtre. C'est sûrement un exemple précoce de la puissance du « storytelling », mais dans le cas de Jean Rouaud il y avait tout de même un excellent livre derrière ce battage, dont le déclenchement n'était d'ailleurs probablement pas intentionnel.

Jean Rouaud, sans jamais le nommer directement, révèle le rôle ambigu et déconcertant joué par Jérôme Lindon dans la genèse de ce qui devait se limiter à une trilogie de ses origines. le succès d'édition était une obscénité : l'auteur autant que l'éditeur en étaient persuadés ! On peut donc dire qu'ils ont été dépassés par ces évènements aboutissant à l'obtention du prix Goncourt. Il n'y avait pas vraiment de chance pour que le Favori de chez Gallimard ne l'emporte pas cette année-là. C'était sans compter avec la volonté de ce prestigieux jury de se refaire une virginité après quelques années d'accusations récurrentes de copinage flagrant…

Le portrait que Jean Rouaud dresse de lui-même n'est pas dénué de zones d'ombres. Si la plupart des figures de pouvoir ne sont pas nommées, deux portraits plus lumineux émergent du récit, ceux de Bernard Rapp et de Robert Doisneau.

Pour ma part Jean Rouaud fait partie des écrivains que j'apprécie vraiment, précisément depuis « Les champs d'honneur ». Je remercie les éditions Grasset et NetGalley.
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Le lundi 19 novembre 1990 l'Académie Goncourt attribuait son prix annuel à un auteur inconnu, pour un roman au titre qui intriguait, « Les Champs d'honneur. » le nouveau venu s'appelait Jean Rouaud. de lui on savait seulement qu'il tenait un kiosque à journaux dans le 19ème arrondissement de Paris
Mais l'histoire avait commencé un peu plus tôt, même si le néophyte de trente-sept ans n'était apparu que sur la liste ultime des sélectionnés, la fameuse « short liste. » Sa « Comédie d'automne » nous propose aujourd'hui un passionnant retour sur ces semaines qui virent le plus prestigieux jury littéraire de France opérer une spectaculaire volte-face. Elle nous offre accessoirement un édifiant aperçu de la cuisine éditoriale. Et surtout nous ouvre la porte de l'atelier dans lequel fut élaboré ce livre qui revenait de si singulière façon, y compris par le rire jaune, sur la Grande guerre, ses massacres et le cheminement au fil du temps de ses ondes dévastatrices. Ce vingt-deuxième livre de Jean Rouaud vient en effet clore le cycle en six volume de « La Vie poétique », entamé en 2011 avec « Comment gagner sa vie honnêtement. » L'écrivain y restitue non sans ironie son parcours dans cette seconde moitié du XXème siècle, qui vit les territoires traditionnels de la littérature se rapetisser au profit des sciences humaines, et l'auteur être déclaré mort au bénéfice du texte et de sa productivité interne, « le structuralisme ayant fait tomber un couperet entre l'auteur et son oeuvre. » Lui-même en passa par là, dans de premières tentatives d'écriture qui devaient grandement à cet air du temps. Alors qu'il avait sous les yeux une matière aux potentialités autrement conséquentes : un demi-siècle d'histoire d'une famille de la Loire inférieure, nommée plus tard Loire atlantique, déjà le politiquement correct, qui dans sa banalité contenait toutes les autres histoires. Il s'agissait de sa propre famille de petits commerçants dans le bourg de Campbon.
En épigraphe à « Comédie d'automne » Jean Rouaud a placé une citation De Chateaubriand, l'une de ses grandes références : « A la joie que j'ai toujours éprouvée en sortant d'un château, il est évident que je n'étais pas fait pour y entrer. » D'emblée la tonalité du livre et sa portée sont données. L'inconnu de l'automne 1990 entré par surprise dans le monde littéraire n'en fera jamais vraiment partie, du moins dans ses complicités et connivences, ses réflexes de caste et la morgue qu'il ne dédaigne pas d'afficher. Pour le microcosme et ses porte-paroles il fut longtemps cette figure exotique de kiosquier évoquant la vie de sa province avec des accents passéistes. N'alla-t-on pas chez certains jusqu'à soupçonner là-derrière des relents d'idéologie pétainiste ? de cela on ne peut certainement pas accuser celui que Jean Rouaud désigne comme « l'Editeur », Jérôme Lindon, dont il dresse un portrait en même temps respectueux et lucide. N'oubliant évidemment pas que, pour les directeur des éditions de Minuit, en cette rentrée de septembre 1990, « Les Champs d'honneur », dont il avait dans les années précédentes imposé une totale réécriture à Jean Rouaud (une « somme de montages, de charcutages », sans compter le narrateur à la première personne du pluriel), ne représentaient qu'un « second choix » dans la pourtant maigre production automnale de sa maison. Il avait annoncé à son nouvel auteur tabler sur quelques petites centaines de ventes. Soit tout de même autant que Claude Simon avant son prix Nobel. Bref, chez Minuit on postulait à une seule distinction, celle de la rareté et de l'excellence. La maison n'avait évidemment pas jugé utile de faire parvenir au Goncourt (« la plus formidable rotative inventée par le monde de l'édition »), ce livre un peu compliqué d'un débutant : Jérôme Lindon lui-même n'avait-il pas peiné à reconstituer l'arbre généalogique de ces provinciaux, dont les éléments se trouvaient disséminés un peu partout dans le livre ?
C'était ignorer un mouvement qui avait pris naissance au début du mois de juillet, lorsque Claude Prévost, le titulaire du feuilleton littéraire de « L'Humanité », avait signalé à André Stil, ancien du quotidien communiste, écrivain et lui-même juré Goncourt, la formidable nouveauté d'éclairage et l'originalité d'écriture de ces 156 pages. Une appréciation confirmée par un libraire de Perpignan ami de l'un et de l'autre. Quand plus tard il était devenu clair que Philippe Labro, le grandissime favori publié chez Gallimard, en prenant partout la pose du lauréat futur renvoyait au jury une image désastreuse de son indépendance, Hervé Bazin, le président de l'Académie, s'était opportunément souvenu, pour sauver la face, du livre cité par André Stil quelques semaines auparavant. La mécanique était lancée. Jean Rouaud donne à lire le récit détaillé, d'une ironie souriante mais mordante, de ces journées qui, si elles n'ébranlèrent pas le monde, mirent sens dessus dessous le microcosme. Un régal de lecture.
Tandis que l'on s'agitait dans le salon Goncourt de Drouant, la vraie vie continuait rue de Flandres, certes un peu troublée par l'émergence subite du kiosquier sur le devant de la scène. du côté de la famille, et plus particulièrement de la mère, dont « Les champs d'honneur » racontaient le parcours digne et discret, l'accueil fut à la hauteur de cette posture de repli. La gloire littéraire ne comptait pas parmi les valeurs de celle-ci. le fils relate avec infiniment de tact cette retenue teintée de tendresse. En 1998, quelque temps après sa disparition (il m'était impossible d'écrire sous son regard »), il faisait paraître « Pour vos cadeaux », en manière d'hommage à celle « qui traversait trois livres sur ses petits talons, ne laissant dans son sillage qu'un parfum de dame en noir. » Aujourd'hui Jean Rouaud redit de superbe façon sa dette à « l'humble trésor » familial, dont il se fit en quelque sorte le pillard. Ce qui reste, une fois achevée la comédie d'automne.
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Déjà ce titre allèche.
L'automne et ses « fins de journée pénétrantes, pénétrantes jusqu'à la douleur » et puis la comédie tour à tour légère, ironique, noire, cruelle aux hommes qui « sentent ».

Et puis il y a ce style qui nous emmène, nous fait sursauter, dit les choses cachées, demande relecture d'une phrase qui contient tant de ressentis.

Parcours biographique, rencontres porteuses de mondes différents, kiosquier au regard acéré, attitudes réservées, relations familiales, obsessions de l'écriture, exemples littéraires, une envolée dans les rêves et les réalisations d'un auteur en devenir.

Puis le basculement, le monde littéraire, la maison d'édition, les médias jusqu'à la curiosité malsaine, l'exploitation publicitaire, les rivalités et l'homme qui découvre l'autre monde, se tient en retrait, se préserve et reçoit mépris et honneurs.

Lucidité attachante qui des années après ce fameux prix dit les faits comme il l'a senti, perçu, vécu et cela pique et cela montre l'envers qui n'est pas toujours glorieux.

Attachant par son humanité, ce livre ouvre les yeux et remet les choses à leur juste place et les êtres aussi.
Un beau témoignage est celui consacré à Robert Doisneau, c'est bien donc pour cela que ses photos nous touchent tellement…

Un superbe livre…, beaucoup d'humanité comme d'habitude… loin des considérations de tous bords.
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Voilà une Comédie d'automne qui s'impose comme une évidence en cette rentrée littéraire et qui clôt en beauté La Vie poétique de Jean Rouaud, sa série autobiographique commencée il y a douze ans, série aux airs de Monde d'hier (Stefan Zweig).
S'il ne s'agit pas pour l'auteur de raconter sa vie, mais plutôt de retracer un chemin d'écriture en s'interrogeant sur son époque, Comédie d'automne revient de façon pittoresque sur son premier roman, Les Champs d'honneur (Minuit, 1990), dont l'éditeur ne pensait vendre que 350 exemplaires. Surprise, le roman sera couronné par le Prix Goncourt. Repéré avant parution par quelques libraires, révélé par quelques journalistes (dont Jean‐Louis Ezine du Nouvel Observateur qui, l'ayant lu avec enthousiasme, écourta ses vacances pour remonter précipitamment à Paris remettre son article), le livre va vite s'imposer auprès du public. le succès des Champs d'honneur réhabilite le roman balzacien et enterre le Nouveau Roman, voilà ce que raconte aussi cette Comédie d'automne qui retrace le parcours inédit d'un primo romancier dont la profession était alors kiosquier – marchand de journaux ! presque un affront dans le monde des lettres. L'ouvrage évoque aussi son engagement sincère et jusqu'au‐boutiste pour la poésie, le rapport à son éditeur, les entourloupes du Goncourt, la vie autour du kiosque de la rue de Flandre, dans les anciens faubourgs de Paris, ou encore sa rencontre avec le photographe Robert Doisneau. L'ensemble se révèle étonnant, émouvant parfois, drôle souvent, et comblera le lecteur curieux d'en savoir un peu plus sur les coulisses littéraires, celle du Goncourt bien sûr et comment on l'obtiend, mais aussi sur la naissance d'un écrivain - et d'une oeuvre. Génial.
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critiques presse (5)
LaCroix
05 octobre 2023
L’auteur des "Champs d’honneur" revient sur les péripéties qui le conduisirent à recevoir le prix Goncourt 1990.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Lexpress
28 septembre 2023
Avec "Comédie d’automne", l’ex-kiosquier, auteur des "Champs d’honneur", Goncourt 1990, relate avec malice son séjour au front du célèbre prix.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Marianne_
18 septembre 2023
Cette "Comédie d’automne" est drôle et émouvante. Son personnage principal n’est autre que le premier roman de l’auteur, "les Champs d’honneur", dont la parution fit l’événement en 1990.
Lire la critique sur le site : Marianne_
Culturebox
07 septembre 2023
L'écrivain replonge ses lecteurs dans l'épopée qui a précédé l'obtention du Goncourt. Il était alors kiosquier, et ne s'attendait pas du tout à un tel succès.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LeFigaro
05 septembre 2023
Un pur bonheur, qui n’empêche pas d’apprendre énormément de choses sur ce quasi-âge d’or d’une maison d’édition emblématique.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Si la réplique m'avait marqué c'est sans doute que cette idée d'un premier ancêtre, d'un " premier homme" comme dit Camus, m'encourageait dans ma quête d'une reconnaissance littéraire. Qu'il n'était nul besoin pour ça de quartiers de noblesse et de sang bleu. La poésie nichait aussi bien dans la tête d'un truand du Quartier latin à la fin du Moyen-âge que dans celle, butée, d'un collégien de Charleville sous le Second Empire. On pouvait être à soi- soi-même son propre lignage et à rebours, grâce au pouvoir d'agencement des mots, anoblir ceux de qui l'on procède et qui, aux yeux du monde, étaient jusque- là des moins que rien.Si je réussissais ma " campagne poétique ", moi le sans- grade rejoignant à grands coups de phrases comme de sabre les princes du verbe, j'adoubais les miens.

( p.26)
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Pénible, la vente des journaux pouvait l'être, principalement les longs mois d'hiver où je désespérais de la venue des beaux jours.(...)

Quant au faible prestige de la profession, inutile de m'enfoncer davantage, j'étais parfaitement au courant.

(...)Mais ça m'était égal à présent que mon manuscrit était accepté par l'éditeur. Je pouvais bien vendre des journaux à vie.J'avais désormais le seul passeport qui m'intéressait à présenter à mes semblables.On ,et quelqu'un dont le jugement valait de l'or, m'avait reconnu écrivain. Je figurais dans le même catalogue que Beckett et les auteurs du Nouveau Roman (...)

( p.52)
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Si Doisneau se repentait de son attitude, c'est bien que, spontanément de naissance, il savait qu'il aurait dû prendre le parti du pauvre Chaissac, qui avait tout pour être un frère, et non celui suffisant des puissants.D'autant qu'il l'avait vu profondément malheureux.Son village au milieu du bocage le martyrisait et sa femme le tenait pour un bon à rien.(...)
Chaissac n'était pas seulement peintre, mais poète :" c'est la magie des mots d'amour, d'une turbine regret d'un jour, j'en reste sardine." Je citai à Robert le poème. Le peu de reconnaissance qu'il avait eu de son vivant avait été un avertissement pour moi.
Cette photo de Doisneau où de profil, casquette sur la tête, il présente une de ses oeuvres, une pierre grossièrement retaillée sur laquelle il a peint un visage et un semblant de costume, était à mes yeux l'expression même de la solitude et du dénuement tandis que j'avançais dans mes " Champs d' honneur".Par un effet de miroir, je me préparais à encaisser ce chagrin d'une vie sans considération.

( p.232)
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Il livra ses premières impressions, précisa bien entendu qu'il n'était pas un spécialiste, que son ressenti n'engageait que lui et n'avait pas de valeur d'exemple, mais il avait pris beaucoup de plaisir et puis ah oui, il avait beaucoup ri.Comment ça ? Il avait ri ? Oui, enfin souri, souvent. Et je tombai des nues.J'étais persuadé d'avoir écrit un livre endeuillé, inondé de chagrin, et quelqu'un en qui j'avais pleine confiance m'expliquait que mes sombres nuages étaient troués de rais de lumière. Loin de m'en indigner, la nouvelle me ravit.

( p.157)
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Il est souvent question de littérature entre nous.Au fil du temps il m'avait confié sa passion pour Stendhal, même si là aussi, il ne m'avoua que tardivement posséder une édition originale de " La Chartreuse de Parme" Ce qui ne doit pas concerner beaucoup de personnes dans le monde.Un révolutionnaire bibliophile ?
Ce hobby de classe cohabitait mal avec sa sensibilité tiers-mondiste. Cette manifestation éminemment " droitiste" eût mérité en Chine l'envoi dans un camp de travail aux fins de rééducation. Pousser des brouettes de fumier fera passer l'odeur des reliures en maroquin.

( p.147)
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Vidéo de Jean Rouaud
À l'occasion du Forum des libraires 2023, Olivier Nora, Président-Directeur général, présente la rentrée littéraire des Éditions Grasset - @editionsgrasset7893
Au programme de la rentrée d'automne 2023 : 0:00 Introduction 1:01 *_perspective(s)_ de Laurent Binet* 1:15 *_À ma soeur et unique_ de Guy Boley* 1:29 *_l'enragé_ de Sorj Chalandon* 1:55 *_Rose nuit_ d'Oscar Coop-Phane* 2:30 *_strange_ de Geneviève Damas* 2:50 *_Le Jour des caméléons_ d'Ananda Devi* 3:06 *_Adieu Tanger_ de Salma El Moumni* 3:17 *_Le Grand Feu_ de Léonor de Récondo* 3:47 *_Comédie d'automne_ de Jean Rouaud* 3:58 *_Croix de cendre_ d'Antoine Sénanque* 4:11 *_Impossibles adieux_ de Han Kang* 4:39 Conclusion
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